Nicola Förg

Ce mois de juin qui voit la sortie de ce numéro spécial d’Olona, résonne encore dans nos
mémoires quand on pense aux années noires de l’Occupation. Juin 1940 : entrée des troupes
allemandes aux Sables, juin 1944 : débarquement en Normandie suivi quelques jours plus tard de
l’odieux et horrible massacre de la population d’Oradour-sur-Glane. Comment aujourd’hui,
malgré les années qui ont passé, pourrions-nous oublier la vie quotidienne des Français durant ces
années ? Certes, les ouvrages sur le sujet sont pléthore et une abondante filmographie en a traité.
Sur le plan local, grâce aux recherches en archives et à l’importante collecte de témoignages
de l’équipe de la société Olona, nous pouvons publier cet opus à l’occasion de l’inauguration du
musée qui a ouvert ses portes dans l’ancien blockhaus-infirmerie de l’avenue de Verdun. Ce
vestige symbolique est un signe fort de cette période historique et en même temps un lieu de
mémoire pour les jeunes générations. Elles doivent être informées de ce que fut la vie quotidienne
durant ces quatre années traumatisantes ; dans le même temps, les anciennes générations doivent
continuer de transmettre leur mémoire vivante. Nous tous, historiens, chercheurs, témoins avons
un rôle important à jouer, un rôle de médiateur auprès de ceux et celles qui n’ont pas connu ces
heures tragiques mais qui doivent être éclairés sur ce sujet.
À l’heure où j’écris ces quelques lignes, un ardent défenseur de la réconciliation francoallemande
s’est éteint. Loin de raviver les tensions passées entre nos deux pays, Helmuth Kohl a
poursuivi le rapprochement engagé entre nos deux peuples par le tandem De Gaulle-Adenauer
pour que de pareilles tragédies ne se reproduisent plus. Ce numéro exceptionnel est là pour faire
oeuvre de mémoire et pour essayer de comprendre ce qu’il est parfois compliqué de dénouer.
L’équipe d’Olona dédie ce numéro à la mémoire des témoins qui ont enrichi ce présent
volume en 2004 et 2010 et qui ne sont plus là pour témoigner aujourd’hui. Leurs souvenirs sont
désormais couchés sur papier. Olona est toujours là pour maintenir la flamme de la mémoire.
Le Président.
Les Sables sous l’Occupation (1940-1944) – N° Hors Série 2017
1
SOMMAIRE HORS SÉRIE 2017
LES SABLES SOUS L’OCCUPATION
1940-1944
3 L’arrivée des troupes allemandes aux Sables-d’Olonne le 23 juin 1940 par Anton
LAVIGNE
8 Dix otages sablais par Anton LAVIGNE
13 La parole est aux témoins : l’Occupation allemande au Pays des Olonnes par ceux qui
l’ont vécue par Benoît BOUCARD
35 Les premiers mois de l’Occupation allemande aux Sables-d’Olonne par Anton LAVIGNE
40 La gestion municipale des Sables-d’Olonne de 1940 à 1944 par Marie-Claude ALBERT
52 Les Sables à travers l’objectif d’un soldat allemand par Paul MORINEAU et Anton
LAVIGNE
58 La Marine de guerre allemande aux Sables-d’Olonne par Benoît BOUCARD
64 Un monument remarquable de la Seconde Guerre mondiale : le blockhaus de la rue de
Verdun par Benoît BOUCARD
69 Ces drôles de soldats allemands qui parlaient anglais : la légion hindoue en Vendée en
1943 par Alberto MALLASSAGNE et Benoît BOUCARD
75 Août 1944, l’été de la Libération par Anton LAVIGNE
87 La libération des Sables vue du quai de La Chaume par Pierre MÉNARD
92 5 enfants tués en jouant avec des obus par Pierre MÉNARD
94 La bataille des Portes par Yanice MICHAUD
99 Félix Kirié (1901-1943) par Jean-Pierre BRUNET
102 Jean Tesson, jeune Sablais mort en déportation à 23 ans par Yves TESSON
Les Sables sous l’Occupation (1940-1944) – N° Hors Série 2017
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L’Occupation allemande
L’ARRIVÉE DES TROUPES
ALLEMANDES AUX SABLESD’OLONNE
LE 23 JUIN 1940
Par Anton Lavigne
1940 – 1944
Le 10 Mai 1940, en préambule de la séance ordinaire du Conseil municipal qui vient de s’ouvrir, le
Maire des Sables-d’Olonne, Paul Lecomte1, fait une déclaration solennelle à l’adresse de ses concitoyens.
Elle résume parfaitement l’état d’esprit qui règne alors aux Sables depuis l’entrée en guerre de la France le
3 septembre 1939. En effet, depuis plus de huit mois, Sablais et Chaumois semblent vivre de loin cette
« Drôle de Guerre », même s’ils sont eux aussi confrontés à l’absence des hommes mobilisés sur le front et
à l’annonce des premiers enfants du pays « Morts pour la France »2.
Pourtant, la guerre est déjà présente aux Sables où, dès l’automne 1939, l’accueil des réfugiés
ardennais de Sedan et de Charleville3 mobilise toutes les forces vives de notre cité maritime. Cependant,
malgré un indéniable élan de solidarité nationale, c’est un véritable casse tête pour les autorités locales que
de pouvoir offrir à tous un hébergement, un repas, du travail et permettre la scolarisation des enfants tout en
ménageant les intérêts économiques de la station balnéaire (voir « La gestion municipale des Sablesd’Olonne
de 1940 à 1945 » par Marie-Claude Albert, p. 40 à 51).
La guerre est aussi rappelée au bon souvenir des habitants quand il s’agit de satisfaire tant bien que
mal aux exigences de la Défense Passive. À l’évidence, la population sablaise est indisciplinée… et les
Autorités d’Occupation s’en rendront compte à leur tour ultérieurement.
Pourtant, en ce début de mois de mai 1940, la guerre semble encore lointaine alors que l’on pense
déjà à la prochaine saison estivale…
« Mes chers collègues,
Au jour même où nous nous réunissons, la guerre, sur l’initiative de l’ennemi, entre dans une phase
active et probablement décisive, qui fera du 10 mai 1940 une date historique.
Certes, il y a huit mois que nous sommes en guerre, que des millions d’hommes sont séparés des leurs
et vivent en état d’alerte. Il n’est probablement pas de jour où quelques uns ne soient tombés.
Et pourtant beaucoup d’entre nous agissaient et parlaient comme si nous n’étions pas en guerre.
Aujourd’hui, personne ne peut plus douter que nous le soyons réellement.
Souhaitons que nos concitoyens se pénètrent d’un esprit de guerre, que la défense passive et
l’extinction des lumières ne soient plus uniquement un sujet de plaisanteries ou de critiques, que le coeur de
tous les Sablais et Chaumois s’ouvre enfin aux Réfugiés qui vont sans doute, cette fois, nous venir, que
l’égoïsme soit vaincu à l’arrière comme il l’est dans l’âme de ceux qui font à la Patrie le sacrifice total.
Tournons nos pensées vers nos vaillantes armées de terre, de mer et de l’air, vers celles de nos alliés
anciens et nouveaux, et espérons qu’à force de jeter de nouvelles nations dans nos bras par ses agressions
sans scrupules, le Reich allemand finira par soulever la conscience des États restés neutres et précipitera
lui-même l’heure de sa chute.
L’Assemblée s’associe unanimement aux paroles prononcées par Monsieur le Maire ».
1._ Paul Lecomte (1893-1974) a été Maire des Sables-d’Olonne de 1935 à 1942.
2._ Du 3 septembre 1939 au 10 mai 1940, on ne dénombre que quatre décès de soldats sablais : Henri Malescot (1915-
1940) à l’hôpital mixte de Verdun (Meuse) le 22 janvier, Pierre Guiriec (1903-1940) à bord du navire S.N.A.I. le 4
mars, Charles Cornu (1916-1940) à bord du contre torpilleur Bison le 3 mai et Yvon Le Reste (1902-1940) à Bordeaux
(Gironde) le 6 mai.
3._ Cf. Pierre Ménard, « Les Réfugiés de Sedan (1939-1940) », in Olona n° 185.
Les Sables sous l’Occupation (1940-1944) – N° Hors Série 2017
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Et de fait, c’est une nouvelle fois dans l’urgence que la ville doit faire face à l’arrivée massive de plus
de 9 700 réfugiés des Ardennes dont 4 800 Revinois4. Dans le même temps, 500 à 600 soldats belges livrés
à eux-mêmes échouent aux Sables après la reddition de leur armée le 28 mai.
Le mardi 4 juin, c’est un convoi de 169 blessés de guerre qui arrive en gare des Sables pour être
acheminé vers l’hôpital complémentaire.
Les nouvelles du front restent toutefois rassurantes puisque, selon les communiqués officiels, « nos
troupes se battent avec une vigueur et une résolution qui souligne l’intensité de l’effort ennemi et infligent
aux Allemands dans toutes les rencontres de lourdes pertes »5.
À partir de juin, la situation se dégrade pourtant comme le laisse filtrer la censure militaire indiquant
que « l’embarquement des troupes repliées sur Dunkerque s’est achevé aujourd’hui, conformément aux
plans établis »6.
Loin de la fureur des combats, la « Plus Belle Plage d’Europe » prépare quant à elle sa saison
balnéaire, comme en témoigne l’arrêté municipal du 14 juin réglementant la tenue vestimentaire des
baigneurs et interdisant notamment le port de costumes de plage (shorts, pointes) sur la voie publique…
Le rationnement n’est pour l’instant pas encore de mise mais les cartes d’alimentation pour le
sucre font toutefois leur apparition au début du mois de juin.
« Der Stratesgische endsieg über Frankreich » (La
stratégie de la victoire finale sur la France), carte extraite
de la revue Siegeszug durch Frankreich n°5/6, 1940.
Fonds Heinz Finzel.
Coll. Archives municipales des Sables-d’Olonne.
Fausses nouvelles et rumeurs sont
désormais monnaie courante et à plusieurs
reprises les autorités doivent mettre en garde la
population sablaise, par voies d’affichage ou de
presse, de ne pas y prêter la moindre oreille.
C’est que l’on ne badine pas non plus avec les
défaitistes, tel ce citoyen belge écopant de huit
mois de prison pour « propos regrettables à
l’encontre des armées alliées ».
Cependant, à partir du 20 juin, tout le monde
retient son souffle : « Patience et sang froid »
réclame le Journal de Sables qui invite les
habitants à ne pas céder à la panique. Mais l’on
sait maintenant de source officielle que les
Allemands ont passé la Loire entre Angers et
Nantes le 19 juin : « Le 20 juin, un avion
allemand lança des bombes sur le terrain de la
Lande (aérodrome) et tenta de toucher un bateau
en rade, qui justement amenait encore des
réfugiés, embarqués au Havre », raconte Paul
Lecomte7. Les premières unités ennemies entrent
en Vendée le vendredi 21.
Des nouvelles inquiétantes commencent alors
à circuler dans la ville, indiquant la présence de
troupes allemandes à seulement 30 kilomètres
des Sables.
Dans l’après midi du samedi 22 juin, jour de la signature de l’Armistice, elles entrent dans Challans et
La Roche-sur-Yon déclarées villes ouvertes8. « Le 22 juin, c’était un samedi, nous apprenions que les
troupes allemandes se trouvaient à La Mothe-Achard. Avec mes adjoints, nous avons attendu jusqu’au soir,
mais rien ne se dessinait à l’horizon » se souvient Paul Lecomte9.
4._ Cf. Pierre Ménard, « Les Réfugiés de Revin », in Olona n° 187.
5._ Communiqué Officiel du 25 Mai soir, Journal des Sables du 31 Mai 1940.
6._ Communiqué Officiel du 4 Juin soir, Journal des Sables du 7 Juin 1940.
7._ Ouest France du 23 juin 1960, fonds Albert Boucard, cote 19 J, Archives municipales des Sables-d’Olonne.
8._ Gérard Nocquet, La Vendée Libérée, éditions de l’Étrave, 1994.
9._ Ouest France du 23 juin 1960.
Les Sables sous l’Occupation (1940-1944) – N° Hors Série 2017
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Coll. Archives municipales des Sables-d’Olonne.
LES SABLES-D’OLONNE, VILLE OCCUPÉE
Le dimanche 23 juin, à 8h30 du matin, l’avant garde ennemie pénètre aux Sables et « c’est avec un
calme triste et résigné que les habitants apprirent la nouvelle de l’occupation de notre ville »10. Fontenayle-
Comte est occupée le même jour.
Le maire se rappelle ces minutes dramatiques : « Nous nous trouvions dans mon cabinet lorsque vers
8h30, nous avons entendu des rumeurs dans la rue et des bruits de motocyclettes. Apparurent alors dans la
cour de la mairie de grands diables vêtus de leur imperméables gris-vert. […] Ils décrochèrent les deux
drapeaux, les déposèrent sur un banc, ce qui nous permit de les récupérer par la suite »11.
Sur l’injonction des officiers allemands, le maire Paul Lecomte convoque à son cabinet le
commandant Brizad, commandant d’armes de la place, le sous-préfet Joseph Terral, le député Louis Aubert,
le receveur des postes Bernard-Durandeau, le capitaine de gendarmerie, le chef de gare Baradeau et les
directeurs de banques.
10._ Journal des Sables du 28 Juin 1940.
11._ Ouest France du 23 juin 1960.
Les Sables sous l’Occupation (1940-1944) – N° Hors Série 2017
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« À cette réunion, l’Occupant donna ses consignes : couvre-feu à 20 heures, interdiction de circuler
en automobile, interruption du téléphone, sauf communication officielle, etc. » (Cf. affiche du 23 juin 1940
p.15), mesures auxquelles il faut ajouter les restrictions quant au commerce, aux prix des
marchandises, à la circulation, à l’ouverture des cafés, à l’heure légale ainsi qu’à l’utilisation de la
monnaie. La valeur des coupures allemandes que les commerces sablais doivent désormais
accepter est d’1 Reichsmark pour 20 francs.
Billets de banque de Cinq Francs et de Cinquante Francs en circulation au mois de juin 1940.
Fonds Heinz Finzel. Coll. Archives municipales des Sables-d’Olonne.
À l’instar de ce qui s’est passé à La Roche-sur-Yon12 et conformément aux usages de la guerre, les
Allemands font établir une liste de dix otages pour « garantir la sécurité des troupes ». Choisis parmi les
hommes de 25 à 40 ans, ces otages sont libérés le 25 juin 1940 et libres de toutes obligations envers
l’Occupant un mois plus tard (Cf. « Les dix otages sablais » p. 8 à 12).
Au soir du 23 juin, le maire adjure ses concitoyens de conserver leur calme pour ne pas mettre en
danger la vie des otages et cet appel est relayé tout particulièrement auprès des marins par leur président
Emmanuel Garnier.
Si l’on en juge par l’article du Journal des Sables en date du 28 juin 1940, il semble bien qu’aucun
incident ne s’est produit ce jour là. Impuissante et résignée, la population sablaise assiste à l’installation des
troupes allemandes qui s’opère sous la menace des représailles à l’encontre des otages.
Coll. Archives municipales des Sables-d’Olonne.
Le siège de la Kommandantur13 est d’abord située provisoirement à l’Hôtel du Parc avant de
déménager avenue Carnot ; la Kreiskommandantur14 est quant à elle installée avenue de la Gare ; la
Standortkommandantur15 se trouve à l’angle du quai Wilson et de la rue de la Pie ; les bureaux de la
Hafenüberwachunsstelle16 et du HäfenKapitan17 Harken investissent l’hôtel Majestic quai Guiné…
Les bureaux de l’Inscription maritime sont occupés par la garde allemande du 23 juin à 19 h au 24
juin à 14 h. De même, l’immeuble de la Postes est mis sous surveillance dès le dimanche matin . Les
communications téléphoniques ne seront rétablies avec toute la Vendée qu’à partir du 5 août 1940.
12._ Christophe Potier, Occupation, Résistance et Libération en Vendée en 30 questions, Geste Éditions, 2003, p. 6-7.
13._ Poste de commandement militaire pour les affaires civiles.
14._ Kommandantur pour l’arrondissement des Sables-d’Olonne.
15._ Commandement de la place.
16._ Surveillance du port.
17._ Capitaine du port.
Les Sables sous l’Occupation (1940-1944) – N° Hors Série 2017
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« Veille à l’Atlantique », ouvrage pour les soldats
allemands de l’armée du Sud-Ouest (ci-dessus),
décembre 1940. À l’intérieur, les deux photographies
concernant les Sables (ci-contre). Fonds Heinz Finzel.
Colle. Archives municipales des Sables-d’Olonne.
Le 25 juin, après que les conventions d’Armistice entre la France, l’Allemagne et l’Italie soient
entrées en vigueur, le maire demande au commandant allemand de la place, le Colonel Noelticken, de
l’autoriser, selon les prescriptions du gouvernement français, à mettre en berne les drapeaux des édifices
publics, de fermer les cafés et les magasins (à l’exception des magasins d’alimentation), et de permettre
l’organisation d’une cérémonie devant le monument aux Morts de la Grande Guerre à 11 heures. Le 25 Juin
est donc une journée de deuil national : « Mardi, la ville était en deuil. Dès le matin, les magasins avaient
porte close, rendant plus triste encore ce jour à peine commencé et dont on aurait voulu hâter la fin.
Cravatés de crêpe, les drapeaux français flottant sur la mairie offraient le vivant spectacle de notre
douleur. À 11 heures, une gerbe de fleurs était déposée sur le Monument aux Morts au nom de la ville des
Sables. De nombreuses personnes firent ensuite l’offrande de modestes bouquets. Geste poignant accompli
en silence où toute la pensée des rares assistants se concentrait sur ceux qui donnèrent leur vie en 1914 et
sur ceux qui nie reviendront pas cette fois ci »18.
Au soir du 25 juin 1940, entre sentiments d’abandon, de fatalisme et de douleur, la population
sablaise et chaumoise se trouve désormais confrontée à la sinistre réalité de l’Occupation allemande. La
libération interviendra seulement quatre ans plus tard, dans la nuit du 27 au 28 août 1944…
18._ Journal des Sables du 28 juin 1940.
Les Sables sous l’Occupation (1940-1944) – N° Hors Série 2017
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allemande 1940 – 1944
L’Occupation
LES DIX OTAGES SABLAIS
Par Anton Lavigne
70 ans après l’entrée des troupes allemandes aux Sables, quelques Sablais se souviennent encore
aujourd’hui des instants dramatiques qui ont marqué le début de l’Occupation. En effet, craignant pour la
sécurité des soldats allemands, l’une des premières mesures prises par les autorités ennemies va être de
s’assurer de la passivité forcée des habitants.
Pour cela, l’Occupant demande qu’on lui désigne expressément dix otages issus des différentes
couches de la population sablaise et choisis parmi les hommes âgés de 25 à 40 ans. C’est ainsi que pendant
trois jours, du 23 au 25 juin 1940, la vie de ces hommes va dépendre d’éventuels actes de violence commis
contre les troupes allemandes. Leur libération effective le 25 juin ne signifie pas pour autant qu’ils sont hors
de danger car, jusqu’à la fin du mois de juillet 1940, ils demeurent directement responsables des actions de
résistance à l’encontre des forces d’Occupation.
C’est grâce aux documents d’archives de M. Albert Boucard19, ancien otage, que l’on peut
reconstituer aujourd’hui le fil des évènements. Ce fonds est composé de photographies, d’un diplôme, de
coupures de presse annotées et d’une médaille de la ville.
Les 10 otages sablais
Abbé Gouraud Adrien, vicaire à l’église
Notre-Dame (1er rang au centre)
Gueffier André, avocat, conseiller
municipal (1er rang à droite)
Boucard Albert, instituteur public, rue
Alsace Lorraine (2ème rang au centre)
Pédeneau Claude, électricien, rue
Nationale (3ème rang, 3ème en partant de la
gauche)
Souchet Maurice, mécanicien garagiste,
place de Strasbourg (3ème rang, 4ème en
partant de la gauche)
Bougras Élysée, armateur La Chaume (1er
rang à gauche)
Crémet Pacifique, patron pêcheur, rue de
l’Ancienne Comédie (3ème rang, 2ème en
partant de la gauche)
Faugeron Francis, armateur, La Chaume
(2ème rang à gauche)
Picot René, constructeur industriel, La
Chaume (3ème rang, 1er en partant de la
gauche)
Cornu Jean, comptable, rue Pépin (2ème
rang à droite)
Fonds Albert Boucard.
Coll. Archives municipales des Sables-d’Olonne.
19._ Archives municipales des Sables-d’Olonne, fonds Albert Boucard, cote 19 J. Ces documents d’archives ont été
donnés en avril 2007 par Mme Paulette Chabasse et Mme Michèle Defourne, nièces de M. Albert Boucard. Les
éléments biographiques ont été fournis par M. Lucien Chabasse.
Les Sables sous l’Occupation (1940-1944) – N° Hors Série 2017
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ALBERT BOUCARD (1906-1993)
Albert Boucard (ci-contre) est né le 19 janvier 1906 à Saint-Hilaire de
Riez (Vendée). Élève à l’école publique des garçons du Centre aux Sablesd’Olonne
de 1914 à 1918, puis au cours complémentaire de 1919 à 1921, il
intègre ensuite l’école Normale de La Roche-sur-Yon en 1922, pour terminer
ses études en 1926 avec le CAP d’enseignant. M. Boucard a fait sa carrière
d’instituteur à l’école de garçons du Centre jusqu’à sa retraite.
Il est décédé le 17 mars 1993 aux Sables-d’Olonne.
La médaille de la Ville a été décernée à M. Albert Boucard par M.
Louis Guédon, maire des Sables-d’Olonne, le 11 novembre 1986.
LE RÉCIT DES ÉVÉNEMENTS
Ceux-ci ont été relatés en détail dans le Journal des Sables du 20 juin 1965 sous le titre « Il y a 25
ans… (le 23 juin 1940) Dix otages… » :
« […] Dans la matinée, un officier allemand s’était présenté à l’Hôtel-de-ville où il avait exigé de
Me Lecomte, alors maire des Sables, la livraison de dix otages, âgés de moins de 40 ans et représentant les
diverses couches de la population.
De prime abord, spontanément, Me Lecomte, premier magistrat de la ville s’offrit pour représenter
tous ses concitoyens, mais l’officier refusa…
Et se déroula le drame le plus atroce qui puisse se jouer dans le coeur des hommes : la désignation de
ceux qui allaient affronter la mort […] ».
Dix personnes, dont Albert Boucard, répondent à la convocation qui leur est faîte ce jour là : « C’était
mon devoir ! » a t-il écrit plus tard.
Mais les exigences allemandes ne s’arrêtent pas là. En effet, au cas où des difficultés surviendraient
pour réunir les otages en question, il est demandé d’établir une liste supplémentaire de quatorze autres
noms. Fort heureusement, cette liste n’aura pas à servir par la suite.
Une modification va cependant intervenir dans la première liste sur laquelle figure le pharmacien Jean
Halochet. Celui-ci, gravement malade et alité « voulut se lever pour répondre à la convocation mais Me
Gueffier, avocat et conseiller municipal de la ville des Sables, s’offrit bénévolement pour le remplacer ».
Une confusion de personnes s’est glissée ultérieurement dans la liste officielle des otages : ainsi au
nom de Marcel Faugeron régulièrement mentionné, il faut lui substituer celui de son cousin Francis.
L’explication nous est donnée par M. Gérard Faugeron20 :
« Parmi les 10 otages sablais et chaumois devait figurer Rémy Daviot mon grand-père, né à La
Chaume le 8 avril 1889 et donc âgé de 51 ans. Or les autorités d’Occupation ne voulaient pas d’otage de
plus de 50 ans. Comme Rémy n’avait pas de fils, il fut décidé de prendre son gendre, Marcel Faugeron,
mon père, alors âgé de 27 ans. Or, soit par précipitation, soit par erreur, (ou les deux), les autorités
allemandes arrêtèrent un cousin de mon père, marin lui aussi, Francis Faugeron, 35 ans. Mon père
n’apprit que plus tard cette confusion… ».
Les otages doivent se présenter à 16 h à l’hôtel du Parc 22 avenue Georges Godet, siège de l’état
major allemand, où ils sont d’abord rassemblés : « De là, encadrés de soldats, ils furent conduits dans la
rue de l’abbé Marceau où ils attendirent trois heures sur le trottoir avant d’être enfermés dans une
chambre de bonne située dans les dépendances d’une maison située au n°35 de la rue de l’abbé Marceau
appartenant à Mme Gaston ».
Pendant ce temps, chacun exhorte ses concitoyens à ne rien faire pour ne pas mettre en péril la vie des
otages, à l’image du président des Marins-pêcheurs (Cf. document page suivante).
20._ Gérard Faugeron, Conseiller général du Canton et ancien adjoint au maire des Sables-d’Olonne est le fils de
Marcel Faugeron et le petit cousin de Francis Faugeron.
Les Sables sous l’Occupation (1940-1944) – N° Hors Série 2017
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Coll. Archives municipales des Sables-d’Olonne.
Cet appel est largement entendu et la communauté maritime, pourtant si prompte à réagir en
temps normal, reste tranquille.
Pour les otages, les conditions de détention sont dures, surtout du fait de l’inconfort du logement et du
manque de nourriture : « […] Ils étaient prisonniers dans une chambre où il n’y avait qu’un lit et un
lavabo. Pour tromper leur attente, ils discutaient sur la valeur des questions religieuses. L’abbé Gouraud,
lui, réclamait l’honneur d’être le cas échéant le premier à être fusillé et puis tous chantaient des hymnes
patriotiques. La sentinelle allemande ne comprenait pas le français…
À 23 heures, les dix hommes harassés tombèrent de sommeil. Quatre d’entre eux s’étendirent sur le
matelas, les autres sur le sommier et les deux marins, plus habitués au pont de leurs navires se couchèrent
sur le plancher.
Le lendemain, la matinée s’écoula sans incident, mais, depuis la veille, les otages n’avaient que peu
de choses à se mettre sous la dent, les Allemands n’ayant pas l’intention de s’occuper de leur
ravitaillement. À 13h30, Me Gueffier appela la sentinelle et faisant appel à ses souvenirs scolaires, lui fit
comprendre qu’il voulait voir le Burgmeister. Un lieutenant vint aussitôt. C’est ainsi qu’une carte put être
transmise à Me Lecomte qui disait que si le moral des otages était très haut, ils n’en avaient pas moins très
faim, les deux boites de sardines et le quignon de pain qui leur avait été glissés subrepticement, lors de leur
incarcération, par deux charitables voisines, Mlles Groisard, étant rendus bien loin.
Dès que les autorités françaises apprirent cette situation, le nécessaire fut fait. Grâce à M. D’Hastrel
de Rivedoux, président de la Croix Rouge Française, et à M. de la Roche Saint-André, trésorier de cette
association, un marmiton de l’hôtel du Merle Blanc pouvait apporter, vers 14h30, un panier en vannerie
contenant dix rations et du vin.
Hélas ! la sentinelle confisqua les bouteilles : « Nicht vin » dit elle… Mais les Français sont toujours
malins, c’est ainsi qu’un de nos concitoyens – aujourd’hui décédé – M. Gaudinier, comptable, organisa à
son tour le ravitaillement des otages. Il fit la tournée des cafés du quai et des bureaux de tabac. Et sa
serviette sous le bras, dissimulant les bouteilles et les paquets de cigarettes, il put, brassard au bras,
pénétrer gravement dans la « cellule » sous les yeux du soldat allemand. Les bouteilles vides purent être
cachées sous le paravent de la cheminée…
Bref, cette vie dura pendant trois jours et deux nuits, pendant lesquels une sentinelle venait
régulièrement compter et recompter les otages, sans demander leur nom. Nos concitoyens furent libérés le
25 juin à midi. Mais en les relâchant, le lieutenant allemand leur dit : « C’est terminé, on en prend pas
d’autres. On a vos noms et vos adresses, vous restez responsables… ».
Cette libération survient peu après que le maire des Sables soit intervenu par écrit auprès du
Commandant allemand le matin même :
Les Sables sous l’Occupation (1940-1944) – N° Hors Série 2017
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« Monsieur le Commandant, en attendant que vous puissiez répondre à ma demande de libération des
otages, j’ai l’honneur de vous demander de vouloir bien, en raison de l’armistice maintenant en vigueur,
accorder aux otages actuellement internés la faculté de rentrer à leurs domiciles respectifs où ils
resteraient consignés jusqu’à la décision favorable que j’espère devoir être prise incessamment »21.
Cette requête fait elle-même suite au courrier de M. D’Hastrel, président du comité sablais de la Croix
Rouge Française. Celui-ci se fait le porte parole de l’abbé Gouraud qui demande que les conditions de
détention des otages soient assouplies.
Grâce au calme de la population sablaise, la vie des
otages est finalement épargnée. Ce drame, malgré son
dénouement heureux, reste toutefois un épisode
douloureux du début de l’Occupation allemande. Pour tout
le monde, cette libération est un vrai soulagement, même
si chacun sait désormais qu’une menace insidieuse
continue de planer au dessus d’eux…
Les dix Otages, le 25 juin 1940 après leur libération.
Fonds Albert Boucard. Coll. Archives municipales des
Sables-d’Olonne.
LES HOMMAGES OFFICIELS DE LA VILLE DES SABLES À SES OTAGES
La première cérémonie en l’honneur des dix otages sablais a été organisée à l’Hôtel de ville le samedi
26 juin 1965.
« Pour la première fois, un hommage officiel a été rendu à l’Hôtel de ville samedi dernier, aux dix
otages sablais qui répondirent sur leur vie, le 23 juin 1940, du calme de la ville en face des Occupants.
Bien émouvante fut cette cérémonie de remise de diplôme par le maire actuel, M. Pierre Mauger, lui
même ancien déporté, qui eut lieu en présence de Me Lecomte, maire de la ville des Sables à cette époque
[…]. Sept des otages étaient présents : MM. Albert Boucard, instituteur retraité ; Élysée Bougras et
Pacifique Crémet, marins ; l’abbé Gouraud, aujourd’hui curé – doyen de Mortagne sur Sèvre ; Claude
Pédeneau, électricien ; Maurice Souchet, garagiste et andré Guéffier, avocat, bâtonnier au Barreau de La
Roche-sur-Yon. Le huitième, M. Francis Faugeron, patron de pêche, était en mer. Il fut représenté par son
épouse. Quant aux deux autres, MM. Jean Cornu, comptable et René Picot, chaudronnier, ils sont
malheureusement décédés depuis quelques années, mais la mère du premier et le fils du second assistèrent
à la cérémonie au cours de laquelle, au nom de la ville reconnaissante, M. Mauger remit à chacun un
diplôme […] ».22
21._ Archives municipales des Sables-d’Olonne, cote H VII 55.
22._ Journal des Sables du 4 juillet 1965.
Les Sables sous l’Occupation (1940-1944) – N° Hors Série 2017
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Diplôme et médailles décernées à M. Albert Boucard.
Fonds Albert Boucard. Coll. Archives municipales des Sables-d’Olonne.
La seconde a lieu en 1986
lors des cérémonies
commémoratives du 11
Novembre. À cette occasion, M.
Guédon, maire des Sablesd’Olonne,
a remis la médaille de
la Ville à MM. Gueffier,
Pédeneau et Boucard, ainsi
qu’aux veuves des otages, Mmes
Bougras, Faugeron, Picot et
Crémet23.
23._ Journal des Sables du 14 novembre 1986.
Les Sables sous l’Occupation (1940-1944) – N° Hors Série 2017
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L’Occupation allemande
LA PAROLE EST AUX TÉMOINS :
L’OCCUPATION ALLEMANDE AU
PAYS DES OLONNES PAR CEUX QUI
L’ONT VÉCUE
Par Benoît Boucard
1940 – 1944
Avant la guerre, est-ce que les événements internationaux étaient abordés dans votre entourage ?
Est-ce que l’on pensait qu’il pouvait se passer quelque chose de grave ?
« Les gens savaient qu’il allait y avoir une guerre. Les gens se préparaient. Mais les enfants ne
savaient pas, on vivait tout à fait en dehors de ça. On a réalisé vraiment la guerre quand il y a eu
l’Occupation.»
« Quand il y avait une sépulture autrefois, les hommes allaient au café. Ces hommes parlaient déjà
de la guerre. »
Mais pour les plus jeunes, « on n’avait pas conscience qu’il allait y avoir la guerre, moi je ne pensais
pas. La politique, à la maison on n’en parlait pas. On entendait bien parler d’ailleurs mais on ne pensait
pas que ça viendrait jusque là. »
« En 1938, on en parlait. Mon frère, avec ses copains, ils avaient fait leur service militaire. Ils
disaient qu’où ils étaient, il y avait des piles d’obus. Alors mon père disait que ces monticules d’obus,
faudra que ça se passe. »
Par contre, « la défaite a été une vraie surprise. »
De Septembre 1939 à Juin 1940, les principaux événements du début de la guerre se déroulèrent à
l’est de la France. Pourtant certains épisodes vinrent rappeler que celle-ci était présente et
notamment l’arrivée de personnes extérieures au département.
Les premiers à venir étaient déjà les victimes d’une guerre. Parmi les réfugiés espagnols « beaucoup
étaient venus en bateau et ils étaient dans le bassin à flot, dans leurs bateaux, et d’autres étaient vers le
Casino des Pins. »
Une entreprise de Chalais-Meudon, lors de la Débâcle, « est venue aux Sables-d’Olonne pour
fabriquer des ballons dirigeables. Ils avaient réquisitionné, en face de la rue de la Passerelle, un garage
qui était le marché du matin pour les primeurs. L’Armée française avait réquisitionné ces bâtiments pour
construire les ballons dirigeables et on a hébergé chez nous une femme et sa fille. Ce sont les premiers
Réfugiés qui se sont installés aux Sables-d’Olonne, fin septembre 1939. Toutes les chambres avaient été
répertoriées par la mairie pour savoir si l’on pouvait loger des gens et après la Débâcle, fin mai 1940, on a
eu tous les gens des Ardennes. »
Objets courants et indispensables du quotidien : pièce de un franc émise par l’État Français,
à la face frappée de la francisque (Coll. Benoît Boucard)
et timbre de 1941 à l’effigie du Maréchal Pétain (Coll. Claude et Marie-Thérèse Mathé).
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« À La Chaume, au début de la guerre, c’étaient les gens des Ardennes. En bas de la tour d’Arundel,
ils avaient fait des baraquements pour les mettre. Y en avait qui avaient 75 ans, 80 ans. Y en a plus d’un qui
sont morts à La Chaume. »
« En 1939, je devais partir au collège Richelieu à La Roche-sur-Yon, mais les dortoirs avaient été
réquisitionnés par l’armée française dès le départ de la guerre. Donc, il n’y avait plus d’internat et comme
il n’y avait pas de collège aux Sables-d’Olonne, le curé de Saint-Michel en a ouvert un dans ses bâtiments.
Il a ouvert ce collège avec des professeurs d’un peu partout [de la région parisienne, des Ardennes…]. »
« Il y avait les gens qui sont venus volontairement et y a ceux qui ont été évacués par les autorités et
parmi eux, il y avait le lycée de Charleville-Mézières et c’est ce qui a donné naissance au lycée des Sablesd’Olonne.
»
« On a eu des cousins de Paris qui sont venus. Après on leur a trouvé un logement, ce qui fait qu’ils
sont restés toute la guerre mais au début, on les a reçu chez mes parents. Ils étaient arrivés en train et
j’avais un cousin qui était venu à vélo de Paris. »
« Chez nous, nous avons reçu des gens qui arrivaient de Chartres et j’avais été étonné, puisque nous
n’avions pas de berceau et qu’il y avait un bébé. La dame avait alors mis le bébé dans un tiroir de
commode pour pas qu’il tombe. »
« Dès les premiers combats [en mai 1940], il y avait des blessés qui sont arrivés aux Sablesd’Olonne.
J’étais dans la cour de la gare qui [pour l’occasion] avait été complètement bloquée. Les
premiers blessés sont arrivés et ils ont été mis dans la Cité des Pins. Ils avaient des tenues d’hôpitaux,
c’est-à-dire des vareuses bleue marine et ils étaient soignés par des infirmières de la Croix-Rouge. »
En dehors de ces civils, il « y a eu ici des soldats belges [au moment de la Débâcle], qui ont été logés
principalement au casino. »
Parmi les Réfugiés, se trouvaient des familles complètes dont les enfants fréquentaient les mêmes
écoles que les Sablais.
« À l’époque, dans mon collège, on avait les deux frères Tolstoï, les neveux du grand écrivain russe et
qui ont été arrêtés [puis relâchés] par les Allemands. »
« J’ai souvenir en classe d’élèves qui portaient l’étoile jaune. J’avais demandé à ma mère pourquoi
et elle m’avait dit « les Chrétiens ont une croix, les Juifs portent une étoile ». Il n’y avait pas du tout
d’explication par rapport à ce que les nazis faisaient aux Juifs. On ne savait pas. Est-ce que nos parents
savaient et nous protégeaient ? Je ne sais pas. Je me rappelle ces trois filles, c’étaient des Polonaises. »
L’arrivée de tant de réfugiés créa des difficultés puisqu’il fallut trouver des lieux permettant de loger
cet afflux de population. Mais elle posa aussi un autre problème, celui de leur approvisionnement.
« Il y avait rue de la Teinturerie, une espèce de soupe populaire où les gens qui s’étaient réfugiés
pouvaient aller chercher de la nourriture. Nous étions en classe à l’époque et nous voyons les femmes qui
épluchaient les pommes de terre, qui faisaient cuire dans la cour où nous avions nos récréations. »
Pourriez-vous nous parler de l’arrivée des troupes allemandes aux Sables-d’Olonne, le dimanche 23
juin 1940, et de la première fois où vous les avez aperçus ?
« Les premiers Allemands que j’ai vu, c’est dans le bas de la rue des Teintureries [(l’actuelle rue
Pierre Sémard)]. La chose qui m’a beaucoup frappé, c’est qu’il y avait un Allemand qui était sur une petite
auto-amphibie et il avait sur le capot un petit chien, un caniche noir, et il lui faisait manger du chocolat.
Alors que nous, on ne nous donnait qu’une grosse tartine de pain et puis un petit carré de chocolat et ça, ça
m’avait beaucoup marqué. C’était un dimanche matin et l’après-midi, j’en ai vu un autre qui était sur une
moto, c’était un feldwebel avec un collier de chien, qui était venu faire réparer sa moto chez le mécanicien
de la rue des Écoliers. L’après-midi, autour de la gare, on s’est promené et les Allemands avaient été
Les Sables sous l’Occupation (1940-1944) – N° Hors Série 2017
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acheter du pain à la boulangerie qui était près de Saint-Michel et ils avaient donné des marks qu’il fallait
accepter. J’ai vu mes premiers marks ce jour-là. Je les ai vu aussi ce jour manger à la gamelle sur la place
de la Liberté. Il y avait la roulante, avec le tuyau qui fumait et alors, c’était du ragoût qu’ils avaient, ils
venaient manger. Tous ils emmenaient leur gamelle. »
Affi che datée du 23 juin 1940, jour de l’arrivée des troupes allemandes aux Sables-d’Olonne,
donnant les premières consignes et les premiers ordres aux Sablais.
Coll. Archives municipales des Sables-d’Olonne.
« C’était un dimanche. On était à se promener à la Rudelière. Quand on est arrivé, les Allemands, on
les a entendu. On s’est mis sur le trottoir. Ils étaient en moto. C’est ma soeur, née en 1938, qui d’un coup a
dit « voilà les boches, voilà les boches ! » Alors je lui ai fichu une gifle. Après on avait la frousse et l’on est
rentrées à la maison ».
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« Ils avaient dû d’abord aller rue de l’Hôtel de Ville et à la mairie. J’ai dit à maman « il y a un
boche ! » et j’ai reçu une paire de claques parce que c’était le mot qu’il ne fallait pas prononcer. Et je ne
l’ai plus dit de toute la guerre. »
« La scène me restera. On habitait rue du docteur Canteteau, à La Chaume. J’étais à la porte avec
mon grand-père et ma grand-mère et on regardait et là, j’ai regardé mon grand-père, il pleurait. Je l’ai
entendu dire « dire que l’on a fait la guerre, que l’on a fait tout ça pour éviter les boches et ils sont là ». Ça
m’a marqué. Et les premiers Allemands qui sont rentrés, il y avait deux motards et après ils sont rentrés
avec des carrioles avec des chevaux. Je peux vous dire que le lendemain, il faisait beau, toute La Chaume a
couru sur le Remblai. Pourquoi ? Parce que les gens disaient « Oh, les boches, ils se baignent à poil ! »
C’était vrai. Quand ils sont arrivés, ils étaient fous de l’eau et fous de soleil. »
« Quand ils sont arrivés dans leurs camions on leur faisait bonjour quand ils descendait la rue de
Champaillas [à Olonne-sur-mer]. Puis eux, ils faisaient bonjour ».
« Avec mes copains, on était sur le quai, à la tour d’Arundel. Tout d’un coup, un camion qui s’amène
qui était chargé d’Allemands. Ils sont venus jusqu’à la tour d’Arundel, le camion a retourné et ils sont
repartis. »
Comment s’est manifestée la présence des Allemands aux Sables-d’Olonne ?
Tampon de la Kreiskommandantur 505
de La Roche-sur-Yon.
Coll. Archives Municipales des Sables-d’Olonne.
« La Kommandantur s’est installée sur la place
de la Liberté [au 4 avenue Carnot, dans la maison
qu’occupe aujourd’hui le Centre d’Information et
d’Orientation]. Elle n’y est pas restée. Après elle était
à côté de l’usine de ballon, avenue de la gare. Vous
aviez la Kriegsmarine qui était sur le port. »
« Ils ont rapidement mis un drapeau allemand à
la mairie. C’était celui du Remblai, à l’Océan, qui
était impressionnant. Il y avait toujours un militaire
au pied. »
« L’école du Centre, ils avaient transformé ça
en caserne. C’était plein. Ils en avaient logé partout.
Sur le Remblai, les hôtels étaient pratiquement tous
réquisitionnés. »
Les Allemands avaient réquisitionné les hôtels
et à La Chaume, « dans le coin de la côte Montauban,
ils avaient pris des villas qui n’étaient pas occupées ».
« Tout le quartier du Passage était occupé par les Allemands. La marine allemande avait son
quartier général ici. Juste à côté de chez nous, il y avait la glacière et la rue était barrée par des chevaux
de frise. Quand on voulait aller chez nous, il fallait passer par le quai ou contourner par la rue Napoléon.
Là, il y avait l’hôtel Majestic qui était la Kreiskommandantur, puis après, il y avait des bureaux de la
marine. »
« Ils ont scié d’abord tous les sapins de la Rudelière qu’ils ont plantés dans le sable et au bout de ces
sapins, ils mettaient une mine et après, ils ont construit des triangles en béton [(des tétraèdres)]. Après la
guerre, quand les Allemands ont été partis, pour faire le boulevard Pasteur, on s’est servi de tous ces
montants en béton pour faire les bordures de trottoir. »
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D’une utilisation guerrière
à une utilisation pacifique : les
tétraèdres de la plage du Veillon
à Talmont-Saint-Hilaire et ceux,
réutilisés après guerre, du
boulevard Pasteur aux Sablesd’Olonne.
Phot. Benoît Boucard.
« On a eu des tranchées
cours Blossac et boulevard
Arago [sur la partie ouest de la
place]. Il n’y avait jamais
d’Allemand qui surveillait et on
y allait souvent jouer. »
« La ville était entourée d’un champs de mines et d’un fossé anti-tanks. Quand ils ont voulu revenir
[fin août 1944] c’est leurs propres fortifications qui ont protégé la ville. »
« En général, dans les carrefours, en ville, ils avaient installé des petits abris pour que l’on puisse
tirer à la mitrailleuse ».
« Une année, sur la place de la Liberté, ils avaient fait un camp d’entraînement, avec des trous. Ils
mettaient les bonhommes dedans puis les chars passaient dessus. Quand on allait à l’école, on regardait
ça. »
« Les gens avaient peur d’un débarquement. À voir tous les blockhaus qu’il y avait, à voir toutes les
chicanes qu’il y avait, à voir tous les barbelés sur la plage, les Allemands pensaient que cela pouvait se
faire. Alors nous aussi. Beaucoup de personnes avaient prévu de pouvoir se réfugier ailleurs si il y avait un
débarquement. »
Si les gens avaient peur d’un débarquement allié, on oublie souvent qu’au début de la guerre, les
Allemands voulaient également en réaliser un en Angleterre et pour ce faire, ils s’entraînaient. « Et alors, il
y a eu des choses amusantes parce qu’ils se voyaient rendus en Angleterre, ils croyaient que c’était du tout
cuit. Ils réquisitionnaient les bateaux de pêche, les pinasses. Ils ont même réquisitionné les passeurs et ils
ont fait des exercices de débarquement sur la plage des Sables-d’Olonne. »
Des contraintes particulières ont-elles été imposées à la population par les Occupants ?
« Dès le soir de leur arrivée, il y a eu des affiches de placardées et on nous a soumis au couvre-feu
dès le premier jour. Ils nous ont demandé de rendre toutes les armes. C’est-à-dire que tous les fusils de
chasse, on devait les porter au commissariat qui se trouvait auprès de la mairie. Mon père a été porter son
fusil et nos deux carabines mais il avait pris la précaution de retirer une pièce de son fusil de façon à ce
qu’ils ne puissent pas s’en servir. »
« Il fallait clore toutes les fenêtres pour pas qu’il y ait de lumière. Alors, dès l’arrivée des Allemands,
comme beaucoup de maisons avaient des persiennes ou des volets à clair-voix, il a fallu pointer dessus du
lino ou alors, vous aviez une entreprise de peinture qui faisait de la peinture sur du papier kraft que l’on
punaisait. »
« Il fallait tamiser la lumière. Si bien qu’un soir, je ne sais pas comment ça se fait, il y avait de la
lumière qui paraissait chez nous. Tout d’un coup, pan-pan à la porte. Maman dit que c’est les Allemands.
On a ouvert et ils ont fait voir qu’il fallait cacher la lumière. »
« Ils avaient très peur des signaux. Chaque maison devait camoufler sa lumière. Aux fenêtres, on
mettait des tissus épais, genre toile pour faire les vêtements de marins. »
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« Il y avait le couvre-feu et les Allemands coupaient l’électricité. Alors pour s’éclairer, on avait des
lampes à carbure. Ça ne sentait pas bien bon mais enfin, on voyait clair avec. Il y avait bien des lampes à
pétrole mais il n’y avait pas de pétrole pour mettre dedans. Il y avait bien des bougies mais ça ne donne
pas une grande clarté. Pas besoin de vous dire que l’on ne faisait pas de veillée à cette époque-là. On
mangeait puis au lit. »
« Le gaz était coupé à certaines heures. »
« Et on avait pas le droit d’écouter la radio. Mes parents en ont acheté une à la Toussaint 1941. Ce
n’était pas facile d’en avoir, ça se vendait un peu sous le manteau. Les postes radio étaient fait par des
artisans comme à la Mothe-Achard, d’où vient le nôtre, où vous aviez deux frères, un qui faisait le coffre en
bois et l’autre qui était électricien-radio et qui montait les postes. On écoutait Radio-Londres mais il fallait
tenir le poste éloigné de la rue car si ils entendaient le boum-boum-boum-boum [(premières notes de la
5ème symphonie de Beethoven, air adopté pars Radio-Londres)], ils tapaient à la porte et ils venaient vous
enlever votre radio. »
Les Allemands avaient fortifié le littoral mais aussi les entrées de la ville ainsi que certaines rues. Estce
que ce dispositif posait des difficultés de circulation ?
À La Chaume, à côté de la sous-préfecture, se trouve une grande maison bourgeoise et à ce niveau
« ils étaient plantés là eux autres, avec leur barrière. Et quand on débauchait de l’usine Graciet, on avait
des laissez-passer. Mais eux, ils nous entendaient arriver et nous avant d’être à la barrière, on entendait le
bruit de leurs fusils. On était plusieurs mais quand on entendait ça, on retournait vers l’usine. Mais il
fallait quand même bien passer. Alors on passait tout doucement. On avait une sacrée peur. »
À gauche : Laissez-passer autorisant le transport de marchandises entre Brétignolles-sur-Mer et La Chaume.
Collection particulière. À droite : colonne supportant le buste en bronze du docteur Godet, ancien maire des
Sables-d’Olonne. Le buste fut fondu par les Allemands en 1942. Photographie réalisée en 1943 devant le
tribunal. Collection particulière.
Sur le boulevard de Castelnau, « il y avait une porte entre la rue du Pont-levis et la rue du Fort.
Complètement fermée, avec des rondins et puis du sable et il y avait une petite porte au milieu. »
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« Il y avait une barrière à la sortie de la Garlière, en direction de Saint-Gilles, quand on sort des
virages, 200 mètres après dans la ligne droite [(rue Georges Clemenceau)]. Et c’était miné partout. »
« Il y avait des rues qui étaient bouchées et d’autres qui ne l’étaient pas. Fallait pas se tromper. À ce
propos, il m’est arrivé un tour, en me promenant avec des copains. On était sur le bord du quai de La
Chaume et l’heure du couvre-feu était passée. Sur une partie du quai, il y avait pleins de grosses barriques
et puis tout d’un coup, je vois un reflètement. « Oh, les boches sont là ! » que je dis. Ils étaient cachés
derrière les barriques et y en a un qui avait dû bouger. Nous voilà partis en courant. C’était sur la place
Neuve et puis on est remonté mais il fallait faire attention car il y avait des rues qui étaient barrées. Nous
on connaissait les rues. On a zigzagué et on est rentré chez nous tranquille. »
À cause de ce couvre-feu, « j’ai eu la poursuite des boches à travers la forêt d’Olonne. J’avais une
cousine à Saint-Martin-de-Brem et quand j’y allais, elle me disait des fois de rester manger et je restais à
discuter… longtemps. Je partais de là-bas à 10 heures du soir, à travers la forêt alors qu’il y avait le
couvre-feu. À un moment donné, j’entendais galoper. C’étaient des Allemands à cheval dans la forêt. Je me
suis planqué directement dans un fossé et puis j’ai attendu qu’ils s’en aillent pour repartir chez nous. »
Dans les archives des Sables-d’Olonne, nous retrouvons la trace de nombreuses mines marines
venues s’échouer sur le littoral et des documents relatifs à leur destruction par les troupes
d’occupation.
« Une mine était venue sur la plage. Ils voulaient la faire éclater. Il y avait des artificiers. Mais,
comme un fait exprès, le premier coup ça n’a pas marché. Bon bin, on va approcher et au moment qu’ils
ont approché, boum. Je montais la rue du Village Neuf et, [avec le souffle de l’explosion], je croyais que
tout aller dégringoler sur moi. Je ne savais pas ce que c’était, on ne l’a su qu’après. »
Affiche annonçant à la population la destruction de mines échouées sur le littoral
et fournissant les recommandations à suivre en prévision de leur explosion.
Coll. Archives municipales des Sables-d’Olonne.
« Quand cette mine a sauté, j’étais au travail juste au bout du Remblai, pas sur le Remblai, mais la
première rue derrière. Ça a fichu un sacré pet. Après, j’ai descendu sur la plage. Ils ont laissé descendre.
Je ne sais pas comment ça ce fait. Tu voyais des bouts de bonhommes et des bouts d’habits partout. »
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Malgré les défenses installées sur le Remblai, il était possible d’y accéder ?
Face à la tour d’Arundel : les défenses
allemandes sur le quai des Sables-d’Olonne.
Coll. Logeais-Buton.
« Oui, on pouvait aller sur le Remblai mais j’ai
souvenir que l’on ne pouvait pas y dormir. J’ai des
parents qui habitaient sur le Remblai et qui avaient dû
louer une maison dans le quartier de la gare pour
pouvoir dormir. Je pense que l’on craignait que les gens
fassent des signaux en mer, à des bateaux. »
« Un hydravion était venu sur la plage. Il était
venu pour se faire réparer. C’était un dimanche et tout
le monde était sur le Remblai à regarder cet avion. Ils
ont essayé de le faire repartir, bout à la mer. Alors, il y
avait un peu de vagues. Tout d’un coup, je ne sais pas ce
qu’il s’est passé, y a un flotteur qui a lâché. Tout le
monde rigolait. »
D’autres hydravions ont amerri aux Sablesd’Olonne.
« Ils amerrissaient un peu avant la tour
d’Arundel et puis après, ils se mettaient au ponton où il
y a le bateau de promenade maintenant », juste en face
de la Kriegsmarine.
Et à la plage, pouvait-on y descendre ?
« Il y a eu une période où l’on avait pas le droit. Ça nous manquait parce que nous, sans la plage, on
ne savait plus quoi faire. C’était le lieu de réunion de tout le monde, de tous les gosses du quartier
[(quartier de Bout de Ville et de Castelnau)]. Quand on pouvait y retourner, on attendait que la mer soit
basse pour aller se baigner car il y avait les défenses. »
La plage des Sables-d’Olonne en 1944, peu de temps après le départ des Allemands.
Collection particulière.
« On jouait parmi les poteaux de mines quand la mer était basse. À cette époque-là, il n’y avait pas
grand monde sur la plage, on était tranquille. Il n’y avait que les gosses du quartier [(du Passage et du
centre-ville)]. On pouvait y allait n’importe quand sauf quand il y avait des exercices de tir. Ils tiraient au
fusil à partir du Remblai en direction de la mer. Là, ils nous donnaient la chasse, ils nous prévenaient qu’il
fallait dégager parce que ça risquait d’être dangereux. Mais je ne me souviens pas d’avoir été chassé par
les Allemands parce que l’on était sur la plage. »
« Au patronage de Saint-Michel, on nous emmenait dans les rochers, sur la plage, dans la forêt de
Tanchet. Il n’y avait qu’une chose, on nous disait toujours de ne toucher à rien. Y avait des mines sur la
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plage, sur les piquets et on grattait les pignons au pied parce qu’ils étaient beaux. Les mines, on aurait dit
des fromages. »
Aujourd’hui, il ne nous paraît pas évident d’imaginer que le simple fait de se procurer à manger
posait de grandes difficultés.
« Mon père était négociant en bestiaux. Il avait été requis par le bureau du ravitaillement qui était
composé d’un président, d’une secrétaire, d’un comptable et d’un expert. Les animaux étaient
réquisitionnés dans les fermes des alentours des Sables-d’Olonne : le Château-d’Olonne, Talmont-Saint-
Hilaire, Vairé, la Mothe-Achard, la Chapelle-Achard… et tout ça se réunissait sur la place Louis XI. Les
fermiers amenaient leurs bêtes et là il y avait une bascule, un représentant du bureau du ravitaillement
pour prendre le nom et l’adresse des gens, et un expert qui était mon père. Les animaux passaient devant
l’expert qui attribuait la valeur de l’animal par sa forme, son état, son âge et par son poids et si la bête
était grasse, elle était payée plus cher qu’une bête qui n’était pas en état. Tout ça s’en allait à l’abattoir des
Sables-d’Olonne qui était dans la rue de Beauséjour. Les Allemands en prenaient une partie, c’est-à-dire
qu’ils avaient leurs officiers qui étaient là, qui prenaient ce qu’ils voulaient et eux ils s’en débrouillaient.
Ils prenaient des bêtes mais on s’arrangeait pour leur donner les plus mauvaises. Les agriculteurs se
débarrassaient. On abattait les vaches quand elles n’avaient plus de lait. Alors là, c’était des vaches
maigres et quand on pouvait, on les refilait aux Allemands ».
« Au début, il a fallut chercher [des fermes qui acceptent de nous fournir], et puis après, on était
attitré. Il n’y a qu’une fois que l’on a été attrapé en allant à Vairé car il y avait un boucher des Sablesd’Olonne
qui y avait été avant nous et qui avait dit qu’ils n’avaient pas besoin de nous garder du beurre ni
quoi que ce soit car nous étions malades et que nous ne viendrions pas. Et quand on est arrivé là-bas, il n’y
avait plus rien. »
« Quand on allait en campagne, on ramenait du beurre, des légumes, des lapins, des poulets… Ça
dépendait du porte-monnaie. Si il y avait gras dans le porte-monnaie, on ramenait davantage. »
« Trois fois par semaine j’allais à vélo jusqu’à Grosbreuil chercher de la nourriture. Avec un vélo
dont les roues étaient faites de deux pneus cousus l’un sur l’autre. Qu’il mouille, qu’il gèle, quand c’était le
jour, il fallait y aller. »
« Mon père était marin-pêcheur. On ne manquait pas de poissons. Il allait d’abord en chercher pour
lui. On ne mangeait pas forcement tout ce que l’on voulait, surtout au point de vu beurre, légumes. Fallait
en chercher en campagne. Ma mère allait en campagne, jusqu’à Vairé, à pied, pour chercher du beurre, un
morceau de viande. Elle avait une petite charrette et elle nous mettait dedans et elle cachait la viande ou le
morceau de beurre en dessous. »
« Ce qui nous a sauvé, c’est le poisson. Il y avait les marchandes de poissons qui passaient tous les
jours et pas besoin de tickets. Il y en avait au marché Arago, qui a toujours fonctionné, mais aussi ce que
l’on appelait les petites marchandes, avec leurs charrettes. Elles passaient deux fois par jour, le matin et le
soir. »
« Les halles fonctionnaient. Pour les poissons, il n’y avait pas besoin de tickets. C’étaient que des
petites marchandes qui vendaient aux halles et elles sillonnaient les Sables avec leurs petites charrettes. »
« Pour manger le soir, on allumait un petit poêle à charbon de bois. On le mettait dans la rue et on
faisait griller de la sardine. Tous les soirs, notre repas : de la sardine et des patates. On allait chercher des
patates jusqu’à Grosbreuil. »
Avec le poisson, « on faisait du troc. On allait en campagne pour échanger le poisson. »
« On avait du sucre et souvent on l’échangeait pour avoir de la farine. J’allais demander au
boulanger si il ne voulait pas un kilo de sucre contre de la farine. »
« La nuit, j’allais à la pêche, à la côte. Je passais dans les champs, à La Chaume, par un petit chemin
qui passait entre les champs de mines puis je descendais à la côte. Il y avait des blockhaus mais on passait
quand même. Je m’en allais à des heures épouvantables avec une épuisette et puis pas de lumière, sinon
j’aurais été repéré. C’est arrivé une fois qu’ils aient envoyé des petites roquettes. Je ressors et je suis resté
Les Sables sous l’Occupation (1940-1944) – N° Hors Série 2017
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tout un moment sans bouger mais je n’entendais plus rien puis je suis remonté. Je rentrais souvent avec une
belle pêche de crevettes. »
Malgré l’interdiction nocturne d’accéder à la côte et les risques encourus,
on n’hésite pas à braver les occupants pour améliorer un peu l’ordinaire.
Coll. Archives Municipales des Sables-d’Olonne.
Le pain était rationné et « à l’époque, on était habitué à en manger. Dans les fermes, on avait
toujours à manger. Par contre, le pain, fallait faire attention. On le laissait aux hommes et puis nous, on
s’arrangeait autrement. »
« Ah le pain. Je me rappelle des conversations entre mes parents, le déjeuner terminé. « Tu as assez
mangé ? » disait maman. En bon français qui privilégiait le pain, mon père disait « Je mangerais bien
encore une tartine ». Mais point question. Le pain était compté, au gramme. »
À l’école, « on avait des gâteaux vitaminés car certaines personnes n’avaient pas assez à manger
chez elles et les enfants avaient besoin d’un complément alimentaire. »
« Notre gouvernement eut sans doute pitié des enfants de France en cette période de restriction et on
inventa les gâteaux vitaminés : deux, je crois, par jour. Nous les mangions pendant la récréation. Dire
qu’ils étaient bons ? Ils étaient friables, loin du Petit Beurre que je connus après la guerre. Mais cela
s’appelait des gâteaux. Alors nous étions des enfants gâtés ».
« C’était difficile. Heureusement, on avait de la chance, on avait une épicerie, à côté du boulevard de
Castelnau et ils avaient du lait tous les jours. Tous les jours il y avait une fermière qui venait et elle portait
son lait à l’épicerie, dans des grandes jarres. Pas beaucoup de viande car il n’y en avait pas ou alors il
fallait aller faire la queue longtemps. La seule viande que l’on arrivait à avoir, c’était la viande de cheval.
Les Sables sous l’Occupation (1940-1944) – N° Hors Série 2017
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La boucherie chevaline se trouvait dans le centre ville, à côté de l’église, et il fallait faire la queue. Il fallait
être patient et ça m’est arrivé plusieurs fois d’arriver et puis il n’y en avait plus. Comme maman était
enceinte, j’y allais et puis j’aimais bien faire la queue, on rigolait, on arrivait toujours à trouver des gens
qui discutaient. On arrivait toujours à trouver les mêmes personnes. »
« Je me rappelle que ma mère me disait « il y a la queue chez un tel », et si il y avait la queue, on y
allait sans savoir si il y aurait quelque chose au bout. Et il m’est arrivé de faire la queue et tout d’un
coup, on disait qu’il n’y a plus rien. Alors, on ne savait pas si ça avait été du savon, de l’huile… Si
il y avait une queue, on y allait. »
« Le cheval était une viande pour laquelle on avait pas besoin de tickets. On faisait aussi griller des
glands pour faire du café. C’était un jus marron qui ressemblait à du café.»
« C’était des moments très difficiles pour les gens. Il fallait qu’ils vivent de leurs jardins. Il n’y avait
pas d’argent qui rentrait. On avait un jardin où il y avait des pommes de terre et il y avait des lapins qu’il
fallait aller nourrir tous les jours. Les gens se débrouillaient comme ça, avec de la volaille, des lapins, un
jardin. »
« Mon père avait été convoqué pour aller travailler en Allemagne et alors, il s’est tout de suite inscrit
chez Todt pour ne pas partir. Il travailla alors à Saint-Gilles [pour construire les blockhaus] et il me
racontait qu’il travaillait avec un monsieur, qui était bijoutier, et qu’un enfonçait les clous et l’autre les
arrachait pour avoir toujours l’air occupé bien que ne faisant pas avancer le travail. Tout le monde partait
en même temps, il y avait un ramassage. Il rentrait en fin de semaine et, je ne sais pas comment, il pouvait
avoir de la viande et on avait droit au pot-au-feu tous les dimanches. Et ça, je n’aimais pas trop car le potau-
feu, quand c’est sur une cuisinière, il faut surveiller, il faut mettre du charbon et donc, je ne pouvais pas
sortir. Avec la graisse du pot-au-feu, on faisait sauter les légumes. »
« Je travaillais à l’usine Graciet, à La Chaume, où on travaillait de la viande, des haricots verts, des
haricots blancs… On faisait des conserves pour l’armée allemande. Ce qu’il y avait, quand on travaillait la
viande, c’est qu’ils vendaient les abats, les queues. Autrement, on faisait aussi du saucisson, du saucisson à
l’ail. Ils vendaient ça aussi. Ils faisaient du boudin aussi, alors ça dépannait quand même. Et puis, en fin
d’année, il y avait des sardines et ils vendaient des boîtes. Mais des biftecks, il en est passé à l’as. Tout le
monde le faisait, les ouvrières, les bouchers qui découpaient la viande car on recevait les carcasses
entières. La viande toute fraîche comme ça, ça faisait envie [surtout en ces temps de restriction et en
sachant que c’était destiné aux Allemands]. Alors quand il y avait un beau morceau, on en coupait un
morceau, on le mettait de côté et puis après, on mettait ça sur le ventre. C’était de la viande saignante. »
Nous venons de parler des difficultés du rationnement alimentaire mais en allait-il de même pour tous
les objets indispensables du quotidien ?
« On avait des tickets pour tout, pour le beurre, le pain, le chocolat, le café, le savon, même pour les
cahiers. C’était difficile pour les élèves d’avoir du brouillon pour pouvoir faire les devoirs. Il fallait, quand
on voulait un tube de dentifrice, qui se vendait à l’époque chez le pharmacien, rapporter le vieux tube.
Même les bouteilles d’encre, dans lesquelles on remplissait nos stylos, on les rapportait à la librairie. »
« On avait pas de chauffage dans les maisons. On avait la cuisinière dans la cuisine. On faisait la
cuisine dessus mais ça ne chauffait que cette pièce. Il y avait des tickets pour le charbon. »
« Avec mon père, quand les locomotives vidaient leurs chaudières, ont récupérait [le charbon qui
tombait]. Et c’était pas toujours un petit peu, comme c’étaient des Français, et même si c’étaient des
Allemands. Il n’y avait pas que des mauvais ».
« Y en avait un qui faisait parti des FFI. Quand il montait par Champaillas [avec le train allant à
Saint-Gilles] et que l’on n’avait pas de charbon, il faisait tomber des briquettes du train. »
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« On volait du bois dans le casino du Remblai. On guettait quand les soldats n’étaient pas là, mais
une fois, ils nous ont couru après. On s’est planqué, ils avaient les chiens. On était quatre filles. Je faisais
le guet et les autres le prenaient. Fallait bien se chauffer ».
« On allait écorcer des arbres dans la cour de la gare. Des grands arbres arrivaient et à nous de
nous débrouiller. Quand on arrivait les premières, on avait le dessus, mais celles qui arrivaient trop tard,
elles ne pouvaient faire qu’un côté. Les Allemands étaient là, avec leurs mitraillettes. »
« On avait froid. C’est vraiment le souvenir que j’ai de la guerre. J’avais froid. On attrapait des
engelures, les doigts gonflaient. Des engelures craquelaient et il n’y avait pas de pommade pour faire
cicatriser. On chauffait avec une cuisinière dans la cuisine. Il n’y avait pas de chauffage dans les
chambres. Dans les lits, on mettait la brique qui avait chauffé dans le four de la cuisinière, entourée d’un
journal. Sur les vitres, il y avait du givre, des feuilles d’acanthes que l’on disait. »
« Il devait y avoir des ordres bizarres de donnés parce que je me rappelle, en classe, notre professeur
avait demandé à ce que l’on ramasse des glands et dans une pièce, il y avait une caisse pleine de glands qui
sont restés là, qui étaient pourris. Ça n’a jamais servi. »
« On nous faisait ramasser la ferraille pour emmener à l’école. On passait dans les chemins où il y
avait de la ferraille et puis on l’emmenait à l’école. Soit-disant que c’était pour le maréchal Pétain. »
« Les bicyclettes, les gens y faisaient très attention car il n’y avait pas de pneus. Il faut dire que rien
ne se renouvelait. Dès qu’il y avait quelque chose d’abîmé, c’était fini. »
« C’était l’époque de la débrouillardise car que mon père allait en forêt, dans les dunes, pour
chercher du chiendent, qui était trempé, séché et qui servait à faire des brosses. Ces brosses permettaient
des échanges dans les fermes pour du beurre, des oeufs, ce dont nous manquions le plus. On faisait aussi du
savon avec de la graisse de cheval. »
« J’ai fait du savon avec mon père. On avait fait des grands coffres en bois et on faisait fondre du suif
et autre chose, et ça faisait du savon, pas qui moussait beaucoup, mais ça lavait. »
« On avait des bons de laine mais il n’y avait pas de laine dans les magasins. »
« On arrivait à avoir de la laine naturelle dans les fermes et l’on tricotait beaucoup. On tricotait une
espèce de laine qui était un peu jaunâtre, car pas blanchie. On faisait des chaussettes, des chemises de
corps. Pour les chaussures, c’était plus difficile parce que l’on avait des bons de chaussures. J’ai souvenir
qu’une année, on a eu des bons de chaussures pour l’anniversaire mais malheureusement, le mien était
passé et j’ai du attendre un an pour avoir une paire de chaussures. »
« Nos pieds d’enfants s’allongeaient. Les chaussures devenaient rares, ou il n’y avait pas la pointure.
Non seulement les Sablais, mais tous les enfants de France ont porté à un moment donné des chaussures à
semelle de bois. Le dessus ? Genre simili cuir. Nous n’étions pas les Sablaises dans leurs petits sabots, qui,
elles, savent si bien trotter allègrement, tout en faisant un petit bruit agréable. Mais nos « galoches »
disions-nous, allaient s’user très vite. Alors, les papas de France trouvèrent des idées pour empêcher cette
usure. Mon père revint un jour à la maison avec un pneu usé jusqu’à la corde. Maman s’étonna de l’état du
pneu mais mon père lui dit « le milieu est usé, mais les côtés sont encore bons pour garnir, en bandes, la
semelle et le talon ». Et s’est ce qui se passa : moins de bruit, moins d’usure. Mais les pieds devaient être
raisonnables : défense de grandir trop vite ».
Quand ont été construits les blockhaus, « c’était un gaspillage de ciment car il y en avait dans le
blockhaus et il y en avait beaucoup qui disparaissait en cours de route. Les quelques artisans qu’il y avait
dans le secteur, ils n’avaient que ça comme ciment. C’était toute une combine. Les gars qui faisaient le
transport pour les Allemands crevaient les sacs dans le camion. Quand ils les enlevaient, ce qui tombait, ça
restait mais ce n’était pas perdu pour tout le monde. Il en allait de même pour le bois de coffrage pour les
blockhaus. Ils en faisaient venir deux fois plus car il y en a la moitié qui disparaissait dans les cuisinières
des Chaumois. »
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Donc, pour quoi que ce soit, il fallait utiliser des tickets de rationnement. Mais, où pouvait-on se les
procurer ?
« À droite de la mairie des Sables-d’Olonne, cette rue était beaucoup plus étroite. Il y avait un
bâtiment, une maison basse et l’on allait chercher nos tickets ici au départ. Après, on allait les chercher rue
des Jardins. Chaque famille avait droit selon l’âge des gens. Pour les enfants, les adolescents, c’étaient des
J3. On nous appelait d’ailleurs les J3. Les J3 avaient droit à un peu plus de beurre, de pain. Il y avait les
cartes des travailleurs qui avaient droit à un peu plus de pain et à du vin.»
Vous nous avez expliqué qu’un des plus important problème du ravitaillement, outre la nourriture,
était d’obtenir les moyens de se chauffer. Pourtant, avec la forêt d’Olonne à proximité, le bois ne
devait pas manquer ?
« On avait le droit de ramasser le bois mais il n’y en avait plus car tout le monde y allait. Puis c’était
la corvée. Le mardi et le samedi, on se levait à 5 heures pour aller jusqu’à Sauveterre. Mon père et mes
frères s’en allaient en avant et puis ils coupaient du bois. On allait jusqu’à la Gachère pour couper du bois,
à pied. C’était du boulot car il fallait aller jusque là-bas et revenir après en poussant les charrettes. »
Il était donc possible d’accéder à la forêt d’Olonne pour ramasser le bois sec mais avait-on également
le droit d’en couper ?
« Non, on avait pas le droit de le couper. Une fois, on était à la Tantouille et mon frère était grimpé
dans un arbre où il coupait des branches. Il y a quelqu’un sur la route qui a passé et puis qui a été au
garde-forestier pour le dire. Quand il est venu [mais l’ayant vu arriver], mon frère est descendu et maman
lui a attrapé sa hache des mains et puis elle l’a fichu en l’air [pour cacher les preuves]. On ne l’a jamais
retrouvé. Dès fois, on cachait les rondins sous du plus petit bois pour pas faire voir que c’était du gros que
l’on prenait. »
« La forêt a pris un drôle de coup. J’ai vu mon grand-père venir de la Tantouille à pleines brouettes
de bois. »
« On avait de grosses charrettes à deux roues, comme sur les chantiers navals. On mettait le bois
dedans puis, rempli, il fallait traîner ça jusqu’à la maison. Quand on passait devant la maison du gardeforestier,
on faisait tout doucement puis on courait bien vite. »
Mais il ne suffisait pas d’être pris à couper du bois dans la forêt pour avoir des problèmes. « Un de
mes frères louait une maison à La Chaume et elle était bien exposée. Alors il avait bien exposé ses rondins
pour qu’ils sèchent et sa porte était ouverte. Tout d’un coup, il y a deux gendarmes qui passent et qui voient
ces rondins. Ils rentrent dans la maison et disent « Monsieur c’est à vous ces rondins ? », « Bin oui », « Où
est-ce que vous avez pris ça ? », « On était en forêt ». Il ne pouvait pas dire le contraire. « Bon bin, c’est
très bien, vous allez vous expliquer au tribunal ! » Alors les rondins, il les avait gardés je crois, mais il a
fallu qu’il aille au tribunal. »
Si la forêt d’Olonne pouvait apporter un petit complément pour ce qui est du chauffage, la pêche, qui
tenait une place importante aux Sables-d’Olonne, devait permettre de compenser un peu le
rationnement ?
« Les marins ne sortaient pas souvent en mer. Ils n’avaient le droit qu’à une fois par mois de gasoil
et puis il ne fallait pas aller trop loin. »
« Le gasoil était rationné pour les bateaux. Alors, ils étaient souvent plusieurs bateaux et mettaient
l’essence en commun, ça permettait de travailler un petit peu. Alors ils embarquaient deux ou trois
équipages sur le même bateau mais enfin, il fallait partager à cette époque-là. »
Les Sables sous l’Occupation (1940-1944) – N° Hors Série 2017
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Affiche réglementant la pratique de la pêche : sorties, lieux de pêche
et conséquences en cas de non respect des consignes.
Coll. Archives Municipales des Sables-d’Olonne.
Avec le manque de carburant, « on a remis en route ces vieux dundees qui étaient en train de pourrir
dans le port. On les a réarmés parce que quand la guerre a éclaté, il n’y avait plus beaucoup de bateaux
qui allaient à la pêche à la voile. »
Il y avait un « drapeau tricolore sur les bateaux de pêche pour qu’ils soient reconnus par les
Allemands. »
Les Sables sous l’Occupation (1940-1944) – N° Hors Série 2017
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« Le port était bouché. Ils fermaient le port la nuit. C’étaient des gros flotteurs qu’ils y avaient, des
gros boudins en ferraille. Ils le larguaient d’ici [(des Sables-d’Olonne)] et le rabattaient le long du quai.
L’heure c’était l’heure et d’après qu’ils ne faisaient pas de cadeaux. »
« Il y avait des heures pour rentrer au port, même si il y avait tempête. Je crois même qu’il y a un
bateau qui était reparti et qui a coulé. »
« Y en a un qui n’a pas pu rentrer le soir, il est resté au large. Il y a eu mauvais temps et ils se sont
perdus. »
« Je me souviens que mon père, avant de partir en mer, [allait au bout du quai Guiné]. Il y avait un
bureau qui délivrait les permis de partir. Il fallait qu’ils aillent s’inscrire. »
Laissez-passer nécessaire aux marins pêcheurs afin de pouvoir sortir en mer.
Coll. Gérard Faugeron.
Avez-vous eu des contacts, volontaires ou non, avec les militaires ?
« Bien sûr. Nous on habitait pratiquement avec [à l’extrémité du quartier du Passage qui était un
secteur fortement occupé]. Ils nous donnaient du pain puisqu’ils étaient quand même mieux nourris que
nous. Il y avait des Allemands qui avaient des gosses de notre âge, il y avait des pères de famille. »
« On allait dans les cafés leur chercher à boire. Ils nous donnaient de l’argent pour et puis, ils nous
laissaient ensuite un peu d’argent pour nous. On était content comme des dieux. Est-ce qu’ils partaient
pour prendre le train ? Je les revois tous allongés dans les pelouses, entre les fusains, et puis nous, on allait
leur chercher le ravitaillement. »
« Jamais, on avait la frousse. On avait surtout peur de ceux qui avaient les cols noirs avec deux
petits « s » en argent. Là, quand on les voyait, on changeait de trottoir. Parce que nos parents nous
avaient décrit des choses épouvantables pour nous faire peur en disant qu’ils coupaient les mains des
enfants. Des trucs absolument faux bien sûr. »
« À mes soeurs, on leur disait qu’il ne fallait pas prendre de bonbons parce qu’autrement, on aurait
été empoisonné. Et même, interdiction de leur parler. »
Gardez-vous des souvenirs particuliers, des anecdotes, relatives à la période de l’occupation et/ou
impliquant des soldats allemands ?
« On était dans la cour derrière la maison avec une copine. On jouait à la balle contre un mur. À ce
moment-là, on laissait les portes ouvertes, il n’y avait pas de voleurs. Y a deux Allemands qui rentrent et
Les Sables sous l’Occupation (1940-1944) – N° Hors Série 2017
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qui ont traversé toute la maison. Ma mère leur a dit que l’on s’amusait mais ils devaient avoir un pet dans
le nez. »
« Et puis la fois où il y a eu cet avion anglais abattu. Bin, ils sont venus chez nous [(à La Chaume)]
parce qu’il y avait un parachutiste qui était tombé et ils le cherchaient. Il y avait un chantier de maçons qui
était juste de l’autre côté de chez nous et ils voulaient absolument que ce parachutiste soit tombé de l’autre
côté du mur. Mon père leur disait « Y a rien, vous voyez bien qu’il n’y a rien ». Ils ont été chercher une
chaise pour pouvoir voir de l’autre côté si c’était vrai. »
« Quand on venait faire du ravitaillement aux Sables-d’Olonne, on venait avec une brouette. On
passait à côté du centre de marée de maintenant. D’un coup, il y a un Allemand qui arrête la brouette et il
ne voulait plus que l’on reparte avec. Maman avait beau rouspéter, rien. Alors de colère, le soldat a pris la
brouette avec tout ce qu’il y avait dedans, on avait taché de récupérer un petit peu ce qu’il y avait, maman
avait même sauté dessus, et il a fichu la sacrée brouette dans le port. Ah mais, c’est qu’elle ne s’est pas
laissée faire maman, elle est partie au bureau de la marine [(sur le quai au bout du quartier du Passage)] et
elle a raconté son histoire. C’est qu’il a été sanctionné le gars et ils ont repêché la brouette. »
« Il y avait une maison close rue des Buandières. Elle existait avant les Allemands. Les Allemands y
allaient beaucoup. Mes parents ne voulaient pas que l’on passe dans cette rue. Les Allemands venaient. Ça
buvait, ça chantait. Ça buvait même beaucoup. J’ai vu une fois des marins sortir d’un café et ils se sont
battus au couteau, entre eux. »
« Un dimanche de 1940, le défilé d’un régiment, officiers en tête, en tenue vert de gris, défilant sur le
Remblai, avec obligation pour les forces de police de les saluer. J’en vis qui pleuraient. »
Fonds Léo Leboucher. Coll. Archives municipales des Sables-d’Olonne.
« Tous les jours, on avait les Allemands qui passaient sur le boulevard de Castelnau. On les avait en
montant, le matin, puis ils s’en allaient je ne sais pas où et puis ils revenaient le soir et ils redescendaient. »
« Tous les matins, rue Guynemer, en allant en classe, je croisais une bande de militaires qui étaient
bien alignés et qui chantaient très bien et très fort. Je ne sais pas où ils allaient, ils descendaient toujours à
l’heure la rue Nationale. »
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Malgré l’interdiction de vendre de l’alcool aux militaires allemands,
ces derniers parviennent toujours à trouver de quoi étancher leur soif.
Coll. Archives Municipales des Sables-d’Olonne.
« On les voyait parce qu’il y avait un petit café boulevard de Castelnau et certains le fréquentaient.
Mais y en avait beaucoup qui évitaient de leur servir boire mais y en avait qui étaient obligés. »
« Les premiers déboires des Allemands qui nous amusaient beaucoup, c’était l’Afrikakorps. On allait
rue Nationale dans un petit bistrot et je me rappelle encore de cette réflexion, parce que l’on s’amusait
comme l’on pouvait : « qu’est-ce que vous prenez les gars ? » « Un Rommel à l’eau ». »
« Notre jeunesse, ils nous l’ont quand même sucrée. Y avait pas de bals, y avait rien, fallait rentrer de
bonne heure. C’était pas marrant. Pourtant, j’ai failli me faire ramasser parce que les bals étaient interdits
mais il y avait un bal clandestin dans une maison de la forêt de la Pironnière. On commençait juste à
s’amuser, les flics sont venus. »
« Je me rappelle que dans la cour de l’école, on nous faisait chanter « Maréchal nous voilà ». Il y
avait vraiment de la propagande qui était faite parce que l’on nous avait fait un goûter au Casino des
Sports, avec des tableaux de Pétain, et on avait eu une séance de cinéma, au cinéma Jeanne d’Arc, sur le
bateau le Charcot. Et ça, c’était toujours accompagné d’affiches avec la tête du maréchal. »
« Et puis étant gosses, on était contents. On allait chercher des petites bouteilles de Perrier que les
Allemands nous donnaient. On se fourrait partout. »
« Il est passé aux Sables-d’Olonne, très peu de temps, de jeunes hitlériens, facile à reconnaître et à se
souvenir, par leurs uniformes kakis et leur âge : ils avaient environs 13-14 ans. En voici trois qui rentrent
dans une épicerie du quartier [Saint-Michel] où la commerçante bavardait avec une de ses voisines.
L’achat du ravitaillement ne prenait pas beaucoup de temps, la clientèle n’était pas nombreuse. Ils avaient
le fusil à l’épaule. Le canon atteignait leurs tempes, la crosse battait leurs mollets. Poliment, le plus âgé,
parlant un peu le français dit « Madame, nous voulons des sardines à l’huile ». Perplexité de la
commerçante qui leur dit « mais je n’en ai pas » et par prudence, invita le jeune à faire le tour des rayons,
quasiment vides, et sans sardines à l’huile. Pour faire diversion, la commerçante dit « vous devez être triste
loin de votre maman ? ». Et le grand, brandissant son fusil dit « ma mère, c’est ça ! ». Les trois s’en
allèrent, laissant sans voix les deux braves dames. »
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« Sur Champaillas, il y avait un train qui avait été déraillé. Dans la nuit, ils avaient déboulonné des
rails et puis le lendemain, le train avait défoncé tout le bazar. Et les boches avaient dit que si le train
n’était pas remis en place avant je ne sais plus combien de temps, ils prendraient des otages. Alors le train
avait réussi à redémarrer. »
« Un soir en débauchant, en passant à la Cabaude, on s’est mis à rire, je ne sais pas pourquoi. Un de
nous trois avait du sortir une bêtise. Il y avait un boche avec son fusil. Moi, comme je riais le plus fort, il
me fait venir et avec son fusil, il me fiche un coup dans le dos puis me pousse. Avant, c’étaient des dépôts et
puis leurs quartiers étaient là-dedans. Me fout un coup de machin pour me faire monter les marches et
puis, comme on travaillait pour eux autres, je l’ai dit au chef. Il a discuté avec eux autres et il m’a laissé
partir, autrement, j’étais bel et bien attrapé. J’ai resté trois jours caché dans les chantiers navals, dans le
cul d’un bateau et puis après, ça s’est tassé. Mais je n’en menais pas large parce qu’ils prenaient les gens
comme ça » pour aller travailler en Allemagne ou ailleurs.
Le risque d’être pris par les Occupants et d’être contraint de travailler pour eux devait faire peser
une lourde menace sur la population ?
« Sur les chantiers où ils faisaient les blockhaus, ils passaient et ils ramassaient tous les gars pour
les emmener en Allemagne. Moi, j’ai eu de la chance. J’étais à Bourgenay, à travailler sur un de ces
chantiers et tous les tantôts, ils emmenaient la soupe. Alors le gars qui emmenait ça avec son camion nous
dit « Sauvez-vous, ils sont en train de rafler sur les chantiers. Aux Pierres-Noires, ils ont raflé tous les
gars ». On a planqué les pelles et puis on s’est camouflés dans le bois et puis après, je suis revenu à pied à
travers champs. De Bourgenay, je suis tombé sur le Château-d’Olonne, je suis revenu par la Foire aux
Chats, par les marais pour revenir à La Chaume. Ma mère croyait que j’étais ramassé et puis le lendemain,
je suis parti dans le haut de la Vendée me cacher. »
L’Occupation allemande étant très forte aux Sables-d’Olonne, il était difficile d’organiser des réseaux
de résistance. Pourtant, celle-ci ne devait pas être totalement absente, ne serait-ce que pour les
renseignements. Étiez-vous au courant de ce genre de fait ou aviez-vous entendu qu’une personne
faisait de la Résistance ?
« Le soir, quand il faisait chaud, on restait sur le seuil de la porte et un soir, des Allemands montent.
Tu entendais le bruit de chaînes, leur collier de chien. Et puis on voit redescendre un monsieur, qui habitait
rue de la Justice, entre les soldats. Puis c’est un homme que l’on n’a jamais entendu parler après. »
Une personne qui habitait boulevard de Castelnau a été emmenée « et battue. Ils sont venus après le
couvre-feu. On a entendu crier. Papa et maman ont entrebâillé les volets. Elle nous a dit « vous ne bougez
pas et surtout [à mon père] tu ne bouges pas parce que c’est un tel qu’ils emmènent ». Parce que mon père,
il aurait sauté par la fenêtre, c’était un ami à lui. Il devait faire de la Résistance. On n’a pas su vraiment au
début. Il faisait de la radio. Mon père pense qu’il avait été dénoncé. »
« Il y en a un qu’ils ont tué. Ils l’ont assommé, ils l’on transporté un peu plus loin et il est mort sous
les fenêtres de quelqu’un. Puis personne n’osait allait le ramasser parce que l’on disait que si jamais on va
le ramasser, c’est nous que l’on va pendre. »
Comment s’est passé le départ des Allemands, la libération de la ville et ses lendemains ?
« Quand ils sont partis, ils ramassaient les chevaux, les vélos. On avait caché les vélos sous les piles
de bois. Les chevaux étaient cachés dans les chemins. Y a un Allemand qui avait eu la main à moitié
mangée par la jument d’un cousin. Il avait voulu l’attraper et elle était mauvaise, une grande bestiole
épouvantable. Il avait voulu l’attraper par la bride et niac. Et chaque fois que les Allemands passaient, la
sacrée jument voulait retourner dans le chemin. Ils n’arrivaient pas à la faire marcher. »
« Ils faisaient ouvrir les garages, sortaient les voitures avec un camion, en remorque, et ils les
emmenaient rue des Corderies et ils les mettaient en état. C’était surtout les batteries qui étaient à plat car
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depuis quatre ans, elles n’avaient pas servi, il n’y avait pas d’essence. Notre voiture est ainsi partie à la
Rochelle et on ne l’a plus revue. »
« Les trains partaient chargés à bloc sur la route de Saint-Gilles. Tout le matériel était dedans puis
ils partaient. »
« Il ne fallait pas fermer les portes des maisons. Ils étaient passés dans la ville prévenir. Ils passaient
avec un camion. »
« Où est-ce que l’on avait peur aussi, c’est quand ils ont été sur le point de partir. Ils disaient que la
tour d’Arundel était pleine de munitions et qu’ils allaient la faire sauter. Les gens déguerpissaient jusque
dans les sapins. Nous on ne croyait pas, mais on a sorti de quoi de là-dedans. »
La Petite Jetée après sa destruction par les Allemands et en
cours de reconstruction. Coll. Logeais-Buton.
« Ils avaient coulé pas mal de bateaux dans le chenal,
des chalutiers. C’était juste pour gêner la circulation. »
« Quand ils sont partis et qu’ils ont fait exploser partout, l’écluse et tout ça, il y avait des pierres qui
sont tombées jusque dans la rue Alfred Roux. Y avait de vieilles personnes, une cousine, qui était avec des
copines. Elles se réunissaient comme ça et puis, elles étaient dans la cuisine en train de parler. Le morceau
de pierre, il est tombé dans la chambre, juste à côté. Elles ont eu une sacrée peur. »
« Quand les Allemands sont partis et qu’ils ont commencé à faire sauter les portes du port de
commerce et la jetée, ça faisait un bruit épouvantable et toute ma famille, on est descendu à la cave avec
une pelle au cas où tout s’écroule pour que l’on puisse sortir. Et on avait mis des bandes de papier, de
journaux aux fenêtres pour éviter que les vitres se brisent. »
Les Sables sous l’Occupation (1940-1944) – N° Hors Série 2017
31
« Ils avaient même fait sauter le pont de la Forgerie à Olonne-sur-Mer. C’étaient des destructions
inutiles. La guerre était finie et elle était perdue pour eux. »
« Les boches s’en vont ! » C’était notre grand refrain. »
Quand les Allemands ont quitté la ville, est-ce que vous êtes allés voir les endroits qui
jusqu’alors étaient interdits à la population?
Le lendemain de leur départ, « je suis parti sur le bassin à flot. À ce moment-là, la mer était basse et
comme l’eau était partie et qu’il n’y avait plus de portes, on voyait dans le bassin à flot les choses que les
Allemands avaient jetées dans le port en partant. On rentrait dans les baraquements et dans leur
précipitation, ils étaient partis après avoir mangé, ils avaient laissé sur leurs tables leurs gamelles avec
encore de la nourriture. »
« Où il y a le casino sur le Remblai, c’était notre terrain de jeux. Quand ils sont partis, c’était un
sacré bazar, ils avaient tout démoli à l’intérieur. Ça faisait comme des souterrains. On s’amusait à cachecache
là-dedans. Il y avait pas mal de munitions. On a eu de la chance de ne pas avoir d’accident. On
n’était pas bien vieux, on ne savait pas à quoi ça servait. Les munitions, on jouait avec. Les caisses étaient
éventrées. »
« Je suis rentré dans un blockhaus et comme beaucoup, j’ai récupéré ce que je trouvais. Il y avait un
paquet de fils électrique. Je l’ai ramené à la maison. À cette époque, on n’avait pas de lumière. J’avais une
petite batterie et dessus, je voulais brancher le fils avec une ampoule et un interrupteur. Et puis tout d’un
coup, boum. J’étais déshabillé et en sang. C’était des détonateurs que j’avais trouvé mais je ne le savais
pas. Si j’ai eu de la chance, beaucoup se sont fait sauter comme ça en jouant ou en voulant ouvrir des
balles ou des obus ou qui ont était dans les champs minés. Et des fois pour rien, pour aller chercher un
légume, un bout de raisin. »
En dépit de la poursuite de la guerre, de sa présence avec la Poche de La Rochelle et de la crainte du
retour des Allemands, est-ce que des fêtes eurent lieu ?
« Tout le monde a mis un drapeau à la fenêtre, en espérant qu’il n’y en ait pas un qui repasse. »
« Des jeunes filles avaient préparé des jupes et des robes en rubans bleu-banc-rouge et dès le lundi
matin, après le départ des Allemands, nous on n’osait pas sortir, elles étaient sur le Remblai avec leurs
jupes bleu-banc-rouge et les drapeaux étaient mis aux fenêtres. C’était la joie. »
« J’ai la mère d’une amie qui coupait des draps pour faire des brassards FFI, bleu-banc-rouge. Tout
le monde a eu son brassard. Enfin, ceux qui avaient soi-disant fait de la Résistance. »
« À la Libération, tous les jeunes on est allé, je ne sais pas pourquoi, au tribunal. On a déambulé au
tribunal. Là, tout le monde était ensemble. C’était extraordinaire. »
« Il y avaient des bals populaires un peu partout. Les écoles faisaient parties des défilés. Il n’y avait
pas une cérémonie sans qu’il y ait une messe et puis après la messe, c’était le monument aux morts. Puis il
y avait les écoles, toutes les associations, les pavillons. Je me souviens des défilés de l’armée française qui
était venue aux Sables-d’Olonne avec des tanks, des chenillettes. Ils avaient été logés à Ker Netra puis ils
avaient défilé sur le quai et au monument aux morts. »
« Il y a eu des fêtes et surtout une revue, écrite par un coiffeur des Sables-d’Olonne : « La revue du
marché noir ». Il y avait un corbillard et c’était l’enterrement du marché noir. Vous aviez les brunettes,
cordons que les intimes du défunt tiennent aux coins du corbillard, qui étaient des chapelets de saucisses. »
« À la libération des Sables-d’Olonne, il y avait un bateau en rade, le Fortuné. Des fois, quand on est
jeunes, on ne réfléchit pas. On a monté dans un canot. Les gars du bateau nous avaient dit « Allez ! Venez
avec nous à bord. On va danser ! » Quatre filles. Ah, on avait le mal de mer. Ils nous ont ramené. On a
alors rentré au Palace [(hôtel situé sur l’actuelle promenade du maréchal Joffre)] et là, il y avait des
Les Sables sous l’Occupation (1940-1944) – N° Hors Série 2017
32
gâteaux. Et j’aime mieux vous dire que, privé de tout pendant la guerre, on a dansé et on a bien mangé des
gâteaux. »
À côté de ces fêtes, quels sont les événements majeurs qui vous ont le plus marqué lors de la
Libération des Sables-d’Olonne et la fin de la guerre ?
« Vous avez des Anglais qui sont arrivés les premiers. Ils ont emmené leurs bateaux en rade, sont
venus avec des vedettes et puis ils sont descendus à l’embarcadère devant chez Harken. Ils sont venus au
Splendid Hôtel sur le Remblai. C’était là qu’on les recevait. »
Les bateaux anglais « venaient à plusieurs. Et quand ils rentraient dans le port, les matelots, ils
courraient après les insignes que les Allemands avaient sur leurs uniformes. Je ne sais pas comment, mais
mes parents en avaient récupéré pas mal de ces insignes et ils les avaient échangé aux marins anglais
contres des cigarettes. Parce que l’on était pas mal placé, [à proximité de l’embarcadère à l’extrémité du
quai Guiné], et parce que les bateaux restaient en rade et les équipages débarquaient ici par les vedettes. »
Embarcadère situé en face la Kriegsmarine où les forces alliées accosteront
pour décharger leur précieux ravitaillement. Phot. Benoît Boucard.
« Juste après la guerre, un bateau anglais s’était échoué au niveau de la Petite Jetée, de ce que l’on
appelle le Banc de la Mort. Des prisonniers allemands avaient fait une souille pour le faire partir et ils
avaient déchargé le bateau pour le soulager, pour qu’il flotte. Je me souviens très bien que c’était des
prisonniers allemands qui avaient fait ça. Ils étaient une dizaine. »
« Y a eu des femmes qui ont été tondues. Ça été fait sur la place de l’église Notre-Dame et ils lui ont
fait des croix gammées sur la tête avec son rouge à lèvre et ils l’on baladé comme ça. Il y avait un résistant
de la dernière heure qui se baladait même avec des tondeuses à la ceinture. »
« Il y a eu aussi des femmes tondues, deux ou trois dans le quartier de Castelnau, puis dans le centre
ville. »
« Après le départ des Allemands, il y a eu des femmes qui ont été tondues. Des femmes qui avaient
peut-être seulement pris un pot avec un Allemand, passé une soirée, sans pour ça être des espionnes. Ça
était pénible ce genre de truc. »
« Vous aviez aussi, à côté de Beau-Rivage, la justice militaire qui jugeait ceux qui avaient
collaboré. »
« Le jour de l’armistice, je ne sais pas ce que j’avais fait, j’étais puni et j’étais sous la cloche, à
l’école du Centre. On était deux et puis tout d’un coup, on vient nous taper sur l’épaule « Allez jouer avec
les autres, la guerre est finie ».
Les Sables sous l’Occupation (1940-1944) – N° Hors Série 2017
33
Les premières joies passées, la vie est-elle redevenue normale ?
« Dans les quartiers, la vie
reprenait. Mais dans les coeurs,
l’espoir d’abord de revoir bientôt
ceux qui avaient été arraché à leur
foyer. Puis le découragement, la
douleur dans certaines familles
s’installèrent. On pleura un mari,
un papa, un frère, un parent, qui ne
reviendrait jamais » car prisonnier
ou déporté mort loin de chez lui.
Ci-contre : Prisonniers de
guerre français en Allemagne. À
droite, le soldat Eugène Moreau24, des
Sables-d’Olonne. Fait prisonnier en
juin 1940, détenu au stalag VI A (en
Rhénanie du Nord-Westphalie), il ne
sera libéré qu’en avril 1945. Coll.
Gilbert Chavantré.
Août 1944. Les Sables-d’Olonne sont libérés mais la guerre n’est pas pour autant finie
et les restrictions vont encore durer de longs mois. Coll. Archives Municipales des Sables-d’Olonne.
24 _ Lire l’article « Un prisonnier de guerre, Eugène Moreau (1920-2002), par Gilbert Chavantré, Olona n° 213 p. 24-
25.
Les Sables sous l’Occupation (1940-1944) – N° Hors Série 2017
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L’Occupation allemande
LES PREMIERS MOIS DE
L’OCCUPATION ALLEMANDE
AUX SABLES-D’OLONNE
Par Anton Lavigne
1940 – 1944
Passés la stupeur et l’anéantissement du 23 juin25, les Sablais et les Chaumois découvrent le
quotidien et la triste réalité de l’Occupation, où se mêlent les interdictions, les restrictions, les menaces et
paradoxalement le retour de certaines distractions…
Collection Archives municipales des Sables-d’Olonne.
La lecture du Journal des Sables du 28 juin 1940 nous éclaire sur les premiers jours de l’Occupation.
La circulation est rétablie sur le Remblai, du boulevard de l’Atlantique jusqu’au lac de Tanchet dès le 25
juin, avec toutefois l’interdiction de stationner devant l’hôtel du Parc siège de la Kommandantur. La partie
Ouest de la plage est également à nouveau accessible à la population sablaise (environ 500 mètres de la
jetée jusqu’aux pieux de délimitation).
Un avis de la mairie stipule aux commerçants qu’il est interdit d’augmenter les prix car « certains
paraissent méconnaître cette règle et profitent de l’afflux de population et de la rareté de certaines denrées
pour majorer les prix ».
Les personnes réfugiées aux Sables sont autorisées à quitter la ville par la route, par le moyen de
locomotion qu’il leur plaira. Par contre, ceux qui souhaitent repartir en automobile ne peuvent trouver de
l’essence qu’à Nantes…
Le rétablissement des liaisons ferroviaires est également opéré à partir du 26 juin pour des
destinations qui ne doivent pas dépasser Chartres, Saint-Nazaire, Rennes ou Auray. Les liaisons pour le Sud
Ouest sont pour l’heure toujours suspendues.
Bonne nouvelle pour certains ou mauvaise pour d’autres, tous les examens scolaires sont reportés
sine die sans exception.
Les cérémonies du 14 Juillet sont, par décision des Hautes Autorités, interdites, ainsi que tout dépôt
de couronnes au monument aux Morts. La gendarmerie allemande est chargée de veiller à ce qu’il n’y ait
pas de contrevenants.
25._ Cf. L’arrivée des troupes allemandes aux Sables-d’Olonne le 23 juin 1940, p. 3-7.
Les Sables sous l’Occupation (1940-1944) – N° Hors Série 2017
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Collection Archives municipales des Sables-d’Olonne.
Une nouvelle réglementation de la pêche côtière en Vendée intervient à partir de la mi-juillet, afin de
contrôler et limiter les déplacements des bateaux à l’intérieur d’une zone de cinq milles marins et seulement
entre 4 heures et 21 heures. Un drapeau blanc doit aussi flotter en permanence en haut du mât.
Les divertissements font leur réapparition au mois de juillet. Les cinémas Jeanne d’Arc et Modern’
rouvrent leurs portes à partir du 18, tandis que les séances au cinéma Palace ne recommencent que le 25
juillet. Ces trois cinémas vont fonctionner pendant toute la durée de l’Occupation.
Le 15 septembre, le sport cycliste fait son retour officiel au vélodrome lors du « 100 km derrière
motos » avec en tête d’affiche les champions Georges Speicher et Paul Le Drogo, sans oublier le local
Marcel Guimbretière26.
En octobre, c’est au tour des « Tigres Vendéens » de fouler à nouveau la pelouse du Parc des Sports
face aux réfugiés de l’US Revin. Le mois suivant, un gala de boxe est organisé au même endroit tandis que
le basket reprend à l’Amicale sportive sablaise Saint-Pierre.
Le dimanche 22 septembre, on procède à l’inauguration et à la bénédiction du grand orgue de l’église
Notre Dame de Bon Port27.
De sinistre augure, l’administration militaire allemande ordonne le recensement des Juifs et
l’apposition d’une affiche sur leur magasin. En ce mois d’octobre 1940, qui, aux Sables, peut croire à cet
instant que l’horreur est déjà en marche ?
Pour les scolaires, les vacances sont finies et c’est l’heure de reprendre le chemin de l’école. Le 14
octobre, c’est la réouverture du collège municipal dans le bâtiment des « Ombrées » rue de l’Hôtel de ville.
De leur côté, les musiciens peuvent à nouveau suivre les cours de l’Harmonie municipale au 72 rue
Nationale sous la baguette d’Émile Quéraud.
Malgré une timide reprise de vie normale, le danger est toujours présent. Les pêcheurs et promeneurs
sont avertis régulièrement du danger que représente l’arrivée de mines sur nos côtes face au boulevard de
l’Atlantique ou à La Chaume.
26._ Journal des Sables du 13 septembre 1940.
27._ Journal des Sables du 27 septembre 1940.
Les Sables sous l’Occupation (1940-1944) – N° Hors Série 2017
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Changement à la tête à la sous préfecture lorsque Joseph Terral est remplacé par le secrétaire de la
préfecture du Loir et Cher, J. Guillemaut.
Les 7 et 8 décembre, la traditionnelle Foire aux Voleurs a lieu comme chaque année, mais à cause du
mauvais temps, elle est transposée de la place de la Liberté au cours Dupont.
La fin de l’année se termine par un gala de bienfaisance organisé par le Comité des fêtes au Casino
des Sports au profit du Secours National.
L’IVRESSE ET LA VIOLENCE DES VAINQUEURS
L’Occupation des Sables par les troupes allemandes ne s’est malheureusement pas faite sans actes de
violence ou d’intimidation de la part des soldats.
Ainsi, d’après les rapports de police, de nombreuses plaintes pour des vols commis par les Allemands
(voiture, essence, bicyclette, pommes de terre…) sont déposées dans les premiers jours de l’Occupation.
Il en va de même pour les réquisitions de logements
comme en témoigne la conversation du 28 juin 1940 entre
le capitaine d’état-major allemand et le maire à propos
des visites domiciliaires :
« Les perquisitions auxquelles je fais allusion n’ont
pas été faites par des troupes dépendant de la
Kommandantur des Sables.
Il peut se faire que des troupes de passage, en
quête d’un logement et ignorant qu’il existe une
kommandantur aux Sables, cherchent un logement par
elles-mêmes. Ce procédé leur est permis. Mais les soldats
doivent toujours être accompagnés d’un officier ou d’un
sous-officier.
Au cas contraire, faire prévenir la première
patrouille allemande rencontrée (ou officier allemand
circulant en auto), qui ira constater ».
Ci-contre : billet de logement pour les troupes
allemandes. Coll. Archives municipales des Sablesd’Olonne.
L’ivresse des soldats allemands, accompagnée le plus souvent de violence, est souvent motif de
plaintes de la part des habitants. C’est l’une des raisons pour lesquelles les autorités allemandes ont interdit
toute vente de boissons alcoolisées aux soldats (à l’exception de la bière, du vin et du champagne…).
Malgré cela, dans son rapport du 28 juin 1940, le commissaire Poilane indique que les policiers ont constaté
que de nombreux bars et hôtels restent ouverts après 20h30, et l’on y trouve des soldats allemands et de
nombreux civils en train de boire. Et parfois ces situations dégénèrent…
Ainsi, une plainte est déposée par le boulanger du 13 rue Nationale après que deux soldats allemands
ivres se sont introduits de nuit dans sa boulangerie, et que l’un d’eux l’ait menacé d’un revolver.
Le 1er juillet 1940, c’est un militaire qui tente de s’introduire en pleine nuit dans une maison route de
Talmont pour y boire du Champagne ! Après avoir vainement essayé de forcer la porte avec sa baïonnette, il
repart non sans avoir effrayé les locataires de l’immeuble.
Toutes ces exactions commises par les Allemands font donc l’objet de plaintes multiples et le 3 juillet
1940, soit 10 jours après l’arrivée des Allemands, le maire transmet au Commandant des troupes
allemandes des rapports de police concernant de graves incidents dus aux troupes d’Occupation (viol,
violence, vols, accidents, tapage nocturne, etc.). Malheureusement, la plupart de ces actes restent impunis
faute d’identification des soldats impliqués. Il est donc demandé de noter les couleurs et formes des pattes
d’épaulettes pour savoir où logent les soldats coupables de ces méfaits.
Les Sables sous l’Occupation (1940-1944) – N° Hors Série 2017
37
Soldats allemands dans les parcs à huîtres de La Chaume, 1941.
Fonds Léo Leboucher, coll. Archives municipales des Sables-d’Olonne.
Même la police sablaise n’est pas épargnée comme on peut le constater dans ce rapport qui fait
mention d’une altercation avec un soldat allemand éméché dans un bar après 21 h le 19 décembre 1940. Ce
soldat, vociférant en allemand, menace de son revolver les agents et le commissaire venus vérifier s’il y
avait des civils dans ces bars. La gendarmerie allemande, sur requête des policiers, est venue pour
s’expliquer avec le militaire. Un autre soldat, témoin de le scène bredouilla un « Excusez, lui gentil, bu un
peu ».
Inspection des ouvrages défensifs de la plage des Sables-d’Olonne, 1941.
Fonds Léo Leboucher, coll. Archives municipales des Sables-d’Olonne.
Les plaintes concernent aussi très souvent des vols de matériaux (bois), mais là encore, les
propriétaires ne sont pas dédommagés faute d’éléments d’identification.
La coupe de bois de sapins et de peupliers par des soldats allemands dans la forêt de la Rudelière est
également souvent constatée par les gardes champêtres. Ainsi, au mois d’août 1940, près de quarante sapins
sont coupés par les Allemands pour servir à l’installation des batteries d’artillerie et de mitrailleuses dans
les dunes ouest du lac de Tanchet.
Les Sables sous l’Occupation (1940-1944) – N° Hors Série 2017
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Défenses allemandes sur la plage, 1944.
Coll. Archives municipales des Sables-d’Olonne.
Pendant quatre longues et interminables années, la population sablaise et chaumoise va subir les
multiples contraintes et menaces liées à la présence de l’Occupant. La vie quotidienne reprend timidement
et tant bien que mal ses droits malgré les nouvelles règles imposées par les autorités allemandes.
Le quotidien des Sablais est désormais focalisé sur les difficultés de ravitaillement et de chauffage.
Ainsi chaque famille est touchée par le rationnement et le marché noir va s’intensifier malgré les contrôles
de police. Pour la majorité, c’est le recours au fameux « système D » pour subvenir aux besoins les plus
élémentaires et surtout, c’est l’astreinte aux longues files d’attente devant les épiceries, boucheries et
boulangeries.
La circulation des personnes et des biens est également étroitement réglementée, pour les terriens
comme pour les marins. La présentation de son « Ausweiss » à chaque poste de contrôle allemand est
obligatoire pour entrer en ville ou en sortir.
Du fait de la nature portuaire de la ville, la présence militaire allemande va être importante tout au
long de la guerre (entre 500 et 1 000 soldats, dont un grand nombre de marins). L’une des caractéristiques
de cette présence est le renouvellement fréquent des troupes en garnison aux Sables. La ville des Sables
devient par la force des choses un lieu de villégiature pour les troupes en attente de repartir pour le front.
À partir de 1943, les fortifications allemandes et autres ouvrages défensifs fleurissent le long de la
côte vendéenne pour repousser un hypothétique débarquement des Alliés. La ville des Sables n’y échappe
pas et de nombreux blockhaus sont érigés sur le front de mer ou dans la cité.
C’est finalement dans la nuit du 27 au 28 août 1944 que la libération des Sables-d’Olonne va avoir
lieu à la suite du départ précipité des Allemands28.
28._ Cf. « Août 1944 l’été de la Libération », p. 75-86.
Les Sables sous l’Occupation (1940-1944) – N° Hors Série 2017
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allemande 1940 – 1944
L’Occupation
LA GESTION MUNICIPALE DES SABLESD’OLONNE
DE 1940 À 1944
Par Marie-Claude Albert
Il est frappant de constater que dans un contexte aussi tendu que
celui de la guerre et de l’Occupation la municipalité sablaise n’a
pratiquement pas changé d’acteurs de 1939 à 1945. Certes le maire, radical
indépendant élu en 1935, Paul Lecomte, démissionne en 1942 mais ce
départ ne génère pas de véritable crise municipale comme dans d’autres
villes. Cette continuité s’explique peut-être par l’acuité des problèmes à
gérer dans cette ville du littoral atlantique d’abord zone de repli pour les
réfugiés et évacués en 1939-1940 avant de devenir un pôle occupé de la
zone interdite et exposée aux bombardements alliés sur les lignes de
défense ennemie en 1943-1944. L’État français tout comme les autorités
d’Occupation n’avaient-ils pas intérêt à préserver un pouvoir local modéré
en capacité d’affronter les urgences et d’opérer le consensus entre marinspêcheurs,
réfugiés et propriétaires ? Mais cette continuité ne peut-elle pas
être qu’apparente et dissimuler des tensions au sein de la municipalité ?
Telles sont les interrogations que l’historien peut proposer au lecteur.
Paul Lecomte
(1893-1974).
Fonds Léo Leboucher, coll. AM
des Sables-d’Olonne.
Précisons au préalable que les analyses qui suivent résultent d’un travail de thèse soutenue en 2008 à
l’université de Paris I Sorbonne et que les archives municipales des Sables-d’Olonne ont constitué un fonds
particulièrement important pour ces recherches.
LA GESTION DIFFICILE D’UNE COMMUNE DE REPLI POUR LES ÉVACUÉS ET LES
RÉFUGIÉS D’OCTOBRE 1939 À AVRIL 194029
L’afflux de plusieurs milliers de réfugiés (d’abord des Espagnols depuis septembre 1936 et surtout en
février-mars 193930) et d’évacués des Ardennes (dès le début du conflit en septembre-octobre 1939 et
encore plus après la mise en oeuvre du plan officiel d’évacuation du 6 mars 1940) nécessite une mobilisation
exceptionnelle de la municipalité sablaise et ce dans la plus grande urgence. Comment faire pour nourrir,
héberger, chauffer plus de 10 000 personnes31 totalement démunies dans une ville moyenne qui ne compte
guère plus d’habitants (14 536 en 1940) ? La commune doit fournir près de 11 tonnes de charbon, 5 263
couvertures, 654 appareils de chauffage. Elle doit répartir les réfugiés entre les écoles, les baraquements
municipaux, des locaux privés. De février à juin 1940, elle construit 19 baraques en briques, démontables
pour la plupart, sur quatre emplacements dont deux sur le terrain de l’hôpital, pour loger 60 à 70 personnes
par baraque. D’après les recensements de la préfecture de Vendée, la commune des Sables possède la plus
grande concentration de baraquements du département32. Le conseil municipal a voté le 1er mars 1940 la
somme importante de 30 000 francs pour aménager un fort et y installer une cantine.
29._ Marie-Claude Albert, Les politiques municipales d’assistance en France dans des villes en guerre (1938-1948),
Thèse soutenue à Paris I – Sorbonne sous la direction de Danièle Voldman, 2008, vol. 1, p. 198-207. Archives
municipales des Sables-d’Olonne, H VII 26, dossier de correspondance du 9 octobre 1939 au 7 avril 1940.
30._ Lire à ce propos l’article de Pierre Ménard « La seconde vague des réfugiés espagnols dans le pays des Olonnes
1939-1940 », in Olona, n° 183, mars 2003.
31._ Marie-Claude Albert, op.cit., vol. 1, p.195. Le relevé statistique de la préfecture de Vendée fait état de 10 942
réfugiés en octobre 1939 dans l’arrondissement des Sables-d’Olonne ( AD Vendée, 26 W 19).
32._ Archives départementales de Vendée, 26 W 21, logements des réfugiés : baraquements 1939-1946.
Correspondance entre le maire des Sables et le préfet en février-mars 1940.
Les Sables sous l’Occupation (1940-1944) – N° Hors Série 2017
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Coupe transversale d’une baraque en brique pour les réfugiés, 1939.
Coll. Archives municipales des Sables-d’Olonne.
De telles décisions ne sont pas simples à prendre et à
mettre en oeuvre pour une commune quand il faut tout à la fois
répondre aux injonctions préfectorales, tenir compte des
souhaits de la commune évacuée (ici Sedan) et du désarroi des
Sablais affolés par cet afflux subit. Sur ordre préfectoral, le
maire de l’époque, Paul Lecomte, a mis en place le 13 octobre
1939 un comité communal d’accueil des évacués des Ardennes.
Mais les responsables de ce comité refusent dans un premier
temps de recevoir l’effectif imposé par la préfecture de 6 200
personnes et affirment qu’ils ne peuvent en accueillir que la
moitié. L’autorité préfectorale ne l’entend pas de cette oreille et
les oblige à exécuter les mesures édictées en promettant de
donner les moyens nécessaires. Le sous-préfet invoque son
droit de réquisition de tous types de locaux vacants qu’ils soient
collectifs ou individuels, chez l’habitant.
De surcroît, le maire des Sables doit affronter de multiples réticences dont celle de ses propres
employés comme le directeur du bureau d’hygiène qui estime que l’administration préfectorale est irréaliste
et ne tient pas compte du nombre de réfugiés volontaires déjà hébergés par la commune soit 809 personnes
arrivées dès le début du conflit. Certains notables trouvent inadmissible de réquisitionner chez l’habitant les
lits des soldats mobilisés. Plusieurs militaires français et alliés devaient en effet être hébergés par l’habitant.
Il est également rétorqué que les estivants peuvent à la première menace se replier sur leur résidence. Mais
c’est parmi les lobbies économiques du tourisme balnéaire que l’on trouve la plus grande offensive. Une
offensive efficace puisque les cinq plus grands hôtels des Sables sont exemptés de réquisition pour loger des
réfugiés et réservés pour les employés de la Compagnie parisienne d’assurances « L’Union » repliée aux
Sables avec leurs familles. Une initiative d’autant plus discutable que les heureux bénéficiaires n’occupent
même pas les locaux et préfèrent louer des immeubles en ville qu’ils cherchent à sous-louer ! La Ville tient
en effet à préserver les intérêts économiques de la station balnéaire y compris en temps de guerre comme le
confirment les propos tenus par Paul Lecomte au préfet craignant que la saison estivale de 1940 ne soit
Les Sables sous l’Occupation (1940-1944) – N° Hors Série 2017
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supprimée : « Il est abusif et même cruel d’obliger les maires à tuer de leurs propres mains la prospérité
d’une ville qu’ils ont normalement la charge de sauvegarder ». Ce dernier s’inquiète également de voir trop
de propriétaires non indemnisés.
Quoiqu’il en soit, face aux récalcitrants se manifestent tout de même quelques optimistes confiants
dans l’esprit patriote sablais. Ainsi en octobre 1939 le premier adjoint s’exécute et recense les possibilités
d’hébergement. Il affirme que les réfugiés ne pourront pas être logés dès leur arrivée chez l’habitant et dans
les hôtels mais qu’ils devront être installés provisoirement dans les cinémas, les garages et autres locaux de
fortune comme les 60 salles de classe dans lesquelles on mettra de la paille. Il pense pouvoir héberger au
moins pour la première nuit 2 000 réfugiés. Mais le maire d’ajouter qu’il faudrait, d’après les prévisions
préfectorales, être en mesure d’en accueillir trois fois plus. En effet court le nombre de 6 200 ! Les membres
du comité les plus volontaires pensent immédiatement à l’édification de baraquements provisoires mais la
préfecture se dédouane en rétorquant que les frais sont trop élevés et se retourne vers la commune pour
qu’elle les prenne en charge. La Ville en construit 19 en grande partie à ses frais, ce qui est tout à fait
méritoire. Un autre membre du comité communal d’accueil propose d’héberger 200 personnes à la Loge
maçonnique dont l’immeuble n’avait pas été réquisitionné.
Au final, le comité d’accueil estime pouvoir loger 3 500 réfugiés, soit 64 % du nombre annoncé : 1
440 chez des particuliers, 1 260 dans les hôtels et 800 dans des locaux municipaux inoccupés. Le fourneau
municipal, les cantines scolaires et les colonies de vacances, le grand Casino et le patronage se chargent du
ravitaillement de 2 000 réfugiés. Les hôteliers ne s’engagent à nourrir leurs 1 260 « hôtes » que si
l’administration leur verse l’indemnité nécessaire.
Conscient des difficultés de la commune d’accueil à improviser pour prendre en charge dans
l’urgence autant de monde, le maire de Sedan propose de vendre à la Ville des Sables des couvertures
fabriquées par les usines textiles de Sedan.
Cependant, par-delà les efforts de la municipalité, le conflit avec le sous-préfet des Sables se ravive
au début de 1940 quand le maire apprend que le département de la Vendée réduit son contingent d’accueil
sans en faire bénéficier la commune des Sables jugée privilégiée par ses installations balnéaires. En effet, un
quota de 4 800 personnes originaires de Revin y serait affecté. Une décision gouvernementale qui attise la
réaction de l’adjoint. Ce dernier ne ménage pas ses mots dans la lettre qu’il adresse au député Louis Aubert
le 29 février 194033:
« On nous a fixé le chiffre de 4 800 à recevoir encore. À recevoir quand ? Nul ne le sait […] Nous
sommes donc obligés de maintenir les réquisitions et nous n’avons pas encore assez de locaux. Or, chose
inadmissible -et c’est là que je veux en venir- les propriétaires auxquels on enlève le droit de disposer de
leurs immeubles ne reçoivent aucune indemnité, celle-ci n’étant due, d’après les instructions, qu’à compter
de la prise de possession effective. Il y a déjà six mois que cela dure et cela ne peut pas continuer […] De
mon côté je suis obligé d’empêcher la clientèle de venir aux Sables pour réserver les places disponibles- ce
sui n’empêche pas M. Le sous-préfet de prétendre que nous ne faisons pas encore assez, et bien plus, que
nous organisons notre insolvabilité. […]
Je crois que le moment serait venu d’une intervention pressante auprès du Gouvernement.
D’autres stations, qui sont dans le même cas, se sont émues pareillement. Le Phare publiait ce matin
une lettre de M. Métadier, maire de Royan, à ce sujet. L’Association des Maires des stations thermales et
climatiques, présidée par M. Léger, maire de Vichy, auquel j’avais écrit, a dû intervenir également. Peutêtre
pourriez-vous vous entendre avec les députés de stations balnéaires ou thermales pour agir de concert.
Peut-être aussi M. Caillaux s’associerait –il à une démarche, puisqu’il paraît être intéressé à la question.
Notre commune veut vivre ; or nous arrêtons toutes les affaires. On va poursuivre en correctionnelle
des propriétaires qui ont loué malgré des réquisitions, mais malgré cela je me déclare d’avance incapable
de suspendre indéfiniment la respiration de la station balnéaire ; ce serait d’ailleurs vouloir sa mort. On
parle souvent du dévouement des Maires ; je crois qu’il existe, mais il est abusif et même cruel de les
obliger à tuer de leurs propres mains la prospérité d’une ville qu’ils ont normalement la charge de
sauvegarder.
À un autre point de vue, il est illogique autant qu’injuste de retirer à quelqu’un la disposition de son
bien sans l’indemniser ; c’est contraire à tous les principes, et d’autant plus injuste que le voisin, qui a eu
la chance de louer avant la réquisition ou d’y échapper, encaisse la forte somme. Et si l’on admet que le
33._ Archives municipales des Sables-d’Olonne, H VII 26.
Les Sables sous l’Occupation (1940-1944) – N° Hors Série 2017
42
propriétaire réquisitionné conserve le doit de disposer de son immeuble, nous n’aurons plus rien de libre le
jour où les réfugiés viendront.
Cette réglementation a été faite évidemment pour le cas général ; dans la plupart des villes un local
vacant l’est aussi bien d’un bout de l’année à l’autre ; dans une ville saisonnière, on aboutit à des
conséquences choquantes.
Les réclamations se font de plus en plus vives ; la pression monte ; il ne faudrait pas attendre que la
chaudière éclate pour s’apercevoir de l’erreur.
[…] M. Le Préfet, qui, soit dit en passant m’a fait l’impression d’un fonctionnaire de premier ordre,
à la fois énergique et pondéré, a dû comprendre mon point de vue, mais m’a fait remarquer à juste titre
qu’il s’agissait d’une question d’ordre général. Lorsque j’ai su que nous devions quand même recevoir 4
800 évacués, je lui ai fait demander si l’on ne pourrait pas tout au moins indemniser les propriétaires sans
attendre l’arrivée des réfugiés, en considérant qu’il y a prise de possession : ce ne serait pas le moyen
d’avoir une saison balnéaire, mais du moins les propriétaires toucheraient quelque chose.
Il devait téléphoner lui-même à Paris, mais comme on ne doit pas très bien se rendre compte de la
situation en haut lieu, je ne veux pas attendre la réponse pour vous alerter.
Je vous remercie à l’avance de ce que vous pourrez faire et vous prie d’agréer, mon cher Député,
l’expression de mes sentiments les meilleurs et tout dévoués.
P.S- Pour mieux préciser, je vous adresse un extrait d’une lettre que j’écrivais à M. le Préfet le 8
décembre. Vous verrez que la question est double : réquisitions d’immeubles d’une part, billets de logement
de l’autre. Si, comme il me semble à première vue, on ne peut pas empêcher celui qui a reçu notification de
billets de logement de louer dans l’intervalle, il ne faudra pas me demander de loger 4 800 personnes si
elles arrivent pendant l’été. Si au contraire on n’a pas le droit de disposer des places, tout est arrêté.
Dilemme. »
Le député répond au maire qu’il doit convaincre les propriétaires d’héberger au moins un réfugié, ceci
n’étant pas incompatible avec le maintien de la saison estivale et la venue de locataires. La prise en charge
de nouveaux réfugiés s’effectue donc aux Sables en mars 1940 en essayant autant que faire se peut de
donner à ces derniers une première impression positive. Mais les édiles municipaux restent dubitatifs quant
aux moyens accordés par l’administration et lucides face aux tensions entre réfugiés et propriétaires.
D’ailleurs les propriétaires ne tardent pas à réclamer leur dû et même à envisager une éventuelle
transformation de la réquisition en location à l’amiable.
À l’approche de la saison estivale, les intérêts divergent de plus en plus, au sein du conseil municipal
entre les partisans de l’accueil prioritaire des réfugiés au nom du devoir moral et ceux qui défendent avant
tout les intérêts économiques de la station balnéaire et exigent la réduction des contingents de réfugiés ainsi
que la construction de logements provisoires. C’est ce dilemme qu’exprime le voeu des maires de
communes littorales de Vendée, qui tout en se déclarant « désireux d’accomplir le devoir sacré d’accueil
envers des compatriotes éloignés de leur foyer », se révèlent «soucieux en même temps des intérêts […] des
petits propriétaires et petits commerçants dont la saison estivale constitue souvent l’unique ressource. Ils
demandent instamment à l’autorité supérieure, préfectorale et ministérielle, d’établir et d’appliquer
d’urgence toutes mesures propres à sauvegarder autant que possible les intérêts d’une industrie qui compte
parmi les plus importantes richesses économiques de la France. »
L’attitude mitigée des élus sablais face à l’hébergement des sans-abri ne date pas de la guerre et est
largement héritée du passé. En effet, dans les années 1920, la commune s’était dotée à reculons d’un office
public d’habitations à bon marché et en 1928 au moment de l’application de la loi Loucheur sur les
logements sociaux, le maire de l’époque avait rétorqué qu’il n’était pas concerné car les Sables n’étaient pas
une ville ouvrière et avait « d’autres priorités »34.
L’afflux des réfugiés a donc eu des effets majeurs sur la gestion municipale d’octobre 1939 à avril

  1. Il a influé sur les comportements des élus et des habitants, générant des structures administratives
    spécifiques et des implantations nouvelles d’hébergement. Il a également accru l’activité et les dépenses du
    bureau d’assistance qui doit traiter des demandes supplémentaires d’admission à l’hospice pour des
    34._ Archives municipales des Sables-d’Olonne, Q IV 2, Habitations à bon marché, 1912-1964. Lettre du maire des
    Sables, 20 août 1928.
    Les Sables sous l’Occupation (1940-1944) – N° Hors Série 2017
    43
    vieillards de Sedan et d’assistance aux familles nombreuses, en vertu des droits ouverts aux réfugiés par les
    décrets des 29 juillet et 15 décembre 193935.
    Très actif à la fin des années 1930, le bureau d’assistance sablais était composé de sept
    administrateurs dont l’ancien maire, Louis Perrin. Il s’agissait de notables de la ville (propriétaires,
    médecins, juristes, négociants et industriels). La commission administrative du bureau d’assistance se
    réunissait à l’hôpital et traitait d’ordinaire les demandes d’admission à l’assistance médicale gratuite,
    l’assistance obligatoire aux vieillards, infirmes et incurables, aux femmes enceintes, les admissions
    d’indigents à l’hospice et les demandes d’allocations diverses.
    Il travaillait en étroite relation avec le bureau de bienfaisance qui percevait intégralement le droit des
    pauvres, une taxe levée sur les spectacles. La gestion financière de l’accueil des réfugiés inquiète d’autant
    plus la municipalité que le budget en général excédentaire de cette institution était dans une situation
    incertaine36 : les dépenses s’accroissent alors que les recettes ont baissé de plus de 23 % en novembre 1939.
    De plus, la commune des Sables faisait partie des communes à régime spécial pour la prise en charge des
    malades indigents et non du régime public, ce qui augmentait d’autant plus ses dépenses37. L’État avait
    consenti à lui octroyer une avance exceptionnelle de 50 000 francs qui n’était arrivée que le 21 octobre 1939
    sous la pression des évènements. Il est vrai que les dépenses municipales d’assistance avaient augmenté de
    41 % de 1934 à 193838. Néanmoins au regard d’autres communes françaises, celles de l’Est notamment, le
    bureau de bienfaisance des Sables demeurait riche et en mesure d’assurer l’aide aux réfugiés.
    Cet héritage du passé se trouve conforté par le fonctionnement de son hospice géré par la
    congrégation des Petites Soeurs des Pauvres et financé en majorité par des libéralités. La commune avait pris
    l’habitude depuis 1888 de placer les vieillards dans cet asile privé qui mettait à sa disposition 15 lits pour
    des Sablais de plus de 65 ans39. La municipalité payait la part des indigents et organisait une journée de la
    Vieillesse ou « Fête des Vieux » dont la première édition le 12 décembre 1937 a reçu les honneurs du
    Congrès des Maires de France. Une telle diligence à l’égard des vieillards avait peut-être pesé dans la
    décision de l’État d’évacuer l’hospice de Sedan aux Sables. Néanmoins cela n’a pas pallié la totale
    improvisation que déplore le maire de Sedan, Paul Troller, pour accueillir les indigents de l’hôpital de
    Sedan le 6 novembre 1939. L’affaire est même remontée jusqu’au ministre de la Santé qui, à la suite du
    rapport d’une commission d’enquête, fait transférer les malades à Celles-sur-Belle dans les Deux-Sèvres40.
    La ville n’en était pas moins réputée pour l’accueil des enfants, non seulement des petits parisiens
    mais aussi des enfants abandonnés. Le maire faisait effectivement partie du Comité départemental de
    l’Enfance constitué le 27 mars 1938 sous l’égide du préfet et de l’Inspection départementale de l’Assistance
    publique. Il était chargé d’organiser la semaine nationale de l’Enfance. Une pratique qui se renforce durant
    la guerre accompagnée de la diffusion de brochures de propagande en faveur de l’accueil et de la protection
    des enfants réfugiés41. La municipalité a donc largement mis en oeuvre la politique sociale et familiale de la
    république Daladier en 1938-1939, aidée par un réseau d’oeuvres de secours répondant aux objectifs du
    Secours National revigoré à partir de novembre 1939 telles que « l’Aide aux familles des prisonniers de
    guerre sablais et chaumois », « La Fraternelle des mutilés et réformés sablais »42. Les notables sablais
    (présidents des Scouts, directeur du Grand Casino, président de la ligue maritime et coloniale…)
    s’investissent au sein de ces sociétés et du Secours National et orientent aisément l’action municipale des
    temps de guerre.
    35._ Archives municipales des Sables-d’Olonne, 1 Q 3, registre des délibérations du bureau d’assistance, 1939-1944.
    36._ Archives municipales des Sables-d’Olonne, 1 Q 6, registre des délibérations du bureau de bienfaisance, 1938-
    1959.
    37._ Archives municipales des Sables-d’Olonne, Q I 39. Lois d’assistance 1930-1971. État des dépenses de l’exercice
    1938 adressé au préfet le 30 juillet 1940.
    38._ Marie-Claude Albert, op.cit., vol. 1, p. 141.
    39._ Archives municipales des Sables-d’Olonne, Q I 28, Asile des vieillards des Petites Soeurs des Pauvres, 1921-1962.
    40._ Marie-Claude Albert, op.cit., vol. 1, p. 183. Paul Troller, « Quand Sedan attendait de sombres lendemains. La vie
    inconnue de la cité »., Annales sedanaises, n°10, 1951 ; Gérard Giulliano, Jacques Lambert, Valérie Rostowsky, Les
    Ardennais dans la tourmente. De la mobilisation à l’évacuation, éd. Terres ardennaises, 1990.
    41._ Marie-Claude Albert, op.cit., vol. 1, p. 158-160. extraits des documents de propagande du Comité national de
    l’Enfance diffusés aux Sables-d’Olonne dans le cadre de la semaine nationale de l’Enfance du 29 avril au 5 mai 1940
    (AM Les Sables-d’Olonne, Q I 9)
    42._ Marie-Claude Albert, op.cit., vol. 1, p. 179. Archives départementales de Vendée, 20 W 16, associations déclarées,
    1940-1944.
    Les Sables sous l’Occupation (1940-1944) – N° Hors Série 2017
    44
    Ainsi, la commune des Sables, à l’instar
    de bien d’autres communes du littoral
    désignées comme territoires d’accueil, se
    trouve précipitamment reliée au conflit par le
    fil tragique des évacuations puis de l’exode.
    La panique atteint le sommet le 20 mai 1940
    quand sous le poids des bombes du Blitzkrieg,
    les habitants des communes du Nord déferlent
    vers les villes de l’ouest dont les Sables.
    Elle doit désormais partager le sort de
    ses compatriotes sinistrées de l’Est et du Nord
    et imaginer d’indispensables stratégies de
    secours. Cependant même si cette première
    phase de la guerre fut difficile pour la Ville,
    c’est sans commune mesure avec ce qui
    s’annonce du fait de l’occupation allemande
    et du régime de collaboration. Une rupture
    municipale de taille à compter de juin 1940
    qu’il importe de détailler maintenant.
    Ci-contre : L’arrivée des réfugiés aux
    Sables-d’Olonne, 14 mai 1940. Coll. Archives
    municipales des Sables-d’Olonne.
    LES AVATARS DE LA GESTION MUNICIPALE SOUS LA DOUBLE PRESSION DE
    L’OCCUPANT ET DE VICHY (JUIN 1940 – NOVEMBRE 1942)
    Le port des Sables n’a pas été bombardé en 1940 mais tout le secteur est rapidement occupé à partir
    du mois de juin. Les troupes allemandes s’emploient à surveiller la côte et à interdire le séjour des touristes,
    la Kommandantur obligeant tout arrivant à s’inscrire dans les 24 heures. Les autorités municipales doivent
    désormais composer avec l’Occupant et faire appliquer les ordonnances. La double présence des réfugiés et
    de l’armée allemande développe un climat pesant dans la ville. Les troupes d’occupation sont cantonnées
    dans huit baraquements, soit la moitié de ceux qui avaient été prévus pour les réfugiés. La présence de
    l’Occupant accentue le contrôle des réfugiés et la mise en place de quota d’autant plus que l’État français se
    désengage et exige des municipalités qu’elles supportent seules les charges de l’hébergement. Les habitants
    des Sables s’inquiètent, protestent dès juillet 1940 contre « l’inaction du maire » et réclament que les
    réfugiés et les troupes d’occupation soient répartis dans les communes environnantes.
    Dans un premier temps, le maire Paul Lecomte reste en place, maintenu par le préfet par l’arrêté du
    10 mars 1941, du moins jusqu’ au 28 octobre 1942, date de sa démission43. Comme dans de nombreux
    départements occupés, le préfet a besoin des édiles républicains pour maintenir l’ordre et rassurer les
    populations. Aux Sables, il lui faut rallier les « rudes marins » et des propriétaires indisposés par les
    mesures de réquisitions de logements. Paul Lecomte est alors considéré comme un collaborateur précieux
    de par ses opinions laïques et républicaines. De plus, il s’était toujours présenté comme « hostile à toute
    politisation de l’action municipale ». Le Conseil municipal élu en 1935 est en partie maintenu mais réduit
    de 27 à 20 membres en vertu de la loi de Vichy du 16 novembre 1940 réorganisant les conseils municipaux.
    Huit élus ne sont pas reconduits dont certains n’ont pas voulu figurer sur la liste tel l’adjoint M. Friconneau.
    43._ Marie-Claude Albert, op.cit., vol. 2, p. 246.
    Les Sables sous l’Occupation (1940-1944) – N° Hors Série 2017
    45
    Une femme est nommée conformément à la nouvelle
    réglementation : Mme Yvonne Nicolleau pharmacienne, chargée
    de l’hygiène et de l’assistance. Ce conseil remanié est installé le 6
    avril 1941 et le maire d’inviter ses collègues à « aider le
    Gouvernement et son chef vénéré, le Maréchal Pétain, à
    surmonter les immenses difficultés actuelles […] Pour cela
    effaçons les traces de nos divisions et de nos querelles [..]. Je
    m’efforcerai d’être digne de la confiance que les Pouvoirs publics
    m’ont accordée lorsqu’ils m’ont maintenu en fonction en ces
    heures difficiles »44.
    Le 28 août 1941, le maire reprend les termes du Maréchal
    Pétain dans une lettre au préfet où il prête allégeance au régime et
    promet de contribuer au redressement national car c’est –dit-il-
    « dans le cadre communal que se traduisent pour la plupart, les
    décisions municipales »45.
    Tampon de la mairie.
    Coll. Archives municipales des Sablesd’Olonne.
    Une réponse loyaliste aux injonctions préfectorales du 1er août 1941 exigeant des maires et des
    services communaux la plus stricte subordination à l’esprit de la Révolution nationale. Il leur est demandé
    de « veiller à ce que les éléments douteux soient écartés des emplois communaux, en application de la loi du
    17 juillet 1940 » c’est-à-dire de la loi écartant les adeptes des sociétés secrètes (Franc-maçonnerie) de la
    fonction publique et communale. La liste nominative des employés communaux ayant déclaré ne pas
    appartenir à des sociétés secrètes fait apparaître 109 personnes réparties sur 13 services dont 36 à la
    mairie46. En 1941 la commune des Sables envoie son adresse de fidélité au Maréchal Pétain dont elle
    acquiert la photographie griffée accompagnée d’un recueil de messages intitulé « La France nouvelle ».
    La propagande de Vichy s’infiltre peu à peu au sein de la municipalité. Comme dans de nombreuses
    communes, le Noël du Maréchal illustre la grandiloquence des manifestations locales. En 1941, il rassemble
    1200 enfants dans le casino des Sables pour suivre la retransmission de la cérémonie à Vichy et pour
    recevoir des jouets à l’effigie de Pétain réunis par le Secours National 47. C’est au profit de cette oeuvre que
    les municipalités organisent toutes les manifestations comme les campagnes d’Hiver, les Semaines de Noël
    et vendent les bons de solidarité pour les prisonniers et leur famille, les sinistrés et l’enfance. Celle des
    Sables privilégie la politique familiale et se dote le 19 août 1942 d’une commission spéciale qui bénéficie
    de crédits supplémentaires pour prendre des mesures en faveur des familles nombreuses et des mères de
    famille. La Ville réserve d’ailleurs une somme conséquente à la Journée des Mères (2 000 francs le 30
    mars 1942) au cours de laquelle elle organise des séances récréatives, des goûters, la remise de diplômes et
    médailles pour symboliser « l’hommage de la Nation et du Gouvernement aux Mères françaises » selon les
    termes de Pierre Laval. La propagande du régime s’instille également au travers des comités communaux
    d’assistance aux prisonniers. Celui des Sables voit le jour dès le 30 août 1940 et regroupe des épouses de
    prisonniers, des représentants de la Croix-Rouge et des anciens combattants. Il est présidé par M. d’Hastrel
    de Rivedoux également sous-délégué du Secours National et président de la Croix-Rouge. Ce comité est
    chargé d’envoyer un colis de Noël aux prisonniers dont les 25 prisonniers nord-africains mis à la disposition
    de la ville pour exécuter des travaux agricoles et de voirie. Lors de la fête de l’Aïd el Kébir du 6 avril 1941,
    la municipalité leur fait don de nourriture et de logements. Le Secours National s’impose comme le
    fédérateur de l’assistance municipale. L’un des administrateurs du bureau de bienfaisance est d’ailleurs
    nommé président de la délégation du Secours National le 3 juillet 194248. Ces notables devaient relayer la
    propagande du régime.
    La politique de Vichy s’illustre aussi à l’égard des femmes mariées auxquelles il est interdit d’exercer
    un emploi dans l’administration, du moins pour les non titulaires d’un concours de recrutement.
    44._ Archives municipales des Sables-d’Olonne, D I 42. Délibération du 6 avril 1941.
    45._ Archives départementales de la Vendée, 1 W 84. Enquête sur le rôle de l’administration communale dans l’oeuvre
    de redressement national, 1941.
    46._ Archives départementales de la Vendée, 4 M supp. 116. Associations secrètes. Listes d’employés communaux,
    1941.
    47._ Marie-Claude Albert, op.cit., 2008, vol. 2, p. 264.
    48._ Marie-Claude Albert, op.cit., vol. 2, p. 351. AM Les Sables-d’Olonne, 1 Q 6, séance de délibération du bureau de
    bienfaisance du 3 juillet 1942.
    Les Sables sous l’Occupation (1940-1944) – N° Hors Série 2017
    46
    Effectivement, le 20 décembre 1940, le maire annonce le licenciement progressif des femmes mariées
    employées à la mairie49.
    La municipalité doit administrer le quotidien des temps de guerre et connaît d’impressionnants
    transferts de personnel d’un service à l’autre. Certains employés ont en effet changé trois fois de poste de
    1939 à 1942 parfois avec la plus grande incohérence50 et la perte d’indemnités. De même, sur les 76
    nominations d’employés municipaux, la majorité ont lieu de juin 1940 à mars 1941 au moment de la mise
    en place du service des affaires d’occupation51. Les employés protestent contre l’insuffisance des
    traitements52, la lourdeur des horaires (4 heures de plus que dans l’administration d’État), la dégradation des
    conditions de travail53.
    Il est vrai qu’il faut gérer tout à la fois : le très lourd service des réfugiés (36 employés et des
    dépenses de plus de 45 000 francs en 1941), le contrôle des étrangers, la répartition des tickets de
    rationnement, l’assistance aux nécessiteux, le placement des chômeurs…
    Ce dernier point revêt une acuité particulière aux Sables où huit chômeurs sur dix sont des réfugiés.
    Ainsi parmi les 380 chômeurs recrutés par la commune à partir de février 1941, 300 sont des réfugiés. Ils
    exécutent des travaux d’urbanisme en l’occurrence l’aménagement de la place du Palais de Justice. La Ville
    continue en effet à développer ses projets d’urbanisme en dépit de la conjoncture et recrute un architecte
    voyer le 3 décembre 194154, M. Delaunay, élève de Léon Azéma, architecte de la ville de Paris, 1er prix de
    Rome et susceptible de réaliser un projet d’aménagements sportifs dans la capitale. L’architecte des Sables
    est recruté d’abord comme stagiaire, sans concours, avec un traitement annuel important de 35 000 francs55.
    Ceci montre à quel point la municipalité voulait souligner ses prérogatives et continuer à s’affirmer comme
    une station balnéaire de pointe même en période de guerre. Cette affaire illustre aussi le puissant réseau de
    relations que la municipalité entretient depuis l’avant-guerre avec la haute administration parisienne. La
    mairie possède d’ailleurs des formulaires de l’office d’administration communale concernant les Écoles
    Normales des services municipaux de Paris et de Caen (les deux plus grandes de France !), Écoles qui se
    développent sous le régime de Vichy dans le cadre de la grande restructuration administrative de 1941.
    Bien que la commune peine à obtenir le prêt des 20 000 francs sollicités pour ses chantiers auprès de
    l’État (Commissariat à la lutte contre le chômage)56, elle parvient en grande partie à limiter le nombre de
    chômeurs. Mais elle se heurte à la concurrence des réquisitions allemandes qui ponctionnent la main
    d’oeuvre locale y compris réfugiée pour l’organisation Todt de Lorient. La construction du Mur de
    l’Atlantique débute en effet à la même période et 115 ouvriers partent le 1er mars 1941 dont 101 réfugiés57.
    Non seulement la municipalité ne voit pas d’un oeil favorable le départ de ses ouvriers, mais elle s’inquiète
    aussi de l’accroissement des charges communales pour gérer la main d’oeuvre, d’autant plus qu’aux réfugiés
    s’ajoutent les prisonniers nord-africains mis à disposition de la commune par les Allemands et qu’il faut
    loger et nourrir. La Convention d’Armistice et les accords de collaboration de Montoire autorisent en effet
    49._ Marie-Claude Albert, L’administration municipale dans la région de Poitiers sous l’occupation, DEA, Université
    de Poitiers, 2001, p. 261.
    50._ AM Les Sables, K III/14 a.
    51._ Marie-Claude Albert, L’administration municipale dans la région de Poitiers sous l’occupation, DEA, Université
    de Poitiers, 2001, p. 256-257. AM Les Sables, D II 29, D II 30, arrêtés municipaux.
    52._ Marie-Claude Albert, L’administration municipale dans la région de Poitiers sous l’occupation, DEA, Université
    de Poitiers, 2001, p.274 : Tableau des augmentations graduelles de traitement du personnel municipal titulaire 1942-
  2. Le déblocage des salaires n’intervient qu’en janvier 1944 aux Sables. Le 19 janvier 1944, le conseil municipal
    vote une avance forfaitaire de 12 % du salaire pour tous les agents communaux titulaires (AM Les Sables, D I 44.).
    Signalons que la municipalité des Sables est très lucide sur question des salaires de ses employés et applique avec la
    plus grande discipline les circulaires ministérielles sur ce point.
    53._ Marie-Claude Albert, L’administration municipale dans la région de Poitiers sous l’occupation, DEA, Université
    de Poitiers, 2001, p. 269. AM Les Sables, K III/4.
    54._ AM Les Sables, D I 42, délibération du Conseil municipal du 3 décembre 1941.
    55._ Marie-Claude Albert, L’administration municipale dans la région de Poitiers sous l’occupation, DEA, Université
    de Poitiers, 2001, p.263.
    56._ Il faut préciser que depuis la loi de Vichy du 11 octobre 1940 les offices municipaux de placement sont mis sous la
    tutelle de l’État et relèvent entièrement du Ministère de la Production industrielle et du Travail dirigé alors par Yves
    Bouthillier.
    57._ Marie-Claude Albert, op.cit., vol. 2, p. 511. AD Vendée, 1 W 64.
    Les Sables sous l’Occupation (1940-1944) – N° Hors Série 2017
    47
    les Occupants à exploiter la main d’oeuvre des prisonniers de guerre français. Les coloniaux sont les
    premiers concernés.
    L’on mesure à quel point la politique de collaboration prime sur les chantiers communaux
    d’urbanisme qui plus est sur le front de l’Atlantique. Elle devient de plus en plus autoritaire en 1942
    accentuant les réquisitions, ce qui n’est pas étranger à la tension municipale qui s’ouvre aux Sables à la fin
    de cette année charnière de la guerre, alors que le premier débarquement décisif des Alliés s’opère sur les
    côtes d’Afrique du Nord le 8 novembre 1942.
    LA TENSION MUNICIPALE ET LA RADICALISATION DU RÉGIME DE
    COLLABORATION (NOVEMBRE 1942 – SEPTEMBRE 1944)
    Le maire élu Paul Lecomte démissionne
    « pour raisons de santé » selon la fiche
    officielle de renseignements. Il est remplacé à
    partir du 11 novembre 1942 par Albert Sapin,
    alors premier adjoint et conseiller municipal
    depuis 1935, défini selon les autorités comme
    « parfaitement considéré de ses concitoyens,
    très au courant des affaires administratives ».
    Certes Paul Lecomte souffrait depuis
    longtemps d’une santé fragile, mais il ne
    supportait pas les affrontements et avait déjà
    failli démissionner en 1937 en désaccord avec
    les partis du Front Populaire.
    Journal des Sables du 18 septembre 1942.
    De plus, ce changement d’hommes à la tête de la municipalité coïncide avec le remaniement
    préfectoral, le sous-préfet des Sables, M. Guillemaut, ayant été remplacé par M. A. Rogues en poste
    jusqu’au 20 avril 1944.
    Le rapport périodique du sous-préfet indique le 18 janvier 1942 que l’élu faisait l’objet de
    perquisitions de plus en plus fréquentes de la police allemande à son domicile et dans son cabinet à l’ Hôtel
    de Ville. De quoi déclencher sa démission ?
    Les causes de tension avec les occupants ne manquent pas au coeur de la zone interdite côtière et du
    Mur de l’Atlantique. Les exigences allemandes redoublent à cette période : les frais d’occupation
    s’accumulent à la charge de la municipalité qui doit les avancer.
    Une autre raison peut expliquer cette démission : la suspicion que l’élu entretient vis-à-vis du
    gouvernement à propos de l’étatisation de la police depuis août 1941. Paul Lecomte affirme avoir été laissé
    dans l’ignorance pour la mise en place de la réforme et doute du sérieux de la nouvelle police. Le souspréfet
    Guillemaut dénonce le comportement de ces agents de l’État qui « traquent la population »58. Les
    effectifs de la police d’État sont en effet les plus importants du département et il est recensé quatre fois plus
    d’enquêtes qu’à la Roche-sur-Yon59. Mais, dix policiers municipaux (plus de la moitié de l’effectif) n’ont
    pas été reclassés, ne doivent plus effectuer d’actes de police et sont nommés par le nouveau maire à la
    voirie, ce qui fait l’objet de plusieurs contestations60. Ces nombreux dysfonctionnements et ces décisions
    arbitraires suffisent à provoquer la démission du premier magistrat dont les prérogatives ne sont plus
    respectées.
    58._ AM Les Sables I I 22. Lettre du 12 septembre 1942.
    59._ Marie-Claude Albert, L’administration…, Op. cit., p. 298. AD Vendée, 6 W 1.
    60._ Marie-Claude Albert, L’administration municipale dans la région de Poitiers sous l’occupation, DEA, Université
    de Poitiers, 2001, p. 269 ; AM Les sables, D I 43, délibération du 19 mai 1943.
    Les Sables sous l’Occupation (1940-1944) – N° Hors Série 2017
    48
    Journal des Sables
    du 10 septembre 1943.
    Quant au nouveau maire, il est contraint de s’engager davantage
    dans la collaboration et d’encourager la Relève (mesure prise par le
    gouvernement de Vichy en septembre 1942 qui consiste à envoyer trois
    travailleurs volontaires en Allemagne contre un retour de prisonnier). Il
    augmente alors la subvention municipale pour l’accueil des prisonniers
    rapatriés par une délibération le 27 novembre 1942. Le montant s’élève à
    25 000 francs et inclut la somme allouée à la Maison du Prisonnier.
    Le maire doit aussi compter avec le COSI, Comité ouvrier de
    secours immédiat, puissant organe social de collaboration, installé aux
    Sables depuis le 30 juillet 1942. Le COSI est un organisme privé fondé le
    21 mars 1942 à Paris à la suite des premiers bombardements alliés sur la
    région parisienne. Rattaché au mouvement collaborateur du
    Rassemblement national populaire de Marcel Déat, il devient très vite un
    organe de propagande majeur du régime de Vichy. Il dispose
    d’importants moyens financiers dont une partie provient de la spoliation
    des biens juifs. Il veut avant tout rassembler des ouvriers et des
    syndicalistes et prône la réconciliation avec le peuple allemand en
    valorisant l’aide qu’il apporte aux victimes françaises des
    bombardements.
    Il s’implante en priorité dans les villes bombardées, dans les villes industrielles du Nord et de l’Est et
    dans les ports. Présidé par le maire, il regroupe dans un premier temps trois représentants des professions
    maritimes liées au port de pêche, un artisan et deux ouvriers du bâtiment. Mais ces derniers refusent le
    noyautage par les partis collaborationnistes (Parti Populaire Français et Rassemblement National Populaire)
    et se désistent (sauf un). Le COSI est alors reconstitué autour de l’un des anciens membres avec de
    nouvelles personnalités le 24 juillet 1943. Parmi les membres actifs l’on trouve surtout des syndicalistes
    (cheminots), des assistantes sociales, un représentant de l’Union des familles, du mouvement prisonnier et
    le délégué de la jeunesse. Il forme une commission de secours et de déblaiement qui oeuvre auprès des
    victimes de la guerre61.
    La municipalité doit gérer également au début de 1943 le recensement des requis pour le STO. Une
    mesure sans doute très impopulaire sur le littoral où les réquisitions de l’organisation Todt n’ont que trop
    ponctionné la main d’oeuvre. Le 18 février 1943, la police des Sables se voit accusée de négligence par les
    autorités allemandes pour ne pas avoir surveillé un embauchage d’ouvriers ; le 18 avril 1943 c’est
    l’expulsion du commissaire de police, M. Poilane, sur ordre de la Kreiskommandatur 597 et sa mise en
    résidence forcée dans les Deux-Sèvres, suivie en septembre de l’arrestation du secrétaire de police par la
    Gestapo62. La pression allemande sur la mairie devient insupportable.
    La municipalité voit ses services plus hiérarchisés sous la férule de Pierre Buton, secrétaire général
    dont les pouvoirs sont renforcés comme dans la plupart des municipalités à cette période. Ainsi un crédit de
    4 000 francs est voté par le conseil municipal le 15 décembre 1943 pour augmenter son indemnité de
    fonction. Il s’agit en accord avec le gouvernement de Vichy de valoriser cette fonction de contrôle de
    l’ensemble des services municipaux.
    61._ Marie-Claude Albert, op.cit., vol. 2, p. 551. AD Vendée, 1 W 127.
    62._ Marie-Claude Albert, L’administration municipale dans la région de Poitiers sous l’occupation, DEA, Université
    de Poitiers, 2001, p. 313. AD Vendée 4 M supp. 128, 236.
    Les Sables sous l’Occupation (1940-1944) – N° Hors Série 2017
    49
    La situation de la municipalité en 1944 se complexifie car il faut assumer à la fois la radicalisation
    du régime de collaboration (à titre d’exemple l’allemand doit être enseigné aux cours complémentaires à la
    charge de la commune), la pression militaire allemande qui veut tenir ses positions sur le littoral atlantique,
    l’accueil de milliers de nouveaux sinistrés et évacués qui affluent en mai 1944 des poches voisines de Loire-
    Inférieure, du Morbihan, du Finistère, de Charente-Maritime, alors que les Sablais se réfugient à l’intérieur
    des terres pour se protéger. La mairie submergée ne peut prendre en charge tout ce flot d’e sans-abri
    d’autant plus que depuis 1943 elle subit les bombardements de part et d’autre. Les dérives s’accentuent et
    plusieurs commerçants préfèrent vendre au marché noir plutôt que de fournir des denrées aux organismes
    municipaux pour alimenter les réfugiés. Dans son rapport du 25 novembre 1943, le préfet relate l’action
    inefficace du groupement interprofessionnel laitier des Sables-d’Olonne qui ne ravitaille plus la Goutte de
    Lait locale63.
    Au lendemain de l’évacuation des Sables (le 28 août 1944), première ville libérée, dès le 30 août
    1944, le buste de Marianne trône à nouveau sur le bureau du Maire tandis que sont exposées les
    photographies des dégâts causés par l’Occupant et que les croiseurs anglais arrivent en rade. Les années
    noires s’achèvent pour la « petite patrie » sablaise qui retrouve sa liberté.
    Coll. Archives municipales des Sables-d’Olonne.
    CONCLUSION
    Après la libération, le 30 septembre 1944, le maire, Albert Sapin est suspendu ainsi que ses adjoints
    (Claude Boisseau, Georges Mainard, Robert Lambot, Henri Prouteau et Jules Bibard) mais tous les
    conseillers sont re-délégués sauf un, car, comme l’explique Jean Halochet, président du comité local de
    libération, certains conseillers nommés par Vichy ont aussi fait partie de la Résistance tel Georges
    Mainard64. Notons que les Francs-maçons qui avaient été sanctionnés par Vichy retrouvent leur place
    puisque huit d’entre eux siègent au comité local de libération. Les tâches ne manquent pas car il faut régler
    de multiples problèmes liés au départ des troupes allemandes, à l’arrêt des chantiers Todt, au blocus de
    l’activité de la pêche en raison de la poursuite des combats dans les poches de l’Atlantique. Le 30 octobre
    1944, la municipalité vote une avance de fonds importante de 1 million de francs à la préfecture afin
    d’employer les chômeurs à la démolition des ouvrages de défense laissés par les troupes allemandes 65. Il
    faut aussi traiter les dossiers des sinistrés et gérer le rapatriement de ceux qui avaient dû être évacués à
    partir de l’automne 1943 et surtout en mai 1944. Plusieurs n’ont perçu aucune allocation de la part de la
    Préfecture avant qu’elle ne soit officiellement supprimée le 30 juin 1945. Les cantines municipales
    redoublent d’activité et voient leurs crédits considérablement augmentés. La Ville doit enfin accueillir
    dignement ses 21 déportés et la jeune Odette Roux, alors membre du conseil de libération, se distingue en
    proposant dès janvier 1945 de leur attribuer un livret de caisse d’épargne garni d’un crédit de 400 francs.
    63._ Marie-Claude Albert, Les politiques municipales d’assistance en France dans des villes en guerre (1938-1948),
    Thèse soutenue à Paris I – Sorbonne sous la direction de Danièle Voldman, 2008, vol. 2, p. 499 ( AD Vendée, 1 W 50).
    64._ Marie-Claude Albert, op.cit., 2008, vol. 3, p. 600. AD Vendée, 1 W 347.
    65._ Marie-Claude Albert, op.cit., vol. 3, p. 623. AM Les Sables, D I 44.
    Les Sables sous l’Occupation (1940-1944) – N° Hors Série 2017
    50
    C’est le scrutin du 13 mai 1945 qui crée l’événement aux
    Sables et inaugure une nouvelle ère politique avec l’élection d’une
    jeune institutrice communiste de 27 ans à la tête de la municipalité,
    Odette Roux, veuve du résistant Alfred Roux décédé sous la
    torture, entourée de 16 conseillers de gauche sur les 26 élus66. Paul
    Lecomte retrouve d’ailleurs son poste de conseiller.
    Il fallait en finir avec l’enlisement, l’atonie, l’arbitraire et
    remettre à l’honneur l’initiative, la hardiesse de pensée et de
    méthode sans oublier de travailler avec l’ensemble de la
    population.
    Tout un programme pour cette figure emblématique du
    militantisme féminin et pour la nouvelle municipalité d’aprèsguerre
    !
    Ci-contre et ci-dessous : Odette Roux, maire des Sablesd’Olonne
    de 1945 à 1947. Fonds Odette Roux, coll. Archives
    municipales des Sables-d’Olonne.
    66._ Marie-Claude Albert, op.cit., 2008, vol. 3, p. 726-734. Lire également les deux volumes de Fanny Proust, Le
    jardin d’Odette. Chronique d’une Vendéenne engagée, éditions Art § Grains de mémoire, 2005-2007.
    Les Sables sous l’Occupation (1940-1944) – N° Hors Série 2017
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    allemande 1940 – 1944
    L’Occupation
    LES SABLES À TRAVERS L’OBJECTIF
    D’UN SOLDAT ALLEMAND
    Par Paul Morineau
    et Anton Lavigne
    En 1991, un peu plus d’un an après la chute du Mur de Berlin, un avis de recherche étonnant est
    publié dans le Journal des Sables du 22 mars : « Heinz Finzel cherche ses amis de 1940 ». La personne dont
    il s’agit est un ancien soldat allemand qui vivait alors à Mittelbach – Chemnitz en ex-Allemagne de l’Est.
    Celui-ci était à l’époque en Vendée et tout particulièrement dans la cité sablaise pendant l’hiver 1940-1941.
    Cette lettre est accompagnée de deux photographies de locomotives datées de cette même époque : « Je suis
    d’abord arrivé à Challans. Et comme je suis un passionné de rail, j’y ai pris de nombreuses photos. Puis,
    nommé aux Sables-d’Olonne, j’ai passé le plus clair de mon temps au départ des locomotives. Avec mes
    deux amis, j’ai fait souvent le voyage Les Sables-d’Olonne-La Roche-sur-Yon dans la locomotive. Y’a t-il
    des membres de votre famille en vie ? ».
    « MeinFreund Sorin auf seiner Lok » (nach links).
    Das war auf der fahrt nach La Roche ich durfte mitfahren auf der Lok. Der Heizer (rechts) ».
    [Mon ami Sorin sur sa locomotive (à gauche). C’était sur celle-ci que je pouvais l’accompagner pour aller à La
    Roche. Le chauffeur (à droite)]. Fonds Heinz Finzel. Coll. Archives municipales des Sables-d’Olonne.
    Suite à cet article, M. Paul Morineau, membre du Comité de
    Jumelage Les Sables/Schwabach, est entré en contact avec Heinz
    Finzel pour l’aider dans ses recherches :
    « Heinz, qui résidait à Mittelbach, quartier de Karl-Marx-
    Stadt, n’a pu prendre contact avec la France que dans les années
    90, après la chute du Mur. Il a écrit une lettre au maire de
    Challans souhaitant retrouver un Sorin, chauffeur de locomotive,
    qu’il avait fréquenté pendant son séjour aux Sables et ses
    nombreuses incursions à la gare et au dépôt des locos des Sables
    (et d’ailleurs). Le maire de Challans a fait paraître la lettre de
    Heinz et les photos jointes dans le Journal des Sables. Je suis
    tombé sur l’article et j’ai pris aussitôt contact avec Heinz en lui
    écrivant. Il m’a répondu et nous avons correspondu régulièrement
    pendant au moins une bonne demi-douzaine d’années. Il devait
    venir aux Sables en 1996 avec la délégation de Schwabach (pour
    le 20ème anniversaire).
    Les Sables sous l’Occupation (1940-1944) – N° Hors Série 2017
    52
    Malheureusement, il n’a pas pu faire le déplacement à cause de problèmes de santé. J’ai donc décidé
    d’aller lui rendre visite en 1997. J’ai été reçu à bras ouverts. C’était très émouvant. Je lui ai rendu une
    deuxième visite l’année suivante, en 1998. Nous nous sommes quittés la larme à l’oeil mais je ne pensais pas
    que ce serait une visite d’adieu. En effet, Heinz est décédé six mois plus tard, le 25 octobre 1998 ».
    Paul Morineau et Heinz Finzel à Mittelbach en 1997. Coll. Paul Morineau.
    En 1996, par l’intermédiaire de Paul Morineau, Heinz Finzel a fait don aux Archives municipales des
    Sables-d’Olonne de sa collection de photographies prises en 1940 et 1941. Ces photographies ont été
    présentées pour la première fois en juin 1996 à l’occasion de l’exposition « La vie quotidienne aux Sablesd’Olonne
    pendant l’Occupation, 1940-1944 » sous le titre « Les Sables à travers l’objectif d’un soldat
    allemand », titre naturellement repris pour cet article.
    ITINÉRAIRE D’UN JEUNE SOLDAT ALLEMAND
    Alfred Heinrich Finzel a 28 ans quand il arrive
    en Vendée à l’automne 1940. Ce maître boulanger est
    né à Mittelbach – Chemnitz (Ouest de la Saxe).
    Heinz est incorporé dans l’armée allemande le 4
    novembre 1939 à Chemnitz, dans le Wehrbezirtskommando
    Chemnitz II.
    Du 15 avril au 7 octobre 1940, il est versé dans
    la 3. SCH .ERF.KP.ERF.BTL.102.
    Puis du 8 octobre 1940 au 7 mars 1941, il est
    affecté dans le 11./I.R.455.
    À partir du 15 octobre 1940, son unité est
    chargée de la protection de la côte atlantique française
    en Vendée.
    Elle est d’abord stationnée à Challans puis aux
    Sables où son bureau est situé à l’hôtel Océan sur le
    Remblai.
    Il part des Sables en mars 1941 pour rejoindre
    l’Allemagne. L’inscription « verwendung im Heimat
    kriegsgebiet » sur son livret militaire indique
    vraisemblablement son retour dans le pays natal en vue
    de la préparation de l’opération « Barbarossa ».
    Livret militaire d’Heinz Finzel.
    Coll. Famille Finzel.
    Les Sables sous l’Occupation (1940-1944) – N° Hors Série 2017
    53
    « Mein Arbeitsplatz im Hotel du Remblay »
    [Ma place de travail à l’hôtel du Remblai].
    Fonds Heinz Finzel. Coll. Archives municipales des Sablesd’Olonne.
    En effet, comme en témoignent
    ses états de service inscrits sur son
    livret, il est sur le front de l’Est du 21
    juin 1941 à décembre 1943, à Minsk,
    Smolensk, sur la Bérézina, le Dniepr et
    devant Moscou.
    Jusqu’au 20 mai 1944, il est
    indiqué dans le Kdo.255.3.D. Stabs.Qu.
    puis au Kartenstelle.
    À la fin de la guerre, il est en
    Europe Centrale avant d’être fait
    prisonnier et envoyé dans un camp en
    captivité en Bavière.
    Heinz Finzel rentre chez lui au
    cours de l’année 1946. Il reprend son
    métier de boulanger à Mittelbach, ville
    désormais située en zone occupée par les
    Soviétiques.
    La République Démocratique Allemande (RDA) est créée en 1949. Toute communication avec
    l’Ouest sera rendue quasiment impossible après la construction du Mur de Berlin. C’est au lendemain de la
    réunification allemande que les démarches d’Heinz Finzel pour retrouver ses anciens amis sont rendues
    possibles mais ses recherchues sur son « Freund Sorin » restent vaines…
    De son passage aux Sables-d’Olonne, il nous reste aujourd’hui une collection très intéressante de
    photographies où l’on retrouve des endroits familiers tels le quai des Sables, le Remblai, la rue Travot, la
    rue de l’Hôtel-de-Ville, la place du Palais de Justice, le port, etc. On peut également apercevoir Heinz en
    train de boire un bon verre de Bordeaux avec d’autres soldats dans un restaurant sablais…
    Mais ce sont surtout les locomotives et les Chemins de fer départementaux qui ont suscité l’intérêt de
    ce photographe amateur. Malgré le conflit, il noue une certaine amitié avec le dénommé Sorin, mécanicien
    de locomotive. Sa passion des trains ne le quittera d’ailleurs jamais puisqu’il avait consacré une pièce
    entière de sa maison à ses circuits de trains électriques.
    LES SABLES PENDANT L’HIVER 1940-1941
    « Eck Zimmer oben links, daunter Zimmer des Generals »
    [Ma chambre dans le coin en haut à gauche. Dessous, celle du général].
    Fonds Heinz Finzel. Coll. Archives municipales des Sables-d’Olonne.
    Les Sables sous l’Occupation (1940-1944) – N° Hors Série 2017
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    « Blick auf die Promenade »
    [« Regard sur la promenade »]
    La rue de l’Hôtel de Ville en 1940.
    Fonds Heinz Finzel. Coll. Archives municipales des Sables-d’Olonne.
    Les Sables sous l’Occupation (1940-1944) – N° Hors Série 2017
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    La rue Travot. « Im Fort St.Niclas »
    « Im restaurant Dauphins »
    [« Au restaurant Les Dauphins »]. Heinz est au premier plan au centre.
    Fonds Heinz Finzel. Coll. Archives municipales des Sables-d’Olonne.
    Les Sables sous l’Occupation (1940-1944) – N° Hors Série 2017
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    Bateaux et marins allemands dans le port de commerce.
    « Mein Freund und Freund Sorin. Depot Les Sables ».
    Fonds Heinz Finzel. Coll. Archives municipales des Sables-d’Olonne.
    Les Sables sous l’Occupation (1940-1944) – N° Hors Série 2017
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    allemande 1940 – 1944
    L’Occupation
    LA MARINE DE GUERRE ALLEMANDE
    AUX SABLES-d’OLONNE
    Par Benoît Boucard
    Comme toutes les marines de guerre, la flotte allemande, la Kriegsmarine, possède de multiples
    bâtiments aux fonctions et à la puissance différentes mais dont souvent seuls les plus importants, ou ceux
    ayant été les acteurs d’événements particuliers, nous sont connus. Pourtant, une multitude de navires, moins
    imposants, jouèrent dans l’ombre un rôle de premier plan en assumant la sécurité, le dragage et l’escorte de
    convois tout au long du littoral : les dragueurs et les convoyeurs.
    Le long de la façade atlantique, de la frontière espagnole à Saint-Nazaire, la 4ème Sicherungsdivision
    (division de sécurité) assure le commandement de plusieurs flottilles de dragueurs lourds, de dragueurs
    auxiliaires, de briseurs d’obstructions et de patrouilleurs, chacune ayant un port d’attache particulier. Parmi
    celle-ci figure la 42ème Minensuchflottille (flottille de dragueurs) qui a pour base le port des Sablesd’Olonne.
    Créée en juillet-août 1940 et formée essentiellement de navires de pêches français
    réquisitionnés, dont un certain nombre à La Rochelle, elle est dotée tout comme ses homologues
    d’un armement et est pilotée par un équipage allemand. Subsistant jusqu’en septembre 1944, les
    embarcations qui la constituent sont immatriculées de M 4201 à M 4255 (voir tableau).
    Emblème de la 42ème Minensuchflottille.
    Collection particulière.
    Au cours de ses quatre années d’existence, la 42ème
    Minensuchflottille est successivement placée sous les ordres de
    quatre officiers : le kapitänleutnant (lieutenant de vaisseau)
    Arnulf Hölzerkopf de juillet 1940 à novembre 1941, le
    kapitänleutnant Josef Bauer de novembre 1941 à août 1942, le
    korvettenkapitän (capitaine de corvette) Louis-Max de Laporte
    d’août 1942 à mai 1944 et le korvettenkapitän Paul Lehmann
    de mai 1944 à septembre 1944.
    Aux Sables-d’Olonne, la Kriegsmarine prend ses quartiers
    sur le port de pêche, à l’extrémité du quai Guiné : « Où était le
    Majestic, c’était la Kriegsmarine. À côté, c’était un café. Les
    Allemands y habitaient. Et puis, comme le café, on montait
    deux marches, il voyaient tous les bateaux qui rentraient ou
    sortaient. Et à côté, il y avait une cabane. Ils élevaient des
    cochons là. »
    Ci-dessous : extrémité du quai Guiné où se situait la
    Kriegsmarine. Face à elle, l’embarcadère sur lequel les
    Allemands érigèrent une tourelle destinée au contrôle et à la
    surveillance du port. Coll. Olona.
    Les Sables sous l’Occupation (1940-1944) – N° Hors Série 2017
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    « Vous aviez la Kriegsmarine qui était sur le port. C’était où était Harken, le commandant. Vous
    aviez toujours deux chalutiers, qui étaient peints en gris, qui avaient été réquisitionnés, et qui étaient leurs
    bateaux pour faire des sorties. »
    « Il y avaient des petites vedettes mais pas de bateaux importants. Les bateaux importants ils
    rentraient dans le bassin quand ils avaient besoin de mazouter parce que sur le bassin, il y avait un parc à
    mazout. »
    Si nous avons actuellement peu de renseignements sur la 42ème Minensuchflottille au court des quatre années
    du conflit, par contre, deux événements liés à la marine allemande marquèrent la fin de la guerre et
    l’histoire sablaise.
    Dragueur de mines R-Bootes série R41 ou R218 amarrés dans le port de commerce, [sd].
    Fonds M. Laurent. Collection Archives municipales des Sables-d’Olonne.
    Dragueur de mines R-Bootes série R41 ou R218 entrant dans le port des Sables, [sd].
    Fonds M. Laurent. Collection Archives municipales des Sables-d’Olonne.
    Au cours de la nuit du 5 au 6 août 1944, une force alliée composée de cinq bâtiments détecte et
    attaque, à proximité de l’Ile d’Yeu, un convoi allemand de sept navires venant de Saint-Nazaire et à
    Les Sables sous l’Occupation (1940-1944) – N° Hors Série 2017
    59
    destination de La Pallice. Pour les Allemands, la surprise est totale. Six de leurs bateaux sont détruits et
    coulés au court de ce combat et leurs pertes sont évaluées à plus de huit cent hommes. Le septième
    bâtiment, un escorteur rapide : le SG3 Jupiter, parvient à se réfugier aux Sables-d’Olonne qu’il atteint le 6
    août vers 9 heures. La journée se passe calmement pour le navire allemand qui en profite pour descendre à
    terre ses morts (au nombre de quatre) et ses blessés (dont le commandant du navire : Klotzbach). Mais à
    19h30, une dizaine de chasseurs-bombardiers Beaufighters du n°236 Squadron l’attaque.
    « Ils venaient se faire réparer là car il y avait une usine et après, quand ils étaient prêts, ils s’en
    allaient. Mais c’est que les Anglais, ils savaient qu’ils allaient sortir, il y avait quelqu’un qui les
    renseignait certainement. »
    « Je ne me souviens pas du Jean-Marthe mais je me souviens très bien d’un escorteur qui a été coulé
    par les Anglais et puis, il avait brûlé en rade un bon moment puis il avait chaviré. Il était parti un peu plus
    loin, il avait touché le fond et s’était échoué. La quille était restée en l’air pendant plusieurs jours. Il était
    venu quelques morts à la plage. Les Allemands avaient consigné la plage de façon qu’on ne touche pas aux
    corps. Je me souviens très bien. On était rue Marcel Garnier. Tout le quartier était là à voir ce bateau
    couler, à exploser. Ça faisait un sacré feu d’artifice. »
    Le patrouilleur V 409 ex-August Bösch coulé dans le chenal des Sables-d’Olonne fin août 1944.
    Photographie R. Duvail. Coll. Famille Duvail.
    « Ce soir là, depuis Champaillas, on a vu les avions sortir derrière Mireille [à Olonne-sur-Mer]. Et
    puis j’étais parti chercher mon lait. Tout d’un coup ça sifflait partout. « Couche-toi, couche-toi ! » Je me
    suis couché dans un fossé près du pont [rue Georges Clemenceau à Olonne sur-Mer] avec mon pot de lait et
    mon vélo. »
    Nouvelle attaque aérienne dans la soirée du dimanche 20 août 1944. Cette fois, ce sont vingt-deux
    Beaufighters de Davidstow Moor (base aérienne située dans les Cornouailles, Angleterre) qui prennent à
    partie le dragueur M 4214 (chalutier réquisitionné, ex Jean-Marthe) et le patrouilleur V 409 (ex August
    Bösch). Cette seconde attaque semble bien plus ancrée dans la mémoire sablaise que la précédente.
    « Il y avait eu une attaque aérienne parce qu’il y avait des bateaux qui sortaient. C’était un
    dimanche. Il y avait beaucoup de monde sur le quai. Alors, à ce moment-là, fallait pas rester sur le quai, ils
    nous chassaient. »
    Les Sables sous l’Occupation (1940-1944) – N° Hors Série 2017
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    Dégâts faisant suite aux attaques alliées et aux destructions allemandes :
    la Petite Jetée et des bateaux coulés dans le chenal et la rade des Sables-d’Olonne.
    Collection particulière.
    « Les bateaux de guerre allemand qui ont été coulés, ça s’est passé le 20 août. Les Anglais
    tournaient, ils savaient que ces bateaux allaient sortir. C’était un dimanche. Je m’en vais chercher mon lait
    à 18 heures et les avions avaient tourné toute la journée et quand les Allemands les apercevaient, ils s’en
    allaient bien vite sur leurs canons pour pouvoir les tirer. Et puis, ils ont laissé les bateaux sortir. Ils sont
    sortis à 500 mètres de la jetée, les avions sont arrivés et ils les ont coulés. »
    « Je les ai vu flamber, depuis le bas de la rue des Écoliers. Et alors, les Allemands étaient furieux
    parce que nous sommes descendus les voir et ils voulaient nous faire rentrer chez nous. Ils avaient sorti
    leurs mitraillettes et ils nous menaçaient avec. »
    Quand les bateaux se firent attaquer, certains Sablais eurent juste eu le temps de « voir des soldats qui
    plongeaient, car les sentinelles du Remblai réagir vite, se tournèrent vers nous, le fusil menaçant. Mais
    nous n’avons pas attendu le « Raus » et prirent nos jambes à notre coup. »
    Les deux attaques menées par l’aviation alliée font de nombreuses victimes allemandes puisqu’il fut
    dénombré dans leurs rangs 38 morts pour la journée du 6 août 1944 et une dizaine de tués pour celle du 20
    août, sans compter un grand nombre de blessés.
    « Qu’est ce qu’il y a eu comme morts sur la plage, jusque dans le port. Ils n’étaient pas joyeux là.
    Avec le flot ça venait. Y en avait un qui n’avait plus de jambes. »
    « C’était le lendemain parce qu’ils sont venus avec la marée. Le bateau a explosé puis ceux qui n’ont
    pas pu se sauver, ils ont flotté et les cadavres sont venus [à la côte] et ils les ont ramassés. Et on avait été
    outré parce qui en avait un ou deux qui avaient été trouvés auprès de la Petite Jetée et qui avaient été
    enterrés dans le sable. »
    « Parce qu’il y avait eu des morts. Ils en venaient sur la plage et dans le port. Y avait un copain de
    mon frère qui avait vu une belle couverture en bas de la tour d’Arundel. « Je m’en vais plonger et je m’en
    vais la chercher ». Manque de bol, il a plongé pour attraper la couverture mais c’est qu’il y avait un mort
    dedans. »
    « Y avait beaucoup de blessés qu’ils avaient amené [dans le blockhaus de la rue de Verdun. Voir
    l’article sur ce monument]. Y en avaient qui étaient morts. Les morts revenaient à la cote. Quand ils ont vu
    que les cadavres revenaient, on a plus eu le droit [d’aller sur le Remblai], mais nous, on s’était faufilés. »
    Les Sables sous l’Occupation (1940-1944) – N° Hors Série 2017
    61
    Un des bateaux coulés par l’aviation alliée en rade des Sables-d’Olonne en août 1944.
    Collection particulière.
    Listes des bâtiments constituant la 42ème Minensuchflotille.
    IMMATRICULATION DENOMINATION RENSEIGNEMENTS DIVERS
    M 4200 Windjammer
    M 4201 Chrétienne
    M 4202 Joselle Bateau de La Rochelle.
    M 4203 Palombe Bateau de La Rochelle.
    M 4204 Marie-Thérèse II
    Bateau de La Rochelle. Attaqué et coulé le 12 août
    1944 à proximité d’Oléron par l’aviation anglaise.
    M 4205 Le Goulfar II Bateau originaire de La Rochelle.
    M 4206 Picorre
    Bateau de La Rochelle. Sabordé le 25 août 1944
    par les Allemands à Royan.
    M 4207 Les Baleines
    Bateau de La Rochelle. Coulé le 18 août 1944
    après avoir heurté une mine à l’embouchure de la
    Gironde.
    M 4208 Ker-Yar-Avant
    Sabordé le 24 août 1944 par les Allemands dans le
    port de Rochefort.
    M 4209 Courdannes
    M 4211 Irena Raphaël
    M 4212 Marie-Frans
    M 4213 André-Marcel
    M 4214 Jean-Marthe
    Attaqué et coulé le 20 août 1944 dans la rade des
    Sables-d’Olonne par l’aviation anglaise.
    M 4215 Elisa-Marie
    M 4216 Charles Letzer
    M 4217 Frans Suzanne
    Sabordé le 24 août 1944 par les Allemands dans le
    port de Rochefort.
    M 4218 Jonge Frans
    Les Sables sous l’Occupation (1940-1944) – N° Hors Série 2017
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    M 4219 Henri
    M 4221 Maurice Fey
    M 4222 Abeille 19
    M 4223 Cherbourgeois
    M 4224 Abeille 16
    M 4225 Tatihou
    M 4226 Angèle Cambeleyre
    M4227 Cornelis
    M 4230 Langfuhr x Korab II
    M 4231 Magermo
    M 4232 Rio du Jour
    M 4233 Ginette II
    M 4234 Eskualduna
    M 4235 Ahalduguna
    M 4236 Alba Eder
    M 4237 Bixinto
    M 4238 Goeland
    M 4241 Abeille16,
    Jean-Jacques
    M 4242 Odet II
    M 4243 La Grêle
    M 4245 Frisia IV
    M 4246 Frisia VIII
    Sources
    BROTHE E., CHAZETTE A. et al. (1997) – Charente Maritime, Vendée, 1939-1945. Éditions Patrimoines
    et Médias, 248 p.
    LEBERRE A. (1994) – Combats navals sur les côtes de Vendée, août 1944, éditions l’Étrave, 32 p.
    VRIGNAUD M. (2006) – L’épave « secrète » du SG 3 Jupiter, in Fortunes de Mer. Histoires de naufrages
    au large des côtes vendéennes, Somogy Éditions d’Art, p.246 à 261.
    Sites Internet consultés :
    http://www.axishistory.com/index.php?id=8716
    http://www.wlb-stuttgart.de/seekrieg/km/mboote/m31-46.htm
    Les Sables sous l’Occupation (1940-1944) – N° Hors Série 2017
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    allemande 1940 – 1944
    L’Occupation
    UN MONUMENT REMARQUABLE DE LA
    SECONDE GUERRE MONDIALE :
    LE BLOCKHAUS DE LA RUE DE VERDUN
    AUX SABLES-D’OLONNE
    Par Benoît Boucard
    Avec les grands ports de la façade Atlantique, la ville des Sables-d’Olonne fut l’un des points les plus
    fortifiés du littoral français par l’armée allemande au cours de la Seconde Guerre mondiale. Lors de la
    réalisation en 2006 d’un inventaire des défenses allemandes existantes ou ayant existé sur les communes
    d’Olonne-sur-Mer, des Sables-d’Olonne, du Château-d’Olonne et de Talmont-Saint-Hilaire, nous avons pu
    dénombrer plus de cent soixante-dix blockhaus et reconnaître que la majorité d’entre eux avait comme
    mission principale d’assurer la défense du port des Sables-d’Olonne.
    1 : Accès
    2 : Sas anti-gaz
    3 : Caponnière d’accès et chauffage
    4 : Local admission gazés
    5 : Local douches
    6 : Salle de soins et de repos
    7 : Salle de soins
    8 : Local personnel médical
    9 : Local médecin
    10 : Local admission
    11 : Local réserve
    12 : Citerne
    13 : Local ventilation
    14 : Chauffage
    15 : Local réserve carburant
    16 : Local moteur
    Blockhaus de la rue de Verdun aux Sables-d’Olonne* : fonctions des différentes salles**.
    Coll. Benoît Boucard.
    *Plan réalisé à partir d’un relevé effectué en octobre 1944 par l’architecte de la ville des Sables-d’Olonne
    et conservé aux Archives Municipales des Sables-d’Olonne.
    **Les numéros des salles sont repris dans le texte afin de permettre la localisation des éléments décrits
    Au sein des trois communes des Olonnes, deux principaux points fortifiés assumaient cette fonction
    défensive : La Chaume et la Pironnière. Bâties sur des hauteurs, ils encadraient parfaitement la baie et
    possédaient tous deux une puissance de feu considérable. Une troisième position fut également occupée de
    manière conséquente mais, contrairement aux précédentes, elle avait une fonction passive puisqu’elle
    rassemblait poste de commandement et lieu de repos : le secteur du Vélodrome. L’ensemble regroupait six
    blockhaus, de dimensions importantes, érigés à proximité les uns des autres. Ils étaient accompagnés de
    petits postes bétonnés et de tranchées, certaines toujours visibles, destinés à leur protection rapprochée.
    Les Sables sous l’Occupation (1940-1944) – N° Hors Série 2017
    64
    Un septième édifice appartenant à ce groupe (il possède le même numéro de code donné par les
    Allemands pour désigner cet ensemble), fut pourtant construit à l’écart, à l’angle de la rue de Verdun et de
    l’avenue Alcide Gabaret. Pourquoi avoir associé ce monument avec le groupe du Vélodrome si c’était pour
    le bâtir aussi loin des autres ? Sa situation s’explique par sa fonction : celle d’abri-sanitaire, de poste de
    secours, d’hôpital (type de bunker nommé H118 par la nomenclature allemande). Destiné à accueillir des
    blessés légers et à donner les premiers soins en cas de besoin, ce type de construction se devait d’être placé
    au plus près des principales lignes de défense, c’est à dire le long de la plage qui n’est située qu’à quelques
    centaines de mètres.
    Si nous connaissons peu de chose sur l’histoire de ce blockhaus et sur les petits ou grands événements
    qui s’y déroulèrent au cours du second conflit mondial, son excellent état de conservation nous incite à faire
    découvrir certaines de ses salles ainsi que quelques-uns des vestiges associés à ce qui est assurément un des
    monuments les plus remarquables des Olonnes.
    Sur le linteau métallique constituant la partie supérieure de chaque entrée du blockhaus est
    visible le numéro de code désignant la position du Vélodrome, auquel est accolée l’année de sa
    construction : Sa 70 H 09 1943.
    A : Numéro de code de la position du Vélodrome et année de
    construction de l’abri.
    B : Créneau de tir de la salle n°7, avec sa
    plaque blindée protectrice, surmonté d’une
    recommandation peinte. Phot. Benoît
    Boucard.
    Bien que nous soyons en présence d’un monument passif, il n’en était pas moins pourvu de moyens
    de protection. La défense de ses entrées se faisait grâce à trois créneaux autorisant le tir avec un fusil ou une
    mitrailleuse et pouvant être condamnés par une plaque blindée. Deux de ces ouvertures étaient desservies
    depuis les salles n°6 et 7 et contrôlaient deux des trois couloirs d’accès. Le troisième créneau, utilisable
    depuis la salle n°3, protégeait la dernière entrée et offrait la possibilité de tirer parallèlement à la façade de
    l’abri. Au-dessus de chacune de ces ouvertures était peint un conseil à l’usage des soldats : « Bei Nach kein
    Licht hinter geöffneter Scharte » : « La nuit pas de lumière devant un créneau ouvert », rappelant ainsi que
    la moindre indication lumineuse représentait un danger grave, sinon mortel, pour les troupes allemandes.
    Avant d’en arriver à utiliser ces postes de tirs, ultime rempart en cas d’attaque, des portes métalliques
    le protégeaient des bombardements et des gaz. Après l’expérience de la Première Guerre mondiale, les
    attaques au gaz avaient été prises très au sérieux et les constructeurs avaient doté les blockhaus destinés au
    personnel de portes étanches, de sas et de ventilateurs.
    À l’origine, le blockhaus de la rue de Verdun était doté de portes blindées extérieures mais celles-ci
    ont aujourd’hui disparues. La plupart des portes intérieures sont par contre toujours en place et en excellent
    état de fonctionnement. Elles sont de deux types : soit à un battant, soit coulissante. Toutes sont munies
    Les Sables sous l’Occupation (1940-1944) – N° Hors Série 2017
    65
    dans leur partie supérieure d’une petite ouverture rectangulaire en verre « Sekurit » et sont étanches afin de
    lutter efficacement contre les gaz.
    Les deux types de portes blindées du blockhaus de la rue de Verdun. Phot. Benoît Boucard.
    Lors des périodes calmes, l’aération des blockhaus se faisait simplement par l’intermédiaire des
    entrées. Mais en cas de danger, celles-ci étaient condamnées. Il était alors nécessaire de posséder un
    système permettant de pallier l’arrêt de cette arrivée d’air frais. Pour faire face à ce péril, les bunkers
    abritant du personnel étaient dotés d’un ventilateur pouvant fonctionner aussi bien électriquement que
    manuellement. L’air était alors aspiré par des bouches d’aération situées à proximité des entrées, passait
    dans un filtre dépoussiéreur avant d’arriver au ventilateur et d’être ensuite distribué dans les différentes
    salles par des bouches de soufflage à vis. Le but était de créer et de maintenir une légère surpression à
    l’intérieur du blockhaus afin de faciliter l’évacuation de l’air vicié par l’intermédiaire de bouches de
    surpression à contrepoids. Le basculement de ce contrepoids se faisant uniquement vers l’intérieur du
    conduit, ces bouches de surpression se refermaient et se bloquaient automatiquement lorsque la pression
    extérieure devenait plus importante que dans le blockhaus, comme lors d’une explosion, et interdisaient
    ainsi l’entrée des gaz.
    Plusieurs aménagements étaient destinés à améliorer le confort des hommes au sein de ces
    constructions austères et ils étaient d’autant plus importants que nous sommes ici en un édifice destiné à
    soigner. Ainsi, le blockhaus était équipé d’un chauffage centrale et de salles de stockage pour des réserves :
    nourriture et surtout eau. Au moins deux pièces possédaient cette fonction primordiale : la salle n°11, avec
    ses deux grands cuves en béton, et la salle n°12 avec sa grande citerne métallique servant au stockage de
    l’eau chaude.
    Un autre point important lié au confort qui ne passe pas inaperçu lorsque l’on pénètre dans l’édifice
    est la qualité qui fut accordée à une grande partie de l’intérieur du bunker et notamment à son sol. Nous
    sommes ici dans un lieu dont la raison d’être était les soins aux soldats. Alors, pour améliorer
    l’environnement, notamment en ce qui concerne l’hygiène, la majorité des salles eurent leur sol recouvert de
    tommettes. Pour améliorer encore cet univers austère où la lumière ne pénètre jamais, les murs de certaines
    salles furent peints en blanc.
    Les Sables sous l’Occupation (1940-1944) – N° Hors Série 2017
    66
    A
    Système d’aspiration de l’air situé dans la salle n°3 (A).
    Bouche de soufflage à vis (B) et bouche de surpression à
    contrepoids (C).
    B
    A et C : Phot. Benoît Boucard ; B : Coll. Archives
    Municipales des Sables-d’Olonne.
    C
    Vestiges du local ventilation (à gauche)
    et du local moteur (à droite).
    Phot. Benoît Boucard.
    Cuves bétonnées et citerne destinées au stockage.
    Phot. Benoît Boucard.
    Après cette rapide présentation de quelques éléments matériels du blockhaus de la rue de Verdun,
    venons-en à un point troublant de son histoire qui a débuté par les attaques aériennes des bateaux allemands
    dans la rade en août 1944.
    Suite à ces attaques « ceux qui habitaient en face [(du bunker de la rue de Verdun)] avaient dit que
    les Allemands avaient amené tous leurs blessés dans le blockhaus ». De plus, au moment de l’évacuation de
    la ville par les troupes allemandes, certains disent avoir vu de la fumée sortir de cette construction. Depuis,
    le bruit court que « lorsque les occupants ont voulu partir, on a toujours dit qu’ils avaient fait brûler les
    blessés dans le blockhaus, pour pas les emmener ».
    Les Sables sous l’Occupation (1940-1944) – N° Hors Série 2017
    67
    Légende ? Fait authentique ? Aucun document d’archives ne nous permet aujourd’hui d’abonder dans
    un sens ou dans l’autre. Pourtant, un indice important nous amène à croire que quelque chose a
    effectivement brûlé au coeur de cet édifice : les parois de la grande salle n°6 sont toutes recouvertes de
    traces noires. Nous savons néanmoins que les Allemands, au moment de leur départ, « sur le Remblai,
    avaient fait beaucoup de feux pour brûler leurs papiers dans les anfractuosités des rues qui étaient barrées,
    et ils avaient même mis avec tous les papiers, des fusils ». Avec le flot d’événements qui accompagna ce
    mois de libération, avec la peur persistante de possibles attaques ou du retour des anciens occupants, les
    rumeurs se propagèrent rapidement et se déformèrent encore plus vite. Alors, si feu il y eu, ne serait-il pas
    plus vraisemblable d’y voir la destruction (par les Allemands ?), des papiers et du matériel s’y trouvant afin
    qu’ils ne puissent être utilisés ?
    A
    B
    Vue de la salle n°10 (A) avec son sol en tomettes
    et ses murs peints en blanc.
    Détail du recouvrement du sol (B).
    Coll. Archives Municipales des Sables-d’Olonne.
    Bibliographie.
    BOUCARD B. (2016) – Le Mur de l’Atlantique, Les Sables-d’Olonne fortifiés, Geste éditions, 126 p.
    BOUCARD B. (2006) – Inventaire des vestiges du Mur de l’Atlantique. Olonne- sur-Mer, les Sablesd’Olonne,
    le Château d’Olonne, Talmont-Saint-Hilaire, dossier déposé aux archives municipales des villes
    concernées et à la DRAC des Pays de la Loire, 169 p.
    CHAZETTE A. (1993) – Le Stützpunktgruppe des Sables-d’Olonne, 39-45 Magazine, n° 89, p. 44- 49.
    DEQUESNE R., RONNE H. (2004) – Le mur de l’Atlantique du Mont Saint Michel au Tréport. Editions
    Ouest France, Itinéraires de Découvertes, 128 p.
    DEVIERE S. (2005) – Le mur de l’atlantique, http://site.voila.fr/bunkers
    ROLF R. (1999) – Atlantic Wall Typology, Fortress Books, 351 p.
    Les Sables sous l’Occupation (1940-1944) – N° Hors Série 2017
    68
    L’Occupation allemande
    CES DRÔLES DE SOLDATS
    ALLEMANDS QUI PARLAIENT
    ANGLAIS : LA LÉGION HINDOUE EN
    VENDÉE EN 1943
    Par Alberto Mallassagne
    et Benoît Boucard
    1940 – 1944
    Pendant la Seconde Guerre mondiale, notre littoral a
    reçu de nombreux réfugiés et combattants venus parfois de
    très loin… Près de 70 ans plus tard, qui se souvient de ces
    gens venus d’ailleurs ?
    Qui a en mémoire les soldats hindous qui gardaient le
    Mur de l’Atlantique ? En mai dernier, le Journal des Sables
    a posé la question à ses lecteurs.
    De nombreux témoignages nous alors sont parvenus
    confirmant cette présence surprenante67, pour ne pas dire
    incongrue sur nos côtes.
    Ci-contre : article du Journal des Sables du 16
    septembre 1943. Coll. Archives municipales des Sablesd’Olonne.
    Nous tenons à remercier tout particulièrement les
    fidèles lecteurs qui ont répondu à notre appel ainsi que le
    Journal des Sables et le Service des Archives municipales
    des Sables-d’Olonne, qui ont assumé la collecte des
    témoignages.
    TÉMOIGNAGES
    Monsieur Fribaud habitait rue de l’Amidonnerie. Il a vu des Hindous sur les quais.
    Madame Daniau, qui avait 14 ans à l’époque, se rappelle que sa maman lui avait dit avoir remarqué
    à la gare des Hindous dans un wagon.
    Monsieur Daniau avait 17 ans en 1943. Il les a vus sur les quais de la gare et dans la rue. Certains
    portaient un turban…
    Madame Marie-Thérèse Ravon les a aperçus sur la route à l’entrée de Talmont. Elle se rappelle
    leurs visages basanés qui faisaient taches parmi les faciès germaniques.
    Madame Alzine Brossard habitait la Ferme du Pas du Bois. Une nuit, trois Hindous et un Allemand
    en patrouille, après avoir frappé sans succès à la porte, sont entrés dans la chambre de sa grandmère
    qui, effrayée, appelle son gendre : Louis! Louis..! Louis se lève et intervient. Après
    explications avec le soldat allemand (facilitées par le fait que prisonnier trois ans en Allemagne
    pendant la guerre 14-18, il avait appris leur langue), il a reconduit la patrouille à l’extérieur…
    67._ Pierre Gilbert, de Jard sur Mer, nous a précisé en outre que parmi les Hindous, il y avait 10 à 15 marocains, logés
    dans une maison réquisitionnée du Centre bourg.
    Les Sables sous l’Occupation (1940-1944) – N° Hors Série 2017
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    Monsieur Philippe Berinstain avait quitté Paris à l’exode et habitait la
    petite maison Ker Saint Luc, Promenade Georges Godet. Un jour en ville,
    face à ces Hindous parlant anglais, il les a abordés et s’en est fait des
    relations qui lui donnaient des cours dans la langue de Shakespeare chez
    un ami du Cours Blossac. « Ils étaient basés à Longeville. Ils venaient par
    le tramway. Vêtus de kaki, façon Armée anglaise. Ils portaient un turban.
    Leurs bottes étaient mixtes (toile et cuir). Sur le haut de leur manche
    droite était cousu un écusson jaune, blanc et vert avec un tigre bondissant
    portant l’inscription « FREIES INDIEN » (Inde Libre). C’étaient d’exprisonniers
    de guerre. On les sentait contraints, certainement pas
    fanatiques… ». Coll. Particulière.
    Monsieur Charles Chauvière avait 14 ans. Il habitait la Pironnière. « Une dizaine d’Hindous
    gardaient les blockhaus entourés de barbelés près de Nina d’Asty. Ils portaient des uniformes kaki.
    Les habitantes de la Pironnière, quand elles allaient faire leurs courses, avaient peur de passer
    devant ces soldats étranges qu’elles appelaient « les Sauvages »68 ».
    Madame Boisliveau avait 5 ans. Elle était, avec son frère, réfugiée à Jard chez son Grand-père,
    Monsieur Marchand, garde-forestier qui habitait au Moulin de Conchette, rue de l’Océan, au bord
    de la mer, dans la zone interdite « Achtung Minen ». Son frère et elle jouaient sur la plage où se
    promenaient régulièrement les soldats allemands et hindous. (Ils apparaissent tous deux en photo
    pages 220 et 221 de l’intéressant ouvrage « Jard Autrefois » de Michel Chusseau et Pierre Gilbert).
    Toujours à Jard s/Mer, Madame Andrée Mornet avait 20 ans. Jeune et belle, elle avait peur des
    soldats et en particulier des Hindous. Quant à Madame Gilberte Bioget, comme toutes ses amies,
    elle se méfiait de ces soldats qui la dévoraient des yeux (sa mère épicière avait dû se défendre, dans
    sa boutique, d’un Hindou très entreprenant; ce qui l’avait amenée à porter plainte auprès du maire de
    l’époque, Monsieur Alphonse Dorie).
    Après les bombardements de Nantes, les parents de Thierry Duperray ayant tout perdu, s’étaient
    réfugiés aux Sables-d’Olonne. Parmi les souvenirs transmis à leurs enfants, ils leur ont raconté
    qu’ils voyaient des soldats hindous portant l’uniforme allemand avec turban sur la côte de
    Bourgenay et dans les bois du Veillon, lorsqu’ils rendaient visite à des membres de leur famille
    habitant dans ce secteur.
    Monsieur Renaud, à La Chaume, a passé son enfance à Talmont. Il a 12 ans en 1943. Éveillé,
    curieux, il a vite fait leur connaissance. Contre des cigarettes et l’enseignement de mots d’anglais, il
    fait leurs commissions. Il se souvient des mandarines et des dattes (fruits merveilleux et rares à
    l’époque) qu’ils lui faisaient acheter… « À Talmont, il y avait beaucoup d’Allemands, des chevaux et
    quelques Hindous, une cinquantaine pas plus. Ils ne sont pas restés très longtemps… Tous logeaient
    dans des locaux réquisitionnés. Ils paradaient sur la place du Champs de Foire… »
    Monsieur Ariste Forge, Bourgenay, avait 19 ans en 1943. Il a vu des Hindous à Talmont, à Avrillé,
    mais jamais aux Sables. « Ils passaient seuls, rarement en groupes. Ils ne fraternisaient pas avec les
    Allemands. La communication était impossible, ils ne parlaient ni Français ni Allemand. Un jour
    l’un d’eux, me montrant une étoffe, m‘ a posé une question : je n’ai pas pu lui répondre… Ils faisaient
    peur, surtout aux femmes. Une nuit, à Bourgenay, ils ont tué la jument à Magois. Au Hameau « Les
    Eaux », pendant la saison froide, un Hindou s’invitait, lui et son fusil, chez Abel Roux et restait
    assis tout l’après-midi devant le feu de cheminée… À Talmont, un cultivateur était sorti d’un bistrot
    pour uriner et avait montré son sexe à des Hindous qui passaient. Quel affront! Ils l’ont poursuivi
    dans le bistrot en vociférant. Heureusement, il a pu s’enfuir par derrière, dans les jardins… »
    Monsieur Jean-Yves Perroy, natif de Talmont, avait 8 ans à l’époque : « Il y avait une trentaine
    d’Hindous logés dans le café PMU de Solange Raclet. C’était la période des vendanges. Mon grandpère
    maternel, Émile Viaud, ancien forgeron, pressait les raisins « Rayons d’Or » de sa vigne (qui
    68._ Dans l’armée allemande, il y avait aussi des Polonais au Château-d’Olonne, des Russes à Grosbreuil. Au début de
    l’Occupation, des prisonniers marocains basés au Château-d’Olonne ont travaillé à la réfection des routes.
    Les Sables sous l’Occupation (1940-1944) – N° Hors Série 2017
    70
    produisait 5 à 6 barriques de vin blanc par an). Des Hindous passant dans la venelle ont goûté le
    moût qui coulait dans la baille… Le lendemain, ils ont refusé l’invitation en se frottant le ventre de
    façon expressive : ils venaient d’expérimenter les vertus laxatives du moût talmondais. « Oh! My
    God..! »
    Monsieur Reich, à La Chaume, a retrouvé leur itinéraire dans « Noirmoutier sous l’Occupation
    allemande » d’Alain Chazette : en septembre 1943, le bataillon II/IR 950 de la Légion Inde Libre, a
    été affecté à la surveillance des côtes vendéennes sous commandement du Hauptman Schonian,
    basé à Longeville. Cette légion étrangère est passée en août 44, de la Wehrmacht sous le contrôle
    de la Waffen SS, basée à Lacanau.
    Soldats hindous devant l’hôtel de M. Marcel Bocquier à Saint-Vincent-sur-Jard, fin 1943.
    Coll. Mme Léonne Bocquier. Photographie aimablement transmise par M. Pierre Gilbert
    et précédemment publiée dans son livre « Jard Autrefois ».
    ORIGINE DE LA LÉGION HINDOUE
    Des soldats hindous (sens large utilisé ici et dans les documents consultés pour désigner l’ensemble
    des militaires originaires de l’Inde et combattant en Europe de l’Ouest au cours de la Seconde Guerre
    mondiale), donc étrangers et surtout non Européens, dans les rangs allemands ! Cela à de quoi surprendre et
    pourtant, leur présence peut-être expliquée et comprise dans le contexte politique de l’époque. L’histoire
    militaire de ces hommes commence en 1939 mais trouve ses origines quelques années plus tôt. Voici un
    rapide résumé de leur parcours.
    Subhas Chandra Bose est un indépendantiste indien qui s’oppose dès 1928-1929 au plan Nehru qui
    prévoyait la création d’une fédération indienne partagée entre les Britanniques et les princes. Cette
    fédération serait placée sous l’autorité d’un gouvernement central et jouirait du même statut que les
    dominions blancs de l’Empire. Mais pour lui, seule compte l’indépendance pure et simple. Il s’oppose ainsi
    dès cette époque à Gandhi, notamment sur les méthodes utilisées pour obtenir cette indépendance : Gandhi
    prône la non-violence, la moralité et la désobéissance ; lui est impatient et veut aller beaucoup plus vite,
    quitte à rechercher et à utiliser des méthodes plus radicales.
    Le déclenchement du second conflit mondial va lui offrir des possibilités pour tenter d’arriver à ses
    fins. L’armée indienne prend alors part aux combats aux côtés des Anglais. Ses soldats sont ainsi envoyés
    sur divers champs de bataille : Égypte, Érythrée… où ils affrontent les Italiens. Mais lutter contre les
    Les Sables sous l’Occupation (1940-1944) – N° Hors Série 2017
    71
    Italiens, donc contre l’allié allemand, c’est aider les Anglais, ce qui revient à compromettre ou à retarder
    l’indépendance de l’Inde.
    Subhas Chandra Bose, juriste de Calcutta, ex-président de l’Indian National Congress, contrairement
    à Gandhi, ne récusait pas la violence et voyait dans cette guerre anglo-allemande l’opportunité de faire
    avancer l’indépendance de l’Inde, conformément à l’adage « l’ennemi de mon ennemi est mon ami ». Les
    Allemands avaient rapidement exploité les sentiments anti-britanniques des prisonniers indiens ayant servi
    dans les forces du Commonwealth.
    Le 17 janvier 1941, Bose échappe à la surveillance anglaise. Quittant Calcutta, il passe en Allemagne
    via Peshawar, Kaboul, Moscou, Berlin avec l’aide du NKVD et de l’Abwehr (contre- espionnage allemand).
    Là, nommé chef du gouvernement indien en exil par Hitler, il organise des émissions radio de propagande
    pro-allemande.
    En avril 1941, pour retourner la 3ème brigade motorisée indienne capturée en Libye par l’Afrika
    Korps, on créa un camp de 10 000 places à Annaburg que Bose visita et soumit à une intense propagande en
    faveur de l’engagement des prisonniers dans la « Légion Inde Libre » (dite Légion du Tigre). 6 000
    prisonniers furent transférés à Frankenburg, où ils reçurent un entraînement militaire.
    Parmi eux, 300 volontaires furent envoyés à Kunigsbruck près de
    Dresde pour constituer le noyau dur de cette nouvelle légion de l’armée
    allemande. Leur uniforme comportait une tenue gris-vert pour l’hiver, une
    tenue kaki pour l’été. Les Sikhs avaient la permission de porter,
    conformément aux impératifs de leur religion, un turban de couleur assortie
    à la tenue. Ils portaient sur le bras droit un écusson présentant trois bandes
    (jaune, blanc, vert) avec un tigre bondissant sur la bande blanche. En
    surimpression, en noir sur fond blanc, la légende « Freies Indien » (Inde
    Libre).
    Ci-contre : soldat hindou. Coll. Particulière.
    Le 26 août 1942 eut lieu une cérémonie d’allégeance. En un an, l’effectif de cette nouvelle légion fut
    porté à 2 000 hommes ( dont certains étaient loin d’être des volontaires…)
    Organisée à l’allemande, la Légion Indienne 950 IR, comportait 3 bataillons de chacun 4 compagnies
    partiellement motorisées (équipées de 80 véhicules et 700 chevaux) ainsi que 3 compagnies d’appui
    ( artillerie de campagne, anti-char, génie).
    Contrairement à la pratique anglaise, toute les unités indiennes étaient mixtes religieusement :
    Hindous, Musulmans, Sikhs, Jats, Rajputs, Marathas et Garhwalis servaient côte à côte. Le langage de
    commandement officiel était l’hindi, mais comme beaucoup de soldats étaient originaires de régions du
    Sous-Continent où cette langue n’était pas pratiquée, la communication se faisait en anglais. De plus,
    l’ignorance allemande des coutumes et de la culture indienne ajoutée aux difficultés de communication, a
    entraîné, durant toute son existence, un bas niveau de discipline (à titre d’exemple, le sous-officier indien
    activiste, Mohammed Ibrahim, abattu par ses hommes…).
    Au printemps 1943, la légion indienne est affectée à la surveillance des côtes hollandaises, (étant
    entendu que, pour des raisons de santé, les troupes indiennes ne seraient pas exposées au dur climat hivernal
    de la Mer du Nord et seraient transférées dans le Sud-Ouest de la France).
    Le Bataillon II/IR 950 qui était arrivé le 21 mai à Den Helder, affecté à la défense de l’ile frisonne de
    Texel, part le 17 septembre 1943 en direction des Sables-d’Olonne.
    Janvier 1943, la 158ème Reserve-Division allemande, après avoir connu de multiples changements
    d’affectation depuis sa création en novembre 1939, se positionne dans les départements de la Charente, des
    Deux-Sèvres et de la Vendée. Commandée au cours de sa période d’occupation de notre région par le
    Generalleutnant Ernst Haeckel, elle reste sur place jusqu’à l’été 1944. Elle a pour mission de contrôler et de
    défendre le littoral compris entre Pornic et la rivière la Seudre en Charente-Maritime. Pendant ses deux
    années de présence, l’activité de ses soldats alterne entre périodes de surveillance, d’exercices militaires et
    moments de détente, la région étant relativement calme en comparaison avec d’autres secteurs. Les unités
    de la 158ème Reserve-Division se répartissent ainsi dans la zone qui leur est impartie et, au sein de leur
    secteur, changent régulièrement de position au cours de rotations. C’est lors d’une de ses rotations
    qu’apparaît à l’automne 1943, sur le rivage vendéen, le II/Ind 950 : le régiment Inde Libre 950. Sous les
    Les Sables sous l’Occupation (1940-1944) – N° Hors Série 2017
    72
    ordres de l’Hauptmann Schonian, les cinq compagnies des 2ème et 3ème bataillons de ce régiment sont
    réparties entre la Tranche-sur-Mer et Saint-Jean d’Orbestier au Château-d’Olonne.
    Ces soldats, pas toujours bien vus par les états-majors allemands, sont cantonnés à des tâches
    secondaires et, comme ici, positionnés le long d’une côte peu peuplée et sans grandes agglomérations. Bien
    qu’utiles pour compenser la faiblesse numérique allemande, leur mise à l’écart est due au fait qu’ils sont
    peu combatifs et surtout parce qu’il s’agit d’étrangers, ce qui ne va pas dans le sens de l’idéologie nazie.
    Malgré ce dernier point, ils portent l’uniforme allemand, ce qui n’est pas toujours, comme nous le verrons,
    bien apprécié.
    Le 8 août 1944, la « Légion Inde Libre » qui était déployée sur la côte Atlantique, forte alors de 2 300
    hommes, passe (comme toutes les légions étrangères de l’armée allemande) sous les ordres de la Waffen-SS,
    basée à Lacanau (Gironde).
    La Waffen SS est une troupe d’élite à l’effectif limité qui n’accueille, jusqu’en 1942, que des
    volontaires, principalement allemands, présentant des conditions morales et physiques précises. Mais à
    partir de 1942, après la défaite de Stalingrad et la baisse du nombre de soldats « types » due aux pertes, la
    Waffen SS connaît une double évolution. La première est l’augmentation de son effectif qui est multiplié
    par deux tous les ans et la seconde, l’accroissement important d’étrangers (jusqu’à 300 000) dans ses rangs.
    Se retrouvent ainsi sous l’uniforme de l’élite de l’armée allemande des Scandinaves, des Français, des
    Belges, des Ukrainiens, des Roumains, des Russes… et quelques milliers d’Hindous. Au total, en 1944,
    c’est une vingtaine de nations qui sont représentées dans ses rangs. Pour preuve de cet apport important de
    soldats étrangers, notons qu’en 1943, sur trente-huit grandes unités SS, une quinzaine seulement sont
    composées majoritairement d’Allemands.
    L’apport de ces troupes comme aide à l’armée allemande n’est pas toujours efficace car leur
    combativité, notamment pour celles venant des pays de l’Est, est faible. Pour ce qui est des soldats hindous,
    leur apport militaire, surtout lors des combats, est insignifiant et leur présence entraîne même la colère d’
    Hitler qui ne s’est jamais montré favorable à la présence d’étranger dans la Waffen SS : « La légion
    hindoue est une fumisterie ! Il y a des Hindous qui ne tueraient pas un pou, ils se laisseraient plutôt
    dévorer. Ceux-là n’iront pas non plus, à plus forte raison, tuer des Anglais. Aller les mettre justement face
    à des Anglais, je tiens ça pour une mauvaise plaisanterie. Je crois que si l’on employait des Hindous pour
    tourner des moulins à prière ou quelques autres besognes de ce genre, ce seraient les soldats les plus
    infatigables du monde. Mais les engager dans une véritable et sanglante bataille, c’est ridicule. (…) ».
    Deux mois après de débarquement en Normandie et en prévision d’un débarquement allié en
    Méditerranée, afin d’éviter le risque d’encerclement, la légion quitta Lacanau le 15 août 1944 pour rejoindre
    l’Allemagne par fer. À Poitiers, leur convoi attaqué par les FFI, compte de nombreux blessés. Le maquis
    continue ensuite de les harceler sur les routes jusqu’à l’Allier. Début septembre ils atteignent Dun-sur-Auron
    dans le Berry où ils sont opposés aux forces françaises régulières. Au cours des combats de rue, ils
    enregistrent leurs premières pertes (Le lieutenant Ali khan fut enterré avec les honneurs militaires dans le
    cimetière de Sancoins). Marchant de nuit, se faisant régulièrement accrocher (mort des sous-officiers Kalu
    Ram et Mela Ram), passant par Luzy, ils franchissent la Loire. Après un bref engagement avec les forces
    alliées à Nuits-Saint-Georges, ils arrivent à Dijon; puis passent par Remiremont et Colmar pour rejoindre
    Haguenau où ils séjournent à Noël. De là, ils passent en Allemagne dans le froid hivernal et se fixent à
    Heuberg jusqu’en mars 1945. La défaite du Reich étant imminente, ils essaient de fuir en Suisse en passant
    par le lac de Constance. Sans succès. Ils sont capturés par les forces américaines et françaises, puis confiés
    aux autorités anglaises. Par la suite, renvoyés en Inde, ils furent traités avec clémence, compte-tenu de
    l’imminente indépendance et de la forte demande d’hommes d’expérience dans un Sous- Continent agité par
    l’approche de la décolonisation.
    Cette décolonisation, leur leader Subhas Chandra Bose, ne l’a pas connue. Il est mort le 18 août 1945
    à Taïpei, Formose ( aujourd’hui Taïwan) dans le crash du bombardier qui devait, avant la reddition
    japonaise, le conduire en Mandchourie.
    En effet, il avait été envoyé en Extrême-Orient en février 1943 comme chef du gouvernement
    provisoire de l’Inde Libre et avait rapidement, à la tête d’une armée de trois divisions sponsorisée par les
    Japonais, engagé la lutte contre la 14ème Armée britannique en Birmanie, au nord-est de l’Inde… Pendant
    Les Sables sous l’Occupation (1940-1944) – N° Hors Série 2017
    73
    plusieurs années, la rumeur a couru selon laquelle Bose était vivant et travaillait pour les communistes
    chinois…?
    On a dit aussi que les Allemands et agents de l’Abwehr II, encadrant l’Armée Indienne Libre, auraient
    rejoint la Légion Étrangère Française à Saïgon (à cette époque, capitale de l‘ Indochine française)…?
    Précisons qu’afin d’éviter la confusion entre Indien et Amérindien, nous avons délibérément employé
    le terme, il est vrai incorrect, mais immédiatement identifiant, d’Hindou. Nous remercions Monsieur Gérard
    Herbelet de l’avoir signalé au Journal des Sables, en apportant de surcroît, d’intéressantes précisions.
    Pour conclure ce retour en arrière sur une sombre période de notre histoire, gageons que les
    survivants, partis de si loin pour accomplir, souvent malgré eux, ce long voyage guerrier (Inde, Afrique du
    Nord, Allemagne, Hollande, France, Allemagne, Angleterre, Inde) auront, dans leurs souvenirs, gardé une
    préférence pour nos plages de l’Atlantique.
    Bibliographie
    BROTHE E., CHAZETTE A. et al. (1997) – Charente Maritime, Vendée, 1939-1945. Éditions Patrimoines
    et Médias, 248 p.
    CHUSSEAU M., GILBERT P., Jard Autrefois.
    COLLECTIF (1990) – Chronique de la Seconde Guerre Mondiale, Éditions Chronique, 792 p.
    DOBSON C., LAPEYRE J. (2004) – Gandhi, Éditions Chronique, collection Chronique de l’Histoire, 128
    p.MASSON P. (1968) – Qui étaient les SS, Historia Magazine Deuxième Guerre Mondiale, n° 24, p. 664 –
    672.
    MASSON P. (1994) – Histoire de l’armée allemande. 1939 – 1945, Éditions Perrin, 556 p.
    MORINEAU F., Le Pays de Jard.
    Sites internet
    Monsieur Bruno Bonhomme, en surfant sur Internet, a découvert l’historique de la « Légion Inde Libre » sur
    le site en anglais :
    Indian Volunteers in the German Wehrmacht : http://www.feldgrau.com/azadhind.html
    Indische Legion : http://en.wikipedia.org/wiki/Indische_Legion
    Les Sables sous l’Occupation (1940-1944) – N° Hors Série 2017
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    L’Occupation allemande
    AOÛT 1944,
    L’ÉTÉ DE LA LIBÉRATION
    Par Anton Lavigne
    1940 – 1944
    Au matin du 28 août 1944, la ville des Sables recouvre la liberté après plus de 50 mois d’Occupation.
    En effet, dans la nuit, les troupes allemandes ont quitté la cité sablaise non sans avoir opéré de nombreuses
    destructions. 60 ans après, ces instants d’angoisse et de soulagement sont toujours gravés dans la mémoire
    de nombreux Sablais et Chaumois.
    Cet article reprend l’ensemble de l’exposition « Août 1944, l’Été de la Libération » réalisée par le
    service des Archives municipales des Sables-d’Olonne.
    En ce mois d’août, la ville compte près de 3.000 soldats allemands (dont 400 à 500 marins) sur les
    30.000 stationnés en Vendée. Depuis le 6 juin, la présence de l’Occupant se fait de plus en plus pesante.
    Ainsi, la Feldkommandantur 505 ordonne aux habitants de ne pas s’aventurer au delà des lignes de défense.
    Les troupes ont ordre de faire usage de leurs armes à feu en cas de désobéissance.
    Quelques faits divers émaillent la vie sablaise. Un vol d’essence à bord des bateaux de pêche a été
    déclaré. Après enquête, la police arrête quatre jeunes gens âgés de 16 à 22 ans qui reconnaissent les faits.
    Mais la guerre n’est jamais très loin. Le 6 août, en fin d’après-midi, le SG3, escorteur rapide allemand
    est coulé en rade des Sables par l’aviation alliée69. Les cadavres carbonisés des marins allemands viennent
    s’échouer sur la grande plage.
    Vue du SG3 en feu.
    Coll. Archives municipales des Sables-d’Olonne.
    69 Alain LEBERRE, Combats navals sur les côtes de Vendée, éditions de l’Étrave, p. 15.
    Les Sables sous l’Occupation (1940-1944) – N° Hors Série 2017
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    Mais pour les Sablais, la question de la pêche est plus importante. Le premier thon de la saison est
    enfin annoncé aux Sables. C’est le bateau Le Père Béthus, patron Briqueville de La Chaume, qui a ramené
    au port 150 à 160 thons pêchés sur le plateau de Rochebonne.
    Les informations générales apprennent aux Sablais qu’un débarquement de troupes anglo-américaines
    aurait été effectué le 15 août sur les côtes de la Méditerranée, entre Marseille et Nice. La tension monte
    alors d’un cran. Dans le même temps, la Kommandantur ordonne un nouveau couvre-feu à partir du 15
    août, de 21 h 30 à 5 h 30. La fermeture des établissements publics est exigée à 21 heures. Les personnes
    rencontrées sur la voie publique pendant les heures d’interdiction sont mises d’office en état d’arrestation.
    Soldats allemands photographiés « à la sauvette » (rue Nationale ?) en août 1944.
    Phot. Jacques Boisard. Coll. Archives municipales des Sables-d’Olonne.
    Quelques jours après, le 20 août, quatre
    avions canadiens, type Beaufighter, coulent
    deux dragueurs de mines allemands, les
    chalutiers Jean-Marthe et August Bösch, à
    l’entrée du port70.
    Depuis le début du mois, des actes de
    résistance et de sabotage se multiplient dans le
    département. La circulation hors de la ville
    devient de plus en plus difficile.
    Les autorités d’Occupation se font dès lors
    très menaçantes à l’encontre des « terroristes ».
    Mais la vie poursuit son cours. Les Tigres
    Vendéens organisent leur premier concours
    bouliste à Bel Air. Au terme de rencontres
    acharnées, l’équipe Laurens de Bel Air bat en
    finale l’équipe Guibert de la Rudelière par 18
    points à 11.
    La question du rationnement est toujours
    préoccupante. Le maire invite ses concitoyens à
    conserver leur feuille de tickets de pommes de
    terre, en vue d’une distribution de denrées au
    cours du mois de septembre. Celle-ci aura lieu
    au début du mois aux endroits habituels.
    70 Alain LEBERRE, Combats navals sur les côtes de Vendée, éditions de l’Étrave, p. 24-25.
    Les Sables sous l’Occupation (1940-1944) – N° Hors Série 2017
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    Puis l’« Histoire » s’accélère. Les
    Allemands commencent à préparer leur
    départ. La tension atteint son paroxysme. Le
    22 août, des petits gestes de résistance,
    comme le jet de clous sur la voie publique,
    ont le don d’irriter l’Occupant. Le 23 août,
    deux jeunes gens ne doivent de garder la vie
    sauve qu’à la grande clémence du capitaine
    du port. Dans le même temps, les troupes
    allemandes minent les ouvrages défensifs du
    Remblai et les installations portuaires dans le
    but d’empêcher les Alliés de se servir des
    Sables comme base de débarquement.
    Et c’est au prix d’une longue et
    difficile négociation que le maire des Sables,
    M. Sapin, et l’ingénieur des Ponts-et-
    Chaussées, M. Renoleau, arrivent à
    convaincre le commandement allemand de
    l’inutilité de faire sauter les quais et la tour
    du château de la Chaume.
    Le 27 août, le départ semble imminent.
    De nombreuses affiches fleurissent sur les
    murs, interdisant à la population de sortir de
    chez elle sous peine de mort.
    Tout le monde obéit, mais par précaution
    nombreux sont ceux qui vont se réfugier dans leur
    cave.
    En effet, Sablais et Chaumois vont vivre une nuit
    cauchemardesque à attendre la fin des explosions qui
    secouent la ville.
    Puis au petit matin, c’est la stupeur en découvrant
    une cité désertée par l’Occupant, mais en partie
    dévastée. Les quais se remplissent peu à peu et les
    commentaires vont bon train, mais personne n’ose
    croire vraiment au départ des Allemands.
    Certains réagissent plus vite que d’autres.
    Comme le relate le Journal des Sables, passé l’instant
    de surprise et de soulagement, quelques-uns n’hésitent
    pas à s’introduire dans les maisons vides et les
    immeubles jadis occupés par les Allemands : « Les
    pillards ont commencé leur sinistre travail avant le
    jour. Les maisons abandonnées, les hôtels, les écoles
    reçurent leur visite écoeurante »71.
    C’est pourquoi le maire décide de prendre aussitôt des mesures énergiques pour tenter de rétablir
    l’ordre dans la ville. Il instaure un nouveau couvre-feu de 22 h 30 à 5 h 30, et pour lutter contre le pillage,
    interdit formellement de pénétrer dans les immeubles et blockhaus abandonnés par les troupes
    d’Occupation.
    71 Journal des Sables du 1er septembre 1944.
    Les Sables sous l’Occupation (1940-1944) – N° Hors Série 2017
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    Mais les exactions ne s’arrêtent pas là : « Des jeunes gens se transformèrent en garçons-coiffeurs. Ils
    punirent des jeunes filles pour la légèreté de leur conduite. Elles furent tondues et leurs belles boucles
    s’envolèrent au gré du vent. Certaines d’entre elles furent dévêtues et frappées ».
    Ci-contre : la « Une » du Journal des Sables du 1er septembre
  3. Coll. Archives municipales des Sables-d’Olonne.
    Voici les évènements tels qui sont racontés officiellement par le Lieutenant Escalier72, chargé de
    l’historique des F.F.I. de Vendée : « Les Allemands sont signalés dans toute la région. Les troupes des
    Sables-d’Olonne ont évacué la ville dans la nuit après avoir opéré les destructions des installations
    portuaires. La petite jetée est détruite, le bassin à flot est rendu inutilisable, les quais sont écroulés, l’entrée
    du port est interdite par des chalutiers coulés bas. Toute la nuit les explosions se succèdent. Tous les
    ouvrages défensifs du Remblai et de la côte ont sauté.
    La ville n’a pas souffert et le matin la population toute entière se porte sur la côte. Les Sablais sont
    calmes et ne peuvent croire qu’ils sont enfin libérés de la tyrannie des quatre années d’occupation.
    Les Sables-d’Olonne sont donc libérés. C’est la première ville en Vendée. Cette libération s’est
    opérée par anticipation et sans l’accord des F.F.I. L’allégresse de la foule après le départ des Allemands
    fait que plusieurs mouvements se produisent au sein des groupements de résistance.
    Les drapeaux surgissent d’abord aux fenêtres des maisons particulières, ensuite aux frontons des
    édifices publics…
    La foule conspue les collaborateurs, quelques filles de mauvaise tenue sont tondues ».
    Après cette première journée de « liberté », le contrôle et la défense de la ville s’organisent : « Le 29,
    le groupe F.F.I. de la ville est obligé de faire la police de la ville. Le lieutenant Aigreault (Airiau), chef
    militaire du groupe « Libération » et les chefs des autres groupes font l’unanimité pour désigner un
    commandant des F.F.I. de la place des Sables-d’Olonne. Le choix s’arrête sur la personne du capitaine
    L’Hélias.
    Le corps franc du R.1. sous le commandement du capitaine Bouhier part pour renforcer les troupes
    F.F.I. de la ville des Sables-d’Olonne »73.
    72 Organisation et opérations des Forces Françaises de l’Intérieur en Vendée, novembre 1944, compte-rendu du 28 août.
    73 Organisation et opérations des Forces Françaises de l’Intérieur en Vendée, novembre 1944, compte-rendu du 29 août.
    Les Sables sous l’Occupation (1940-1944) – N° Hors Série 2017
    78
    Le commandant Camille Aigreault et le Commandant Louis L’Hélias.
    Coll. Lieutenant Escalier.
    L’inquiétude et la peur à nouveau « lorsqu’un side-car et une voiture allemande passent sur le
    Remblai et s’arrêtent à l’hôtel Bellevue, nez-à-nez avec des F.F.I. Ils échangent deux mots et les Allemands
    repartent. La rumeur se répand comme une traînée de poudre : les Allemands reviennent ! »74.
    « La journée du 30 août est consacrée à l’organisation des F.F.I. des Sables-d’Olonne. Le corps
    franc de R.1. participant aux opérations de police est toujours dans la ville. La discipline et l’allant de ces
    hommes font l’admiration unanime de la population »75.
    Mais un événement déterminant va faire naître un réel espoir de libération définitive : c’est le
    premier contact établi avec les Alliés. En début d’après midi, deux bateaux de guerre, les contre-torpilleurs
    anglais HMS Albrington et polonais ORP Blyskawica viennent jeter l’ancre en rade des Sables sur
    l’invitation du Comité de Libération. L’arrivée de ces marins déclenche des scènes d’enthousiasme
    incroyables dans la ville, comme nous l’indique le lieutenant Escalier : « Des croiseurs anglais arrivent en
    rade. Les officiers débarquent. Une foule délirante les accueille. Journée inoubliable pour la population
    sablaise ».
    74 Souvenirs d’Édouard Anger, Ouest-France du 27-28 août 1994.
    75 Organisation et opérations des Forces Françaises de l’Intérieur en Vendée, novembre 1944, compte-rendu du 30 août.
    Les Sables sous l’Occupation (1940-1944) – N° Hors Série 2017
    79
    Enfants sur le quai de La Chaume.
    Phot. R. Duvail. Coll. Famille Duvail.
    Ci-dessous : la foule enthousiaste accueille les cinq
    officiers anglais.
    Phot. J. Boisard. Coll. Archives municipales des Sablesd’Olonne
    Les Sables sous l’Occupation (1940-1944) – N° Hors Série 2017
    80
    Ci-contre et ci-dessus : la réception des officiers
    anglais à la mairie.
    Phot. R. Duvail. Coll. Famille Duvail.
    Le même jour, que le préfet Gaston Jamet décide de se présenter spontanément au Comité de
    Libération pour se mettre à la disposition de la Résistance. Accusé de collaboration76, il est immédiatement
    arrêté et échappe de justesse à l’exécution. Finalement, il est mis en détention à l’hôtel « Majestic ».
    Mais dans le même temps, la crainte de voir le retour des Allemands n’est pas écartée, et ce, à juste
    titre. En effet, c’est aux portes du Château-d’Olonne et de Talmont que vont se dérouler, les 30 et 31 août,
    de durs combats entre les F.F.I. et des convoi allemands77.
    « Ici France Libre ».
    Coll. Jean-Pierre Brunet.
    Pendant ce temps là, « Les F.F.I. continuent de s’organiser. Les arrestations faîtes en partie sous la
    pression de la population sont vérifiées et réduites. Les représailles qui commençaient à s’exercer contre
    les femmes coupables et les collaborateurs notoires, sont arrêtées afin de laisser aux pouvoirs légaux de
    justice le soin de les châtier »78.
    Passé ces deux journées héroïques, la vie tente de se réorganiser aux Sables. En premier lieu, la ville
    reçoit la visite des deux destroyers HMS Haïda et HMS Kelvin qui viennent mouiller aux Sables pour
    prendre contact avec la Résistance.
    76 Il sera finalement acquitté en 1945 par la Cour de justice de Poitiers. Cf. G. NOCQUET, La Vendée de l’Occupation à la
    Libération, Recherches Vendéennes n° 3, 1996, p. 126.
    77 Lire à ce sujet l’article de Yanice MICHAUD, « La bataille des portes », p. 94.
    78 Organisation et opérations des Forces Françaises de l’Intérieur en Vendée, novembre 1944, compte-rendu du 31 août.
    Les Sables sous l’Occupation (1940-1944) – N° Hors Série 2017
    81
    Mais le 3 septembre, l’alerte est une nouvelle fois donnée. En effet, la nouvelle se répand que la ville
    va être bombardée par les Allemands si les portes ne sont pas ouvertes. Le maire invite chacun de ses
    administrés à regagner son domicile ou l’abri le plus proche. Finalement, devant l’extrême détermination du
    commandant L’Hélias, les Allemands renoncent à mettre leurs menaces à exécution et le calme revient.
    Pendant ces moments sous très haute tension, un fait tragique est malheureusement à déplorer : un
    des FFI de garde fait tomber son fusil et se blesse mortellement…
    Enfin, le dimanche 10 septembre, le pavillon français flotte officiellement pour la première fois sur la
    ville délivrée. Cette manifestation symbolique a lieu à la caserne (actuelle abbaye Sainte-Croix) à 11 heures.
    Les habitants sont invités à pavoiser.
    L’arrivée des F.F.I. à la caserne.
    Phot. R. Duvail. Coll. Famille Duvail.
    La levée des trois couleurs.
    Coll. Lieutenant Escalier.
    Depuis le 1er septembre, conscients de l’importance
    du port des Sables, les navires alliés apportent
    régulièrement armes, munitions et vivres pour la
    Résistance. Mais c’est le 11 septembre qu’à lieu le plus gros
    débarquement, avec 45 tonnes de matériel de guerre qui
    sont transférées de L’Ashanti et du Lord Kelvin vers les
    Sables grâce à des bateaux de pêche réquisitionnés : les
    chalutiers Rosemonde, Arc-en-Ciel, Écaille, Malgré Tout,
    France-Breizh et Étoile du Marin vont ainsi acheminer les
    armes au port et les débarquer à l’ancienne poissonnerie
    quai Franqueville.
    Outre l’apport d’armes pour la Résistance, l’une des
    préoccupations majeures des autorités et des Sablais reste le
    ravitaillement en nourriture. Transfert d’armes à bord d’un chalutier
    sablais, septembre 1944.
    Les Sables sous l’Occupation (1940-1944) – N° Hors Série 2017
    82
    À cet effet, afin d’endiguer le « marché noir », l’approvisionnement familial, c’est à dire le troc entre
    la ville et la campagne, est interdit sur ordre du sous-préfet des Sables, M. Charollais.
    On procède également à la mise en place du « Comité de lutte contre le Marché noir », dont le siège
    est à la mairie. D’autre part, la ration de pain est augmentée à partir de la mi-septembre.
    Le dimanche 15, le bataillon de Protection des F.F.I. des Sables-d’Olonne, sous les ordres du
    lieutenant Cazes, dépose une couronne et deux gerbes au monument aux Morts à la mémoire de tous ceux
    qui sont tombés pour la France.
    Le 17 septembre, le département est
    officiellement libéré.
    Le 18, la levée de l’état d’exception de la place
    des Sables entre en vigueur.
    Si le retour des Allemands semble maintenant
    définitivement écarté, un autre danger, plus sournois,
    plane toujours sur la ville. Journaux et affiches
    interpellent la population sablaise : « Attention aux
    Mines ! Le dimanche, un nombre important de
    promeneurs se rendent à La Chaume afin de constater
    les dégâts occasionnés par les Allemands avant leur
    départ. Ils traversent sans le savoir et, faisant fi des
    pancartes les prévenant du danger encouru, des
    champs de mines situés aux alentours du Sémaphore
    et du fort Saint-Nicolas »79.
    Parallèlement, la municipalité s’occupe
    activement de remettre en état les bâtiments publics et
    notamment les écoles : « La toilette des établissements
    occupés par les Allemands se poursuit rapidement.
    Nous avons visité l’école des garçons place
    de la Liberté. Placée sous les ordres de M.
    Penard, surveillant général des Travaux de la
    ville, une équipe d’hommes travaille à rendre des
    locaux impeccables pour la rentrée des classes ».
    À l’occasion de la fête de la Libération du
    département, la journée du 21 septembre est
    déclarée jour férié.
    Le lendemain a lieu un service funèbre à la
    mémoire d’Alcide Gabaret, jeune résistant mort à
    l’âge de 20 ans.
    L’épuration politique se met également en place. Par un arrêté du 12 septembre du Commissaire
    régional de la République, les membres du Conseil municipal des Sables-d’Olonne sont suspendus de leurs
    fonctions80. L’installation d’un nouveau Conseil municipal est effectif dès le 30 septembre81. M. Albert
    Léon Sapin est réintégré dans ses fonctions de Maire de la ville des Sables-d’Olonne. D’anciens conseillers
    retrouvent également leur place, aux côtés de nouveaux émanant de la Résistance, comme Mme Odette
    Roux, future maire des Sables, MM. Louis L’Hélias et l’abbé Fétiveau.
    79 Journal des Sables du 22 septembre 1944.
    80 G. Nocquet, La Vendée de l’Occupation à la Libération, Recherches Vendéennes n° 3, 1996, p. 127-128.
    81 Archives municipales des Sables-d’Olonne, Conseil municipal du 30 septembre 1944, D I 44.
    Les Sables sous l’Occupation (1940-1944) – N° Hors Série 2017
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    On procède également au grand « nettoyage » des anciens locaux occupés par les collaborateurs.
    Ainsi, tous les papiers trouvés dans les bureaux de « L’embauche du travail en Allemagne » (78 rue
    Nationale), de la L.V.F. (76 rue Nationale) et du magasin du « Centre d’informations » (place de l’Église et
    rue du Centre) ont été recueillis et mis sous scellés.
    Nombre de Sablais bravent les interdits : plusieurs accidents mortels se produisent dans les abris
    militaires et les champs de mines abandonnés.
    Le dimanche 1er octobre, la ville célèbre la Fête de la Libération, à l’image de celle qui s’est déroulée
    à La Roche-sur-Yon le 17 septembre. Le nouveau préfet de la Vendée, M. Léon Martin, vient aux Sables
    pour cette journée mémorable.
    « C’est au milieu d’une foule considérable et dans un enthousiasme indescriptible que s’est déroulée
    la Fête de la Libération.
    Au cimetière des Sables, les représentants du C.D.L. déposèrent des gerbes sur les tombes des
    canadiens et des Anglais tombés non loin des Sables, et sur la tombe de Jacques Petit, tué par les
    Allemands à Grosbreuil.
    Au cimetière de La Chaume, les autorités et la foule sont allées se recueillir sur la tombe de Fredo
    Roux, victime des Allemands et Alexandre Daviot tué en service commandé.
    Sur la tombe de Fredo Roux, des discours sont prononcés au nom du Parti Communiste, demandant
    le châtiment des traîtres et faisant appel à l’union de tous les bons Français.
    Une messe pour les morts de la guerre a lieu à Notre-Dame de Bon-Port. Cette messe fut dite par
    l’abbé Blaineau, aumônier des marins. Puis M. le chanoine Girardeau monta en chaire et exprima toute la
    joie des Sablais d’être libérés.
    À la sous-préfecture, le Préfet, M. Martin, fut accueilli par le discours de M. Charollais, Sous-Préfet.
    Le cortège se rendit ensuite à la porte Sud du Remblai où une foule nombreuse attendait le défilé des
    troupes impeccablement rangées au « garde à vous ».
    Défilés sur le quai de La Chaume et devant l’école des garçons des Sables.
    Les Sables sous l’Occupation (1940-1944) – N° Hors Série 2017
    84
    Les troupes F.F.I. passées en revue par les commandants L’Hélias, Genin et Des Roseaux,
    le lieutenant-colonel Germain, le préfet Martin et M. Joguet.
    Coll. Lieutenant Escalier.
    Défilé sur le Remblai.
    Phot. R. Duvail. Coll. Famille Duvail.
    L’envoi des couleurs eût lieu aux accents de
    la Marseillaise exécutée par l’Harmonie
    municipale. Puis se forma le cortège officiel.
    Derrière la musique venaient les FFI en ordre
    parfait, puis les familles des victimes de la
    Gestapo, les sociétés patriotiques, les délégations
    du parti S.F.I.O., du Parti Communiste, des
    syndicats, les Assistantes Nationales, les Scouts,
    les enfants des écoles publiques et privées et du
    Collège.
    Ensuite des gerbes furent déposées au pied
    du Monument aux Morts. Après la sonnerie aux
    Morts, le Commandant L’Hélias fit appel des
    victimes sablaises et chaumoises de la guerre et de
    la Gestapo.
    Les Sables sous l’Occupation (1940-1944) – N° Hors Série 2017
    85
    Phot. R. Duvail. Coll. Famille Duvail.
    Puis, dans la cour de la mairie où les FFI rendaient les honneurs, M. Sapin, entouré de ses adjoints,
    accueillit M. le Préfet et les personnalités officielles pour le vin d’honneur »82.
    Au mois d’octobre 1944, la guerre semble toujours présente dans les esprits. De nombreux F.F.I.
    s’engagent dans le 93e R.I. et partent pour les fronts de Pornic et de La Rochelle. De son côté, la
    municipalité s’inquiète de ces poches de résistance allemande et demande s’il ne serait pas possible de lui
    affecter à titre permanent un détachement F.F.I. au cas où elle serait attaquée par mer ou par terre.
    On procède au nettoyage de la ville en faisant enlever les rails posés par les Allemands.
    Les 9 et 20 octobre, le HMS Tanatside débarque des armes aux Sables.
    Les vacances se prolongent pour les collégiens. En effet, leur rentrée au 34 rue de l’Hôtel de ville est
    repoussée à la mi-octobre.
    Pendant ce temps, la guerre fait encore des victimes. Une femme est tuée par une mine en allant
    ramasser du bois à La Rudelière. Mais le pire reste à venir : le 31 octobre, cinq enfants sont tués en jouant
    avec un obus83. La communauté sablaise et chaumoise est en deuil. Tous les enfants des écoles vont défiler
    devant les cinq petits cercueils.
    Le samedi 25 novembre, les cloches de la ville sonnent à toute volée pendant 15 minutes pour fêter
    l’entrée des troupes françaises dans Strasbourg.
    Trois mois après la Libération des Sables, la fin de la guerre semble proche…
    82 La Vendée Libre, n° 7, 4 octobre 1944.
    83 Lire à ce sujet l’article de Pierre MENARD, « Cinq enfant tués en jouant avec un obus », p. 93.
    Les Sables sous l’Occupation (1940-1944) – N° Hors Série 2017
    86
    L’Occupation allemande
    LA LIBÉRATION DES SABLES
    VUE DU QUAI DE LA CHAUME
    Par Pierre Ménard
    1940-1944
    Le 3 septembre 1939, la douceur de la vie sablaise est troublée par le tocsin qui annonce la
    déclaration de la guerre. Depuis ce jour, une bande de jeunes chaumois d’âge scolaire (Blanchette, Elise,
    Marie, Albert, Bernard, Jack, Gégé, Marcel, Pierre et les autres), surveille, depuis le quai Georges V et la
    rue de l’Escalier, les allées et venues des Chaumois et des Sablais. Ils pleurent lors du départ de leur père
    pour la guerre.
    Ils voient d’abord arriver les réfugiés espagnols et ardennais. Puis, le 23 juin 1940, c’est au tour des
    troupes allemandes de faire leur entrée, et les navires de la Kriegsmarine viennent s’amarrer dans le port.
    Ils vivent au contact quotidien des soldats allemands qui patrouillent dans les rues, habillés en vert
    de gris sous un long imperméable noir et qui sont toujours armés de leur fusil, baïonnette et masque à gaz.
    Ils surveillent la construction des blockhaus par l’entreprise « Todt » et voient pousser les fameuses
    « asperges de Rommel » plantées sur la plage.
    Ils connaissent aussi bien les champs de mines du Sémaphore que les chants obligatoires
    « Maréchal nous voilà » et « France de demain ».
    Depuis le débarquement des Alliés en Normandie, le 6 juin 1944, la bande de copains attend de
    pied ferme les soldats américains qui devaient leur jeter des chewing-gums.
    La troupe d’occupation est devenue de plus en plus nerveuse. Les voitures et les camions militaires
    roulent de plus en plus vite dans la ville et ils nous font peur en passant en trombe sur le quai.
    De nombreux bateaux de guerre sont sortis du port, mais leur nombre diminue de plus en plus.
    Prenons comme exemple « La poule et ses poussins » : il s’agit d’une vingtaine de bateaux de pêche de
    Saint-Jean-de-Luz armés d’un canon, qui sortent du port derrière un navire de guerre. Notre amusement est
    de les compter au départ et au retour. Il en manque toujours quelques uns au retour. La dernière fois qu’ils
    sont sortis, il n’y en a plus que deux, et on ne les a jamais revus.
    Le soir, une partie de la bande, assise au bord du quai, pêche des doraux, en écoutant le bruit sourd
    des avions qui vont bombarder la base sous-marine de La Pallice en Charente-Maritime ; puis, le bruit des
    explosions de bombes et de nouveau le bruit des avions qui retournent en Angleterre.
    Quelques pinasses, après avoir fait signer leur carnet à l’appontement de la Kriegsmarine (face à
    l’hôtel « Majestic »), vont pêcher la sardine très nombreuse près de la côte. Lorsque la pêche est importante,
    ils déchargent leurs caisses sur le quai lorsque la mer est haute et à la cale « Basset » lorsqu’elle est basse.
    Les marins chargent leur pêche sur les charrettes et les emportent vers l’une des quinze conserveries, où
    avec l’aide des Bretonnes, ils emboîtent la sardine.
    Le matin du 6 août 1944, la bande apprend qu’un grand navire de guerre allemand est mouillé en
    rade, face à la plage, et qu’il a été touché au gouvernail lors d’un combat avec des navires alliés au large de
    l’Ile d’Yeu. Curieuse, la bande va jusqu’à la tour dite d’Arundel pour le voir. Le soir, après le souper, tous
    les copains et copines sont assis, comme d’habitude, sur la murette du quai pour prendre le frais, lorsqu’une
    énorme explosion les fait sursauter. Le bateau de guerre est en feu. Tous debout, ils voient les flammes et
    les explosions des munitions par-dessus la jetée des Sables. Quel beau feu d’artifice ! Rapidement toute la
    bande est rentrée chez elle car les véhicules allemands passent toutes sirènes hurlantes et les vedettes
    allemandes reviennent avec des blessés gravement brûlés et des morts. De ma chambre, à travers les
    persiennes, je vois les sauveteurs déposer sur le quai des civières avec des marins brûlés.
    Les Sables sous l’Occupation (1940-1944) – N° Hors Série 2017
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    À partir de ce jour, le quai a changé
    d’ambiance. Les soldats allemands sont anxieux car ils
    savent déjà qu’ils ont perdu la guerre. Sentant venir la
    libération, les enfants du quai attendent quant à eux
    toujours les troupes américaines. Entre temps, la
    bande s’est aperçue qu’il restait encore deux navires
    de guerre allemands dans le bassin. Le dimanche 20
    août 1944, en fin de soirée, toute la bande est sur le
    quai pour les voir sortir du bassin. Tous les marins
    allemands sont en tenue de combat avec casque et
    gilet de sauvetage. Ils sont tous à leur poste de combat,
    canons D.C.A. etc.
    Ci-contre : la jetée des Sables partiellement
    détruite. Coll. Olona.
    Dès qu’ils ont passé l’éperon des Sables, ils
    partent « en avant toutes » au maximum de leurs
    machines. Nous qui les regardons sortir, apercevons
    subitement, alors qu’ils arrivent en face du fort Saint-
    Nicolas, des avions alliés sortant de derrière la jetée,
    qui se mettent à attaquer les bateaux qui prennent feu
    et coulent à l’entrée du port. Depuis, le bassin est vide
    de navires de guerre.
    Les Allemands commencent à préparer leur départ. Du matin au soir, nous entendons des explosions
    sourdes. Nos parents nous disent que les Allemands détruisent leurs munitions dans les blockhaus de la
    côte.
    Le beau yacht bleu, réquisitionné par le chef de la Kriegsmarine, sort et rentre au port en laissant
    tomber à l’arrière des grenades dégoupillées pour récupérer les poissons qui remontent à la surface.
    Une partie des soldats est occupée à creuser des trous dans les quais autour de la porte du bassin, ainsi
    que dans ceux des Sables autour de l’éperon. Ils font de même dans la petite jetée (ces trous sont remplis
    d’explosifs la veille de leur départ).
    Le 27 août 1944 dans l’après-midi, les soldats font évacuer tous les occupants des maisons autour de
    la tour d’Arundel (une surface délimitée par le quai Georges V jusqu’à la rue de l’Escalier, la rue du
    Sémaphore et jusqu’au terrain d’Ombrée). Les Allemands ont rempli la tour d’explosifs, avec l’intention de
    la faire sauter pour boucher l’entrée du port.
    Les bateaux de pêche coulés dans le chenal.
    Coll. Paul Raguideau, La Chaume.
    Les Sables sous l’Occupation (1940-1944) – N° Hors Série 2017
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    Toute la bande est sur place et essaie de se faufiler pour voir tomber la tour. Puis, tout à coup, une
    voiture, avec à son bord un officier allemand, arrive des Sables. Elle parvient à se frayer un chemin dans la
    foule pour rejoindre la tour. Les Chaumois, eux, ne comprennent pas et s’attendent toujours à voir tomber le
    monument. Quelques minutes plus tard, l’ordre arrive d’annuler l’évacuation et tous les chaumois sont
    invités à retourner chez eux.
    A cette occasion, Sablais et Chaumois doivent remercier leur maire, M. Sapin, et l’ingénieur des
    Ponts et Chaussées Maritimes, M. Renolleau, qui ont réussi à démontrer à l’Occupant que la tour n’a aucun
    intérêt militaire et que sa démolition n’entraverait en rien la navigation dans le chenal.
    Un coup d’oeil vers le haut de la tour nous a cependant étonné : les Allemands démolissent à coups de
    masse tous leurs matériels installés au sommet et surtout un grand cadre grillagé.
    Dans l’après-midi, les Allemands décident de boucher l’entrée du port. Il existe déjà entre les deux
    jetées un barrage qui est fermé le soir et ouvert le matin. Les Allemands ont rajouté des bateaux de pêche
    qu’ils ont coulés dans la passe, avec un résultat peu probant.
    Au milieu d’après midi, les troupes d’occupation diffusent le message suivant : « Dès la tombée de la
    nuit, il est interdit de circuler dans toute la ville sous peine de mort. Toutes les portes donnant sur la rue
    devront rester ouvertes et toutes les bicyclettes doivent être mises dans la rue à la disposition des troupes
    d’occupation. Toutes les lumières devront être éteintes ».
    Avec ma mère, on transporte à la cave le peu de marchandises qu’il y a dans le magasin. Puis, après
    avoir barricadé la porte entre le magasin et la cuisine, nous sommes descendus à la cave avec des
    couvertures. Mais nous n’y restons pas longtemps. En effet, par un trou percé dans le mur, nous nous
    réfugions dans la cave de la famille de mon copain Albert, qui possède un plafond en béton armé,
    contrairement au nôtre qui est en bois. Là , les deux familles s’installent sur des couvertures.
    Puis c’est l’attente. L’écoute du moindre bruit au passage des voitures et des camions, les bruits de
    bottes et d’armes. Personne ne dort et les conversations sont des plus réduites. Dans le milieu de la nuit, les
    destructions commencent, d’abord au loin, puis de façon plus rapprochée. Le bruit devient de plus en plus
    fort. D’énormes explosions font vibrer la maison dans un bruit assourdissant, accompagnées par le
    sifflement des pierres qui passent au-dessus de la maison. Tout cela dure longtemps, puis le silence.
    Toujours anxieux d’entendre de nouvelles explosions, personne ne bouge, espérant que c’était la fin des
    destructions. Fatigués, quelques uns parviennent toutefois à s’endormir.
    Le lendemain matin (lundi 28 août), au lever du jour, le père d’Albert part dans son fournil faire le
    pain. Ma mère et moi revenons chez nous par le passage entre les deux caves. Nous ouvrons la porte de la
    cave donnant sur la cour et nous entrons dans la cuisine. N’entendant toujours pas de bruit, nous avançons
    dans le magasin dont la porte sur le quai est restée ouverte. Après avoir constaté qu’il n’y avait aucun dégât
    dans la maison, nous nous approchons du quai. Quel silence ! Un silence d’une grande pureté, aucun bruit,
    ni de cri d’oiseaux. C’est un silence comme je n’ai plus jamais entendu de ma vie. Petit à petit, les voisins
    commencent à arriver, toujours en silence. Quelqu’un crie « les Allemands sont partis ! » La joie devient
    alors plus intense en voyant le drapeau « Bleu, Blanc, Rouge » hissé au mât du service des Ponts et
    Chaussées.
    Les Sables sous l’Occupation (1940-1944) – N° Hors Série 2017
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    Petit à petit, les Chaumois arrivent en discutant
    sur les dégâts de leurs maisons. Nos voisins de
    derrière, les parents de Marcel, nous racontent qu’une
    grosse pierre de granit a traversé la toiture et le
    plafond, puis s’est arrêtée sur le plancher d’une des
    chambres. Les dégâts les plus importants sont ceux du
    port : les portes du bassin ont disparu et les quais qui
    l’entourent ne sont plus qu’un amas de pierres.
    La « Marie-salope » est couchée sur le côté. La
    jetée des Sables n’est elle aussi plus qu’une ruine.
    Mais, la tour d’Arundel est toujours debout.
    Les portes du bassin à flot détruites dans la nuit du 27 au 28 août 1944.
    Coll. Olona.
    Petit à petit, les Chaumois du « haut » viennent rejoindre les gens du quai pour voir les dégâts en
    évoquant, avec leurs voisins, la nuit qu’ils avaient tous passée. La grande constatation s’impose dans toutes
    les conversations : « les Allemands sont partis !, pourvu qu’ils ne reviennent pas ! ».
    La bande, petit à petit, se retrouve réunie. Tous ont les yeux rougis et tous sont abasourdis par le bruit
    des explosions de la nuit. La joie sur le quai est énorme.
    Dans la matinée, des voitures noires avec des inscriptions blanches « FFI » passent sur le quai. Leurs
    occupants se rendent à la tour d’Arundel où ils vont hisser un drapeau français au sommet.
    Dans l’après-midi, le quai est plutôt calme. Les Chaumois prennent des nouvelles de leurs parents et
    vont constater les dégâts des bâtiments de leurs familles.
    Le soir de la libération, tous les Chaumois descendent sur le quai. Ils veulent reprendre leurs
    habitudes de se promener et de s’asseoir sur le muret le long du port pour y rencontrer leurs copains et leur
    famille. Ce soir là, le quai est plein de monde et toute la bande de copains est présente. Des hommes et des
    femmes arrivent en hurlant et en poussant des charrettes, avec dedans des femmes aux cheveux rasés, au
    trois quarts déshabillées, et qui pleurent. Elles sont entourées par des hommes des femmes qui les insultent.
    Ma mère, devant ce spectacle, m’a rapidement récupéré et envoyé au lit.
    Les Sables sous l’Occupation (1940-1944) – N° Hors Série 2017
    90
    Les « Docks de l’Ouest » sur le quai de La Chaume, en 1936.
    Le patron M. Ménard, son épouse et son père M. Barbereau.
    Coll. Pierre Ménard.
    Le mardi 29 août 1944, la vie a
    repris petit à petit son cours. Le barrage qui
    ferme l’entrée du port est à nouveau ouvert
    afin de permettre aux quelques sardiniers
    d’aller à la pêche pour nourrir les
    habitants.
    Quelques bateaux de pêche, avec un
    drapeau « Bleu, Blanc, Rouge » en tête de
    mât, sont partis vers l’estuaire de la Loire.
    Ils veulent signaler aux troupes alliées que
    la ville des Sables est libérée et que les FFI
    ont besoin d’armes.
    Le mercredi 30 août, en début
    d’après-midi, la bande voit arriver en rade
    deux contre-torpilleurs, un anglais et un
    polonais. La vedette des Ponts et
    Chaussées sort au devant des bateaux. Au
    retour avec les officiers alliés, la foule
    rassemblée sur les quais crie en faisant le
    « V » de la victoire.
    Ils s’étaient rendus à la Mairie et avaient remis des armes aux FFI. Puis ils sont repartis rapidement
    toujours sous les cris de bonheur de la foule.
    Dans l’après midi, mon oncle Tranquille pêchant la sardine à bord de sa pinasse La Glaneuse, est
    accosté par un nouveau navire de guerre allié. Les officiers lui demandent de les accompagner au port à
    bord de leur vedette, en laissant son bateau amarré au navire.
    Mon cousin Marcel, qui est à bord de la pinasse, est alors monté à bord du navire de guerre où les
    marins lui donnent des friandises dans un sac. Cependant, l’alerte ayant sonné à bord, la vedette revient
    rapidement. Mon oncle et Marcel sont remontés dans la pinasse et sont rentrés au port. Le navire allié est
    quant à lui aussitôt parti vers le large.
    Le soir, vers 20h30, la bande assise sur le quai, entend des coups de feu et des explosions. Nos
    parents nous font rentrer dans nos maisons, croyant au retour des Allemands. Le lendemain, nous apprenons
    qu’il s’agissait de l’attaque d’une colonne de camions ennemis qui revenaient vers la ville, et qui ont été
    repoussés par les FFI.
    Le jeudi 31 août, un torpilleur allié vient remettre des armes pour les FFI. Ces armes sont transportées
    à terre par des bateaux de pêche sablais (la Rosemonde, patron Émile Clouteau ; l’Arc en ciel, patron Joseph
    Milcendeau ; l’Écaille, patron Fernand Baud ; le Malgré tout, patron Théophile Carriou ; le France Breizh,
    patron Guicheteau ; l’Étoile du marin, patron Henri Legal).
    Un autre souvenir reste toujours ancré en moi : ma mère m’a emmené un jour sur la cale du bateau de
    sauvetage, pour voir le cadavre d’un Allemand noyé lors des naufrages des bateaux de guerre. Il était
    allongé avec son uniforme mais sa figure et ses mains avaient été mangées par les crabes. J’avais à ce
    moment 14 ans, et ce souvenir a hanté longtemps mes nuits. La vie quotidienne reprend petit à petit. Les
    bateaux vont à la pêche, les livraisons des marchandises des « Docks de l’Ouest » reprennent régulièrement.
    Mais, il y a toujours des tickets de rationnement. Les vacances finissent rapidement et la rentrée est faite
    dans les écoles libérées. La bande est toujours sur le quai en attendant la disparition des champs de mines.
    Moi, j’attends toujours mon père qui est prisonnier et dont ma mère est sans nouvelle…
    Les Sables sous l’Occupation (1940-1944) – N° Hors Série 2017
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    allemande 1940 – 1944
    L’Occupation
    CINQ ENFANTS TUÉS
    EN JOUANT AVEC DES OBUS
    LE 31 OCTOBRE 1944
    Par Pierre Ménard
    Les Allemands ont quitté les Sables dans la nuit du 27 au 28 août 1944, mais ils ont laissé derrière
    eux un important matériel de guerre : obus, balles, mines, etc.
    Cette menace évidente n’était pas sans inquiéter les autorités locales qui mettaient en garde la
    population par voies d’affiche et de presse :
    « Attention aux mines !
    Le dimanche, un nombre impressionnant de promeneurs se rendent à la Chaume afin de constater les
    dégâts occasionnés par le départ des Allemands. D’un pied léger ils traversent, sans le savoir, et faisant fi
    des pancartes les prévenant du danger encouru, des champs de mines situés aux alentours du sémaphore et
    du fort Saint-Nicolas.
    Chaumois, Sablais, Attention ! Pensez que nos ennemis nous ont réservé des surprises qui peuvent
    vous coûter la vie. Vous voici prévenus».84
    Nous, les enfants de l’Occupation, insouciants du danger, avions trouvé un nouveau jeu : construire
    des fusées avec des vieux tubes et de la poudre récupérée en désamorçant des obus, des balles et parfois des
    mines.
    Malheureusement, c’est ainsi que de nombreux enfants furent blessés ou tués par ces engins de
    guerre.
    Le maire des Sables, M. Sapin, fait pourtant publier, le 2 octobre 1944, l’avis suivant :
    « Plusieurs accidents mortels s’étant produits, espacés de quelques jours, le Maire rappelle à
    nouveau qu’il y a danger de mort à pénétrer dans les abris militaires et les champs de mines abandonnés
    par les troupes allemandes. Il insiste, notamment d’une façon particulière, auprès des parents pour qu’ils
    ne laissent pas leurs enfants jouer avec des engins militaires quelconques qui peuvent éclater et qu’ils leurs
    interdisent de s’approcher des obus et des champs de mines ».
    Ainsi, début octobre, une femme est tuée par une mine en allant ramasser du bois à La Rudelière.
    Finalement, le drame que tout le monde redoutait finit par arriver. Dans un champ situé sur le chemin
    de Ceinture (actuellement Rue du Docteur Schweitzer), derrière la colonie des Pupilles de la Nation et près
    de la laiterie Bourcereau, existaient deux trous d’une vingtaine de mètres carrés chacun et d’une profondeur
    de 2 mètres environ, espacés l’un de l’autre de 100 mètres environ. Ces trous, bien entendu, étaient remplis
    d’armes et de munitions après le départ des Allemands. Fusils et munitions avaient été remis aux FFI mais il
    subsistait ici et là quelques engins meurtriers. Pourtant, les enfants du quartier en avaient fait leur aire de
    jeux attitrée. Et fatalement ce fut la catastrophe ! Le 31 octobre 1944, à 18h30, cinq enfants sont tués en
    jouant avec des obus. De la bande de copains, un seul échappe à la mort, Jack Remaud, demeurant 80 rue du
    Docteur Schweitzer, que sa mère avait empêché de rejoindre ses amis à cause d’une blessure à la main.
    « Les Allemands avaient abandonné un dépôt de munitions en plein champ à proximité de la Colonie
    des Pupilles en vacances, chemin de Ceinture, sur la commune du Château-d’Olonne.
    À la suite de négligences coupables sur lesquelles nous nous réservons de revenir, ce dépôt fut laissé
    sans clôture, bien que paraît-il, ce terrain était miné.
    L’accident que l’on pouvait craindre s’est hélas produit et avec une gravité toute particulière puisque
    cinq enfants ont payé de leur vie leur juvénile imprudence.
    84 Archives municipales des Sables-d’Olonne, Journal des Sables du 22 septembre 1944, cote 6 Mi 32.
    Les Sables sous l’Occupation (1940-1944) – N° Hors Série 2017
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    Mardi soir, après la classe de l’après midi, s’introduisent sur le dépôt de munitions : Jean-Claude
    Alonzo, né le 1er décembre 1934 à Paris 14ème habitant chez ses grands-parents au Casino des Sports –
    Jean-Claude Collins, né le 4 janvier 1933 aux Sables-d’Olonne habitant Avenue Aristide Briand, aux
    Sables – Claude Lubin, né le 17 avril 1931 à Sedan (Ardenne) et Lucien Lubin né le 14 mai 1936 à Sedan
    (Ardennes) habitants à la Rudelière au Château-d’Olonne – Jacques Perritaz, né le 12 juin 1930 à Paris
    20ème, habitant chez ses parents au Casino des sports (les frères Lubin appartiennent à une famille de 5
    enfants dont le père et 2 enfants sont en Allemagne comme travailleurs).
    Que se passa-t-il ? Soudain une explosion attira l’attention des riverains. Le corps de cinq pauvres
    gosses, certains déchiquetés par la déflagration, gisaient sur le terrain.
    Ils y resteront jusqu’à l’arrivée de trois officiers et d’un infirmier du service de santé du centre des
    F.F.I. qui en dépit du danger des mines, recueillirent les corps qui furent transportés à l’hôpital pour
    identification.
    Un tournevis trouvé à proximité fait supposer que c’est en voulant dévisser la fusée d’un obus de 120
    mm que le terrible accident s’est produit ».
    De nombreuses personnes et les enfants de toutes les écoles ont défilé, devant les corps exposés à la
    morgue de l’hôpital, pour leur rendre un dernier hommage.
    « Vendredi après midi, 3 novembre 1944 ont eu lieu les obsèques des petits Jean-Claude Alonzo,
    Jean-Claude Collins, les frères Lubin et Jacques Perritaz, victimes déplorables de l’accident du 31 octobre
    où ils trouvaient la mort en jouant avec un obus.
    Les enfants de toutes les écoles tant publiques que privées des Sables et de La Chaume, ainsi que les
    élèves du collège municipal et de l’externat Saint-Michel, assistaient, sous la conduite de leurs professeurs
    et instituteurs, aux obsèques de leurs petits camarades. Derrière les familles, M. Sapin, maire, et toute la
    municipalité, le Commandant L’Hélias, les officiers F.F.I., les membres du Comité Local de la Résistance
    et de nombreuses personnalités précédaient une foule immense dont la plus grande partie dut renoncer à
    trouver place dans l’église Saint-Pierre, paroisse des petites victimes (tous étaient élèves de l’école
    Clemenceau).
    La levée du corps et l’office funèbre étaient présidés par le Chanoine Girardeau, curé archiprêtre
    des Sables et l’absoute fut donnée par l’abbé Dugast, curé de Saint-Pierre.
    Des profusions de fleurs blanches, gerbes, bouquets et couronnes, portées par des enfants, furent
    déposées sur les tombes si prématurément ouvertes.
    Aux familles, si cruellement éprouvées, nous renouvelons l’hommage de nos condoléances émues ».
    Le Conseil municipal des Sables, lors de sa séance du 22 novembre 1944, vota à l’unanimité un crédit
    7 336 francs, représentant le montant des frais d’obsèques des 5 enfants.
    Trois corps furent inhumés au nouveau cimetière des Sables : les deux frères Lubin et Jean-Claude
    Collins. Quant à Jacques Perritaz et Jean-Claude Alonzo, ils furent déposés dans un caveau de famille à
    l’ancien cimetière des Sables.
    Quatre d’entre eux furent reconnus « Mort pour la France » par décision du ministre des Anciens
    Combattants : Claude et Lucien Lubin le 10 mai 1962, Jean Claude Collins le 30 octobre 1969 et Jacques
    Perritaz le 9 mai 1983.
    Malheureusement, comme dans beaucoup de cas, la leçon n’a pas suffi. D’autres morts et d’autres
    blessés sont à déplorer, et pas seulement des enfants. Ainsi, le 25 novembre 1944, MM. Joseph Clouteau, 56
    ans, marin-pêcheur, 33 rue Haute et Emmanuel Rocheteau, 65 ans, sont tués par l’explosion de munitions
    qu’ils tentaient de désamorcer…
    Les Sables sous l’Occupation (1940-1944) – N° Hors Série 2017
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    Allemande 1940-1944
    L’Occupation
    LA « BATAILLE DES PORTES »
    Par Yanice Michaud
    Les 30 et 31 août 1944, au lendemain de la libération des Sables-d’Olonne, s’engage au Châteaud’Olonne
    ce que l’on a appelé la « bataille des portes ».
    CONTRÔLER LES VOIES D’ACCÈS VERS LES SABLES-D’OLONNE
    En 1943, les Allemands contrôlent les principales voies d’accès aux Sables-d’Olonne au moyen de
    portes permettant ainsi de surveiller les déplacements de la population. Trois d’entre-elles étaient situées :
  • à La Chaume
  • à la Garlière (Route d’Olonne)
  • à la Mérinière (Route de La Roche-sur-Yon)
    et deux autres au Château-d’Olonne :
  • route du Château-d’Olonne (Rue Georges Clemenceau près du carrefour des Nouettes)
  • et route de Talmont (près de la ferme du Pas du Bois).
    Souvent laissées ouvertes dans la journée, les portes étaient en revanche systématiquement fermées le
    soir dès 23h00. Au lendemain de la libération des Sables-d’Olonne, ces portes vont devenir des points de
    défense stratégiques pour les FFI et le théâtre d’affrontements importants avec les Allemands.
    PORTE DU CHÂTEAU-D’OLONNE : RUE CLEMENCEAU
    Craignant un retour éventuel des forces Allemandes, les FFI organisent la défense des Sablesd’Olonne
    et décident de se poster à toutes les portes le 29 août. Porte du Château d’Olonne, le 30 août,
    Renou et ses hommes (section Lapierre) sont sur le qui-vive. De nombreux convois Allemands ont été
    signalés dans tout le département. Les postes se sont mis à la disposition des FFI et ont réparé les
    installations téléphoniques (Journal de marche 1er bataillon FFI de Vendée). L’après-midi, un coup de
    téléphone de la poste de Grosbreuil signale la présence d’un convoi Allemand. Le soir, vers 20h30, un
    Les Sables sous l’Occupation (1940-1944) – N° Hors Série 2017
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    détachement de ce convoi composé d’une voiture légère et de quatre camions et remorques se présente à la
    porte du Château-d’Olonne. Le détachement chargé de munitions (obus de 155) vient de Saint-Gervais et a
    pour mission de se diriger vers La Rochelle où ils sont attendus par la Kriegsmarine.
    Le convoi est immédiatement stoppé par
    le tir des FFI. Un premier camion est de suite
    immobilisé, le deuxième, chargé d’obus, est
    incendié par Malescot et explose. Le soldat
    Muga venu en renfort en incendie un autre.
    Mais les FFI faute de munitions ne peuvent
    résister encore très longtemps. Heureusement,
    les renforts arrivent avec les hommes de RI
    mené par le capitaine Bouhier (Pavageau).
    En contournant l’ennemi, ils détruisent le
    reste du convoi et font prisonnier les soldats
    allemands restants. Ces derniers furent
    emmenés à la caserne de l’abbaye Sainte-Croix
    où il furent chargés de trier les munitions
    laissées par les Allemands lors de leur départ.
    Pendant une bonne partie de la nuit, le camion
    qui transportait les obus continua d’exploser.
    PORTE DE TALMONT
    Le lendemain 31 août, c’est à la porte de Talmont près de la ferme du Pas du Bois, que les FFI
    doivent de nouveau faire face, vers 15h00, à un nouvel affrontement avec l’ennemi. Alors que les hommes
    de la section de Cazes s’apprêtent à prendre la relève du groupe dirigé par Maucaret, deux voitures légères
    se présentent à la porte de Talmont.
    Immédiatement prises sous le feu des FFI, les deux voitures font demi-tour mais reviennent munies d’un
    canon anti-chars, d’une mitrailleuse et d’un fusil mitrailleur. Le combat fait rage et malgré le manque de
    munitions, les FFI résistent, bientôt, rejoints par une section de la compagnie Lapierre venue en renfort.
    Coll. Archives municipales des Sables-d’Olonne.
    Les Sables sous l’Occupation (1940-1944) – N° Hors Série 2017
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    Au bout d’une heure de combat, les Allemands capitulent laissant trois morts dont un officier et un sousofficier.
    A l’issue de la bataille, quelques blessés côté FFI : le chef de section Maucaret blessé à la jambe et
    au bras gauche et un certain Massé, dit « Loulou », avec une balle dans la main. Les portes font encore
    parler d’elles le 3 septembre 1944 lorsque les Allemands menacent par téléphone de bombarder les Sablesd’Olonne
    et somment les FFI d’ouvrir « toutes grandes les portes de la ville ».
    Aucun obus ne tombera finalement sur la ville. Ci-dessus : la Section Lapierre.
    Coll. Archives municipales du Château-d’Olonne.
    Les Sables sous l’Occupation (1940-1944) – N° Hors Série 2017
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    Extraits du Discours de Séraphin Buton au lendemain de la Libération
    Fête de la Libération
    Le Château-d’Olonne
    Septembre 1944
    Au lendemain de la Libération et à l’appel du Maire Paul Colins et du Comité Local de
    Libération, la Ville du Château d’Olonne organise une cérémonie pour fêter la Libération. Séraphin
    Buton, alors Président du Comité Local de la Libération, prononce ce discours.
    « Monsieur le Sous-préfet
    Monsieur le Maire
    Messieurs les officiers
    Camarades FFI
    Mesdames, Messieurs.
    La Liberté guide enfin nos pas ! La libération du pays des Chouans, du pays de Clemenceau est
    maintenant définitive, officielle, depuis surtout que le boche s’est rendu compte, pas très loin d’ici je
    crois, qu’il existait des portes au travers desquelles on ne passait pas.
    Et voilà comment à la suite de l’action de nos gars du maquis, car il s’agit bien d’eux, notre région
    Ouest fut débarrassée du boche maudit, voleur et pillard !
    Comme en 92, ces soldats en sabots, en pantoufles, avec des haillons, devinrent les soldats de la
    Liberté et de la Délivrance.
    Et voilà que pris de panique à travers toute la France, à travers toute l’Europe, le boche pressé par
    les valeureuses troupes alliées et les ardents maquisards qui surgissent de toutes parts, fuit, fuit, éperdu,
    nach Berlin.
    Grand bien vous fasse Monsieur le Maréchal, votre discours de Nancy vaut bien votre poignée de
    Montoise. On a dit que l’histoire vous jugerait, mais, Monsieur le Maréchal, le peuple patriote de la
    France Républicaine vous a déjà et depuis de long mois, jugé et condamné.
    Jeudi dernier à la Roche-sur-Yon, j’avais l’insigne honneur d’assister à la fête de la Libération, à
    la proclamation de la République, à la prise de pouvoir officiel des hommes et de la législation
    Républicaine. Mon rôle aujourd’hui est de réaffirmer en cette Mairie du Château-d’Olonne et en
    présence des autorités, la résurrection du gouvernement du peuple, je m’en acquitte heureux et fier,
    ayant conscience de remplir une mission agréable, celle de proclamer que la République est de nouveau
    le gouvernement de la France.
    La mission dont j’ai été accrédité par Monsieur Martin, préfet de Vendée, étant remplie, j’en ai
    une autre plus intime à m’acquitter, celles de remercier toutes les personnalités ici présentes ainsi que
    cette vibrante population qui a répondu à l’appel du Comité Local de Libération et à l’appel de Monsieur
    le Maire. Merci Monsieur le Sous-Préfet, votre présence au milieu de nous, à la présidence de notre fête
    montre en quelle estime vous tenez, tant que les organisateurs que les assistants.
    Quant à vous Messieurs les Officiers, Commandant l’Hélias et des Roseaux Capitaines Aigreault
    et Beaumont, je n’ai pas besoin de vous crier bien fort quelle sympathie, quelle amitié, quel esprit de
    camaraderie me lie à vous et avec quelle fierté je vous salue ici. Toi aussi mon cher Hallochet, toi mon
    collègue dans l’action clandestine civile, toi qui représente ici le CDL des Sables, je te prie de porter à
    nos amis l’affectueuse amitié et le salut du CDL du Château et de sa population.
    Officiers, Sous-officiers ou soldats FFI dont la bravoure, l’initiative et le cran sont dignes des plus
    belles traditions militaires, nous sommes heureux de vous fêter, de vous glorifier en ce jour de fête qui
    est vôtre dans une commune où vous avez droit de cité, parce que vous y avait inscrit une belle page
    Les Sables sous l’Occupation (1940-1944) – N° Hors Série 2017
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    d’honneur et de gloire. Mais qu’il me soit permis aussi d’adresser un salut particulier aux Capitaines
    Aigreault, au capitaine Beaumont, aux cotés desquels j’ai l’honneur de militer depuis de longs mois dans
    la résistance, bien souvent au nez et à la barbe des frisés et de leur Gestapo, je m’excuse de parler de
    nous mais rappelez-vous les nombreux voyages dans le clandestin, parfois les menottes au main, vous en
    souvient-il, ami Aumont ?
    C’est vous Aigreault, qui après avoir fait du maquis il y a plus de 2 ans en Indre et Loire, avez, dans
    notre région, organisé et recruté, cela je tiens à le dire et à vous rendre publiquement l’hommage auquel
    vous avez droit ! Nous sommes des camarades de lutte et ce souvenir d’avoir organisé la lutte contre le
    boche et pour la République, cela ne s’oubliera jamais.
    Et maintenant plus près de moi, j’adresserai mes remerciements à mon Comité Local de
    Libération, à ceux dont on peut dire qu’il sont Gaullistes, depuis qu’au soir du honteux armistice de juin
    1940, ils ont entendu la voix et l’appel du Général de Gaulle. Une mention particulière à Letard Joseph
    père et fils qui avez été ici dans notre commune, même aux plus sombres jours de la Résistance, les
    propagandistes du Gaullisme. Un hommage particulier aux victimes de la Gestapo, camarades Mothais,
    Genet, et tout autre et espoir de revoir bientôt tous les autres, n’est-ce pas petite Jeannine ? Aussi un
    souvenir ému à nos héros du Maquis que Monsieur le Maire honorera tout à l’heure au Monuments aux
    Morts, en glorifiant les morts des deux guerres ! Et à vous tous camarades du Château, à vous
    Mesdames, à vous maîtresses et maîtres dévoués, à vous tous chers petits enfants des écoles publiques et
    privées, à vous tous amis des Sables et des communes voisines, merci d’être venus, nombreux, merci au
    nom du Comité Local de Libération.
    Voici donc la Patrie libérée, glorifiée, la République retrouvée et cela est pour nous synonyme de
    Liberté. Et toujours animé de ce même sentiment qui n’a jamais varié ni dans mon coeur ni dans mes actes,
    je vous crie bien fort de toute mon âme :
    Vive la France et la République
    Vive le Président de Gaulle
    Vive tous les alliés ».
    Les Sables sous l’Occupation (1940-1944) – N° Hors Série 2017
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    L’Occupation allemande
    FÉLIX KIRIÉ
    (1901-1943)
    Par Jean-Pierre Brunet
    1940 – 1944
    Félix Kirié, beau-frère d’Emmanuel Garnier et frère de Rose
    Brunet ma grand-mère, est décédé le 22 Août 1943 aux Sablesd’Olonne,
    abattu par une patrouille allemande sur le quai proche des
    douanes.
    Le 21 Août, au soir, vers 21h00, Félix quitte son bateau qui
    est amarré quai Guiné. La nuit tombante est chaude et le couvre feu
    est en vigueur. Félix, quelque peu grisé, rentre à son domicile, 25
    rue de la Patrie. En cours de route, vers le bâtiment des douanes
    (Village de Vacances aujourd’hui), il se heurte à une patrouille
    allemande qui malmène un petit chien. Le ton monte et l’altercation
    tourne mal. La lutte devient inégale, mais Félix résiste, brave
    l’Occupant. A t-il voulu leur échapper en désespoir de cause ? Félix
    est abattu dans le dos comme un chien. Il parcourt quelques mètres
    puis s’écroule à l’angle de la rue Bougainville, gravement blessé.
    L’Occupant, sans état d’âme, le laisse sur place agonisant. Le témoignage de M. et Mme Robert est
    particulièrement éloquent à ce sujet. Ils entendront derrière leurs volets « gémir » Félix toute la nuit…
    Au petit matin, vers 6h00, il est transporté à l’hôpital en ambulance où son état est jugé désespéré.
    Malgré les soins prodigués, Félix est reconduit en fin de matinée à son domicile, mourant. Il décèdera en fin
    d’après-midi vers 18h00 des suites de ses blessures.
    Maladroitement, ou peut être inconsciemment, Félix a perdu la vie en montrant à l’Occupant qu’on
    pouvait vivre autrement qu’à genoux.
    Coïncidence de l’histoire, Félix a été abattu sur le lieu même ou plus tard le nom de son beau-frère
    sera apposé « Quai Emmanuel Garnier Héros de la Résistance ».
    Le rapport de police du 22 août 1943 présenté ci-après se passe de commentaire. Soumis
    probablement à la censure de l’époque, il est bourré de contradictions et d’invraisemblances. Il a
    été obligatoirement rédigé à la botte de l’Occupant pour minimiser son crime.
    Le quai des Sables où a été abattu Félix le 22 août 1943.
    Ci-contre (à droite) : l’angle de la rue Bougainville donnant
    sur le quai « Emmanuel Garnier », aujourd’hui.
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    Les Sables sous l’Occupation (1940-1944) – N° Hors Série 2017
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    Pour Félix Kirié, en hommage à son grand-père…
    Les Sables sous l’Occupation (1940-1944) – N° Hors Série 2017
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    Allemande 1940-1944
    L’Occupation
    JEAN TESSON, JEUNE SABLAIS
    MORT EN DÉPORTATION À 23 ANS
    Par Yves Tesson
    Second d’une famille de 12 enfants, bien connue des vieux sablais par mon père qui
    exploitait une glacière sur le port de pêche des Sables, il était né le 11 octobre 1921. C’était un
    garçon d’une très grande gaieté, aimant la vie avec fougue, toujours en verve et racontant souvent
    maintes histoires devant un auditoire plié en deux. Il était éminemment sociable.
    Jean Tesson (1921-1945).
    Coll. Famille Tesson.
    Sa grande qualité était la générosité : il ne gardait rien pour lui,
    distribuant autour de lui ce qu’il avait en fonction des besoins de ses amis
    qui bien sûr étaient fort nombreux. À sa sortie de l’École d’Agriculture
    de Grignon dans la région parisienne, il avait été sollicité par son ancien
    directeur pour rentrer dans la Résistance et partit pour Clermont-Ferrand.
    Il assura la liaison entre les maquis de la région qu’il visitait en
    bicyclette, en faisant des centaines de kilomètres dans la montagne et en
    rendant compte de ses missions aux responsables du Réseau R/6 de la
    France Combattante à Lyon.
    Jean a été arrêté par la Gestapo en gare de Clermont-Ferrand, le 5
    Juillet 1944, au cours d’une mission, dénoncé comme plusieurs de ses
    camarades, par l’un des hommes qui travaillaient pour l’organisation. Il
    était du transport parti le 28 juillet 1944 de Compiègne et arrivé le 31
    juillet 1944 au camp d’internement de Neuengamme en Allemagne. Son
    numéro de matricule, situé entre 39333 et 39573, le classait dans la
    catégorie des « Nacht und Nebel », c’est-à-dire ceux qui devaient
    obligatoirement disparaître.
    Il mourut au Kommando de Bremen-Farge le 15 mars 1945, moins de 2 mois avant la fin de la guerre.
    Il fut cité à l’ordre de l’Armée par le général de Gaulle, le 10 janvier 1946 :
    Tesson Jean, Officier de liaison FFC
    Officier de liaison du délégué militaire régional en R/6 a fait preuve dans l’accomplissement des
    missions qui lui ont été confiées d’un mépris total du danger. A travaillé dans Clermont-Ferrand du 8
    mai au 7 juillet dans des conditions de sécurité extrêmement précaires, avec un cran provoquant
    l’admiration de ses hommes. Arrêté par la Gestapo, a subi la torture sans livrer de renseignements à
    l’ennemi.
    Cette citation comporte l’attribution de la Croix de Guerre avec palme.
    Ses activités dans la résistance lui ont valu également la médaille de la Résistance.
    Trois brefs témoignages, choisis dans le courrier reçu par ma famille à l’occasion de son décès,
    permettront d’éclairer sa personnalité et sa conduite en des circonstances tragiques :
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  • Tout d’abord, un passage du discours de Jean Nicolaï, adjoint au maire d’Avignon, lui-même
    ancien de Neuengamme, qui a remis, le 30 janvier 1983, la Croix de Chevalier de la Légion
    d’Honneur à Henri-Louis Denaiffe.
    Celui-ci était né le même jour que mon frère, le 11 octobre 1921 et fut son compagnon le plus fidèle
    pendant sa déportation, partageant souvent la même gamelle. Curieusement, ils s’étaient connus bien avant
    Neuengamme. Quand Jean était à Grignon, il avait participé avec son École à la visite d’une entreprise
    de production de graines à la Ménitré (Maine et Loire), la société Denaiffe. Henri-Louis était le fils
    de la maison, il se trouvait là et c’est Jean qui avait été chargé du discours de remerciement au nom de
    l’École, un modèle du genre, plein d’humour et inoubliable m’a dit Henri-Louis, que j’ai pu rencontrer par
    la suite à diverses reprises. Ces retrouvailles, en pareilles circonstances, ont été le début d’une solide amitié.
    Voici l’extrait du discours de Jean Nicolaï :
    « …Je suis certain qu’en ce moment de nobles pensées occupent le coeur et l’esprit d’Henri Denaiffe.
    Il voit d’abord nos camarades qui ne sont pas rentrés et il leur dédie sa croix – je ne puis les nommer tous
    mais je sais qu’un nom passe avant tous les autres – C’était le plus gentil, le plus attachant de tous …Jean
    Tesson ». Puis, d’adressant au récipiendaire : « Je sais combien sa mémoire t’est chère ! »
  • Ensuite, le courrier du Lieutenant Marianne, des services du Réseau « Action » de la France
    Combattante, adressé à mon père :
    « En ma qualité de secrétaire de la section de parachutages clandestins et étant donné que j’ai bien
    connu votre fils avec lequel j’ai eu plusieurs rendez-vous, je vous prie d’abord de trouver ici l’assurance de
    l’admiration profonde que mes camarades et moi-même avions pour lui. Christophe, (c’était son nom dans
    la clandestinité) a été arrêté le 5 juillet 1944. un homme qui le connaissait et qui travaillait avec nous l’a
    dénoncé, comme, hélas, plusieurs camarades. La Gestapo l’a pris en gare de Clermont-Ferrand alors qu’il
    allait faire une liaison à Lyon. Il a été vu à la prison de Clermont-Ferrand et les gens qui partageaient sa
    cellule et qui ont pu faire parvenir un mot à leur famille, ont rapporté qu’il n’avait pas parlé. Héroïquement,
    il a su taire tout ce qu’il savait sur notre organisation. Vous pouvez être fier de lui, comme nous le sommes
    nous les camarades de tous ces héros… »
  • Enfin, le courrier de M.Delon, secrétaire de la Fédération Nationale des Centres d’entraide
    des internés et déportés politiques à l’une de mes soeurs :
    « …J’ai reçu votre lettre concernant votre frère Jean Tesson, mort à Farge. Je l’ai en effet, bien connu,
    pour sa gaieté, son courage, son optimisme, ses qualités de jeune Français, résistant et loyal. J’ai en, en
    effet, l’occasion de le soigner à l’infirmerie du camp, mais atteint d’une tuberculose à évolution rapide, il
    n’y avait rien à faire dans les conditions primitives des infirmeries de bagnes nazis. Avant d’être malade, il
    avait travaillé comme nous tous à la construction de la base sous-marine avec un groupe d’autres jeunes
    dont il était sincèrement aimé. Il a incontestablement souffert, physiquement et moralement, comme chacun
    d’entre nous, des conditions de cette détention. Il a su supporter sa souffrance courageusement. S’il a su
    garder ses sentiments religieux ?… Oui, dans son coeur, sans signes extérieurs, car ce n’était pas possible.
    J’ai assisté à ses derniers moments et je dois vous dire qu’un garçon squelettique qui n’a plus la force de
    lever un bras, qui pèse 35 kg, ne peut pas non plus penser ni croire. Il est inconscient…. Il est mort sans s’en
    apercevoir, il s’est éteint sans souffrir, n’en ayant ni la force, ni la conscience… »
    En conclusion, je voudrais dire et tout spécialement aux jeunes qu’une mort dans de pareilles
    circonstances, loin des siens, loin de sa fiancée et dans le dénuement le plus complet doit nous inviter à
    rechercher sans cesse le respect de l’homme et la paix entre les peuples.
    Le square Jean Tesson a été inauguré le dimanche 25 avril 2010.
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